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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

1 - L'environnement initial

1.1 - Les premières activités spatiales dans le monde, l'Europe et la France

Les précurseurs

Ce n'est qu'au début de notre siècle que les scientifiques se sont mis à étudier les moyens d'aller dans l'espace. Auparavant, des romanciers de science fiction, tels que Jules Verne ou H.G. Wells, avaient imaginé des voyages vers la Lune, objectif bien visible du commun des mortels, mais la faisabilité des moyens qu'ils décrivaient était loin d'être démontrée. Il n'est pas dans notre propos d'exposer les détails du développement de l'astronautique. Nous allons simplement en rappeler quelques étapes.

Le principal problème consistait à réaliser des ensembles propulsifs qui, avant d'être capables de mettre des charges utiles en orbite, puissent au moins, accompagnés de leurs réserves d'ergols, s'arracher eux-mêmes à l'attraction terrestre et atteindre une vitesse suffisante pour être mis en orbite. La chasse aux kilogrammes, et même aux grammes, superflus est bien connue de la plupart de ceux qui seront cités dans cet ouvrage.

Parmi les scientifiques qui ont travaillé sur les problèmes d'astronautique, on peut citer le Français Robert Esnault-Peltrie, qui est un précurseur. Ayant commencé ses travaux vers 1908, il publie en 1912, à Saint-Petersbourg et à Paris, sa première communication intitulée Considérations sur les résultats d'un allègement indéfini des moteurs.

Il apparaît très rapidement que la propulsion par réaction est la seule qui permette de se déplacer hors de l'atmosphère terrestre. Le principe de la fusée est connu et mis en pratique depuis des siècles, en particulier par des fabricants de feux d'artifice qui disposent d'ergols solides, encore que le mot «ergol» soit d'invention toute récente.

Cette utilisation d'ergols solides se développe rapidement pendant la deuxième guerre mondiale, et de nombreux missiles militaires, y compris certains missiles balistiques, font appel à ce mode de propulsion. Cependant, dès les années vingt, l'utilisation d'ergols liquides donne lieu à des études qui paraissent prometteuses.

Le premier essai en vol d'une fusée à ergols liquides est réalisé en 1926 par l'Américain Robert Goddard. En France, c'est toujours Robert Esnault-Peltrie qui essaye au banc, de 1934 à 1937, à Satory, les premiers moteurs-fusées français à liquides. Un de ses collaborateurs, Jean-Jacques Barre, va lui succéder dans ses travaux et, avec la plus grande discrétion, continuer de bénéficier de crédits d'État, malgré l'occupation allemande, pour réaliser et essayer au banc une fusée à liquides, d'abord au camp du Larzac en 1941, puis à Lyon en 1942. Ce n'est qu'après la Libération que cette fusée sera essayée en vol, avec des fortunes diverses, de mars 1945 à juillet 1946 à La Renardière, près de Toulon.

Après la guerre, les nations alliées bénéficient de l'expérience des ingénieurs allemands qui ont mis au point les V1 et les V2. Parmi eux, Werner Von Braun est l'un des principaux artisans de la fusée Saturn qui permettra le succès du programme Apollo d'exploration de la Lune.

Les premières réalisations

Dans les années cinquante, on parle sérieusement de mettre des satellites en orbite, tout au moins dans la presse scientifique américaine. On commence à explorer la haute atmosphère avec des fusées sondes. En prévision de l'Année géophysique internationale (juillet 1957 à décembre 1958), des scientifiques insistent sur l'intérêt de mettre en orbite des satellites artificiels. Le coup d'envoi de l'ère spatiale est donné par les Soviétiques, toujours très discrets sur leurs préparatifs.

SpoutnikLe 4 octobre 1957, le monde apprend qu'un satellite artificiel de la Terre, baptisé Spoutnik, vient d'être mis en orbite par une fusée soviétique. Bien entendu, étant donné l'intense rivalité de l'époque, les États-Unis d'Amérique se doivent de réagir. Un lanceur de satellites, baptisé Vanguard, est en construction sous l'égide de la marine américaine, mais la première tentative de lancement, le 6 décembre 1957, sera un échec. C'est finalement par le lanceur Jupiter, dérivé du missile militaire Redstone de l'armée de terre, que le premier satellite américain Explorer, d'une masse de 14 kilos, est mis en orbite le 31 janvier 1958.

L'ère spatiale est lancée, avec, dans une première phase, des satellites équipés d'appareils de mesures et d'observations scientifiques. Il ne faudra attendre qu'un peu plus de trois ans pour assister, après quelques vols d'essais suborbitaux, aux premiers vols habités : du côté soviétique, les Vostok 1 et 2 occupés respectivement par Iouri Gagarine le 12 avril 1961 et Titov, les 6 et 7 août 1961 ; du côté américain, la capsule Mercury occupée par John Glenn le 20 février 1962.

L'éveil

La nouvelle de la mise en orbite du premier Spoutnik provoque de nombreuses réactions dans notre pays. Les scientifiques entrevoient la mise à leur disposition de moyens nouveaux pour étudier non seulement notre globe et son environnement immédiat mais aussi le système solaire et l'univers lointain.

Une réflexion commence pour tenter de déterminer comment disposer de ces moyens. Certains d'entre eux peuvent, éventuellement, être mis en oeuvre à l'échelon national, mais ils seraient forcément limités. On voit ainsi naître progressivement l'idée d'un organisme national chargé des questions spatiales et, en même temps, celle d'un organisme international, au niveau européen, qui devrait, a priori, pouvoir disposer de moyens plus importants qu'un organisme purement national. C'est donc en parallèle qu'apparaissent peu à peu en France et en Europe des organisations gouvernementales chargées de gérer les activités spatiales, c'est-à-dire les programmes de satellites et ceux de leurs moyens de lancement.

L'éveil en France

Diamant ADepuis 1959, des études sont réalisées en France pour la conception et la réalisation de missiles balistiques. De là à proposer l'adaptation de ces missiles à la fonction de lanceurs de satellites, il n'y a qu'un pas, qui sera rapidement franchi. En décembre 1960, la SEREB (Société d'Études et de Réalisations d'Engins Balistiques) propose de dériver des SSBS en cours de développement un lanceur permettant de placer une masse de 50 kilos sur une orbite de périgée 300 km.

Le gouvernement français avait fondé, le 7 janvier 1959, un groupe de réflexion appelé Comité des recherches spatiales, dont le Président était Pierre Auger. C'est le 18 décembre 1961 que ce Comité décide la réalisation de ce qui deviendra le lanceur Diamant.

À la suite des travaux de ce Comité, la décision de créer le CNES est signée le 19 décembre 1961. Son décret d'application est daté du 10 février 1962. Le premier Président du CNES sera Pierre Auger et son premier Directeur Général Robert Aubinière, à partir du 1er mars 1962.

AstérixTrois ans et demi plus tard, le lanceur Diamant met en orbite à partir de la base d'Hammaguir son premier satellite d'essai, baptisé Astérix, le 26 novembre 1965 à 15 h 47. Équipé d'un répondeur radar américain fourni par Motorola, ce satellite, dont la seule mission est de préciser l'orbite atteinte, possède une antenne Thomson, fabriquée à Bagneux. Mais nous en reparlerons plus loin. 

L'éveil en Europe

Une évolution analogue se déroule au niveau européen. En janvier 1960, une réunion internationale tenue à Nice avait proposé de créer le GEERS (Groupe Européen d'Études pour la Recherche Spatiale). Cet organisme naît officiellement les 23 et 24 juin 1960 au cours d'une réunion à Paris entre représentants de la Belgique, de la France, de l'Italie, des Pays-Bas, du Royaume-Uni et de la Suède. Ces pays seront rejoints par l'Allemagne fédérale et la Suisse, puis la Norvège et le Danemark. Le Président du GEERS est le Britannique H. Massey et le secrétaire exécutif le Français Pierre Auger.

Au GEERS succède la COPERS (COmmission Pré­paratoire Européenne de Recherches Spatiales), mise en place par le GEERS lui-même au cours d'une réunion se déroulant à Genève du 28 novembre au 1er décembre 1960. Comme son nom l'indique, cette nouvelle organisation, qui fonctionne effectivement à partir du 27 février 1961, doit préparer la mise en place d'une organisation permanente. Participent aux travaux de la COPERS les pays membres du GEERS auxquels se joignent, durant l'année 1961, l'Espagne et l'Autriche. Par contre, la Norvège quittera l'organisation en juin 1962.

ESRO 1Les dirigeants de la COPERS, élus en mars 1961, sont les mêmes que ceux du GEERS : H. Massey, Président, et Pierre Auger, secrétaire exécutif. Les travaux de la COPERS aboutissent à la création de l'ESRO (European Space Research Organization).

Ouverte à la signature le 14 juin 1962, la convention internationale créant l'ESRO entre finalement en application le 20 mars 1964. Elle regroupe l'Allemagne fédérale, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, la France, l'Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'Autriche et la Norvège y possèdent le statut d'observateurs. Le Conseil de l'ESRO se réunit pour la première fois les 23 et 24 mars 1964 sous la présidence de H. Massey, et Pierre Auger y est élu Directeur Général.

Esro 2ALa mission principale de l'ESRO est la recherche scientifique dans l'espace, c'est-à-dire principalement la réalisation et la mise en oeuvre de satellites et de sondes interplanétaires à but scientifique. Ce n'est que plus tard qu'elle sera habilitée à réaliser, à titre expérimental, des satellites d'applications tels que des satellites de télécommunications.

Europa de l'EldoEn parallèle avec la création de l'ESRO, une organisation consacrée à la réalisation de lanceurs de satellites voit le jour à peu près à la même époque. C'est le 29 mars 1962 qu'est ouverte à la signature la convention créant l'ELDO, qui entrera en application le 29 février 1964 et dont les pays membres sont l'Allemagne fédérale, la Belgique, l'Australie, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Le premier Président en est l'Allemand G. Bock et le premier secrétaire général l'Italien R. Carrobio di Carrobio.

Pas de tir Ela-1Les deux organisations se mettent en place et commencent à travailler avec toute la lenteur rendue inévitable par leurs origines internationales. Ce n'est qu'en mai 1967 qu'est lancé le premier satellite construit sous la responsabilité de l'ESRO (ESRO IIA). Ce lancement est un échec, mais l'organisation connaîtra de nombreux succès jusqu'à son remplacement par l'ESA (European Space Agency), en mai 1975. Quant à l'ELDO, elle ne connaîtra pratiquement que des échecs jusqu'à son intégration à l'ESA en mai 1975. Arrivera ensuite, sous l'impulsion particulière de la France et du CNES, le programme Ariane qui donnera naissance à une famille de lanceurs dont la réputation a conquis le monde entier.

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