Témoignage

J' ai découvert «l'Espace» lorsque, venant du monde de l'informatique, j'ai, en 1983, pris la direction de la branche Transmissions de Thomson-CSF dont faisait partie la petite Division Espace.

J' y ai trouvé des équipes dynamiques, enthousiastes et motivées, mais perturbées par le déménagement à Toulouse (judicieux mais entraînant les difficultés inhérentes à tout déménagement) et par la forte croissance du chiffre d'affaires et des effectifs.

Quelques mois plus tard, Thomson-CSF cédait à Alcatel tout un secteur d'activité, dont l' activité spatiale. La Division Espace avait été valorisée à 53 millions de francs, ce que presque tout le monde considérait comme exagéré car la Division avait une perte d'exploitation correspondant au tiers de son chiffre d'affaires. En moins de vingt ans, la valeur d' Alcatel Espace aura donc été multipliée par un facteur cent, et il n' a pas été si long le chemin qui a conduit de la difficile mise au point des récepteurs d'Intelsat VI à la maîtrise d' oeuvre du programme Skybridge.

J'ai eu la chance de pouvoir convaincre deux anciens collaborateurs de ma période informatique, Michel Chaussedoux et Georges Malgoire, de rejoindre Alcatel Espace. Ils ont apporté leur expérience et leur professionnalisme et ont joué un rôle important dans la mutation de la société.

La situation une fois redressée, il devenait possible d'évoluer du statut d'équipementier au statut de maître d'oeuvre. Soyons francs, je n'étais pas au début totalement convaincu, mais j'ai appliqué le vieil adage «je suis leur chef, donc je les suis». Je fus ensuite très vite convaincu de la nécessité de l'accord avec Loral et de la fusion avec un fabricant de plates-formes. Ces deux événements se sont réalisés.

Ma principale fierté restera d'avoir préparé ma succession en embauchant Jean-Claude Husson puis en lui transférant progressivement la responsabilité quasi totale de la société.

Avec le recul, il est possible d'analyser les raisons du succès impressionnant d'Alcatel Espace. Certaines sont évidentes :

- la qualité et l'enthousiasme des équipes à tous niveaux;

- l'anticipation des besoins du marché;

- le respect du client.

On peut y ajouter deux raisons spécifiques :

- une «vraie» décentralisation à Toulouse;

- un certain talent pour désobéir aux consignes du Siège de la rue Emeriau, qui, comme tout grand groupe industriel, cherchait à rationaliser et à imposer des méthodes pas toujours applicables au secteur spatial.
 
 

Soyons francs là aussi, cette vertu de désobéissance aurait vite trouvé ses limites si nous n'avions pas eu de bons résultats financiers et la complicité du Président du Groupe Alcatel.