3 - Les unités spécialisées dans
l'Espace
3.1 - Le Département Espace-Satellites (ESA puis
DSP)
La création
Le 11 juin 1970, l'ordre de service n° 53, signé par Jean-Pierre
Bouyssonnie, Directeur Général de Thomson-CSF, annonce que
les activités et moyens des Divisions Matériels d'Avionique
(MAV) et Matériels Aérospatiaux (MAS) sont regroupés
au sein d'une nouvelle Division, la Division Équipements Avioniques
et Spatiaux (AVS), placée sous l'autorité d'Alexandre Boudigues,
à dater du 1er juillet 1970.
Dans un souci de clarté de la gestion, et afin de mesurer plus
facilement la rentabilité de chacune des disciplines dont est chargée
sa Division, Alexandre Boudigues décide de la scinder en plusieurs
Départements responsables chacun de ses résultats ; c'est
ainsi que naît le Département Espace-Satellites dont la direction
est confiée à Jacques Chaumeron.
Ce dernier n'est pas un novice dans le «défrichage»
de domaines nouveaux. Après avoir participé entre autres,
à Thomson Gennevilliers au début des années cinquante,
à l'étude du premier faisceau hertzien numérique et
aux études de divers faisceaux hertziens militaires, il a dirigé
pendant quatre ans, au Centre technique de défense aérienne
du SHAPE, le service technique chargé de superviser la mise en place
du réseau européen de communications à diffusion troposphérique
de l'OTAN. À son retour à Thomson-CSF, en 1963, il a trouvé
une occasion de «monter» au-dessus de la troposphère
en étant affecté au bureau des activités spatiales
dirigé par Vladimir Altovsky. Depuis, il est resté dans le
domaine spatial en rejoignant en 1965 Gennevilliers, où, tout en
revenant partiellement dans la troposphère, où il a participé
à la réalisation du réseau «Vestale» de
la force nucléaire stratégique, il a également participé
à divers projets spatiaux dont les débuts de Symphonie.
L'ordre de service n° 60 de Jean-Pierre Bouyssonnie, daté
du 3 juillet 1970, fait mention d'un Département Espace. Cette dénomination
fait l'objet de quelques remarques car des équipements au sol tels
que les stations terriennes de télécommunications ou certains
radars, considérés comme faisant partie du domaine de l'espace,
ne sont pas du ressort du Département. Certains proposent de l'appeler
Département Satellites. Finalement, après quelques discussions,
il est convenu de l'appeler Département Espace-Satellites, compromis
qui satisfait à peu près tout le monde.
Le sigle correspondant, ESA, aura une durée de vie limitée.
Lorsque, à la suite de la fusion entre l'ESRO et l'ELDO, l'Agence
Spatiale Européenne nouvellement créée adopte le même
sigle ESA (European Space Agency), le Département préfère
changer de sigle et, à partir de la seconde moitié de 1974,
il sera appelé DSP.
La note d'organisation de la nouvelle Division AVS, parue le 7 juillet
1970, donne quelques précisions sur l'organisation provisoire du
Département ESA.
Dans une première phase, le Directeur du Département a
autorité sur les services commerciaux Espace ainsi que sur le Bureau
Spatial et l'antenne toulousaine de l'ex-Division MAS. Il reçoit,
de plus, du Directeur de la Division AVS, une «délégation
permanente lui permettant de traiter, à l'intérieur et à
l'extérieur de la Division, tous les problèmes relatifs à
l'espace et qui sont du ressort de la Division AVS».
Enfin, il est chargé, «dans le cadre de l'étude
générale des structures futures de la Division»,
de proposer la constitution et l'organisation du Département.
La mise en place et les perspectives
Il faut, en premier lieu, constituer une équipe de direction pour
compléter l'équipe initiale composée de deux personnes
: Jacques Chaumeron et son adjoint Jean-Paul Guinard. Au Service Commercial
de la Division MAS, deux ingénieurs commerciaux issus de la Direction
de l'Électronique Spatiale de CSF, Guy Muzard et Yves Farbos, sont
spécifiquement affectés à l'espace. Ils constituent
donc le noyau de départ du Service Commercial du nouveau Département.
Plus tard, dans le courant de l'année 1971, Pierre Gautier, qui
a la charge des activités spatiales à la Division Télécommunications
de Gennevilliers, et donc des divers marchés de matériels
de télémesure et télécommande que cette Division
a gagnés depuis 1964, vient prendre la direction du nouveau Service
Commercial du Département ESA.
Le Bureau Spatial, dirigé par Henri Familier, qui coordonne les
activités spatiales dispersées dans différents services
de la Division MAS, n'est pas maintenu lorsque Henri Familier décide
de suivre Louis Julien-Binard à la Division Systèmes Électroniques.
Le besoin d'un tel bureau de coordination diminuera au fur et à
mesure de la constitution de services spécifiques de l'espace et
de leur intégration au nouveau Département.
L'antenne de Toulouse, qui a été implantée en 1968
pour assurer une liaison permanente avec le CNES, récemment décentralisé
de Brétigny-sur-Orge à Toulouse, ne comprend que deux personnes,
Marcel Florand et un technicien qui l'assiste. Son financement est partiellement
assuré par de petits travaux de sous-traitance effectués
pour le CNES. Cette antenne ne sera pas maintenue au-delà de l'année
1970.
Avant d'aller plus loin dans l'organisation du Département et
dans la définition de ses effectifs, il faut d'abord évaluer
les perspectives d'avenir. Au-delà des programmes en cours, dont
les principaux sont Symphonie, Intelsat IV et Helios,
qui apporteront une charge de travail substantielle pour les deux années
à venir, le futur n'apparaît pas sans quelques difficultés.
Les programmes scientifiques prévus par l'ESA et le CNES ne peuvent
suffire à assurer la continuité.
À l'automne de 1970, Jacques Chaumeron et Jean-Paul Guinard ont
à préparer ce qui, à l'époque, est appelé
Plan Produits, précurseur du PMT (Plan à Moyen Terme) et
qui définit les perspectives pour les cinq prochaines années.
N'ayant que peu d'expérience de ce genre d'exercice, les deux
auteurs présentent un plan qui ne s'appuie que sur des marchés
pratiquement assurés à 100 %. La présentation de ce
plan le 20 novembre est loin d'être un succès et le verdict
de la Direction Générale est l'équivalent d'un «devoir
à refaire». Il faudra, un mois plus tard, le 18 décembre,
présenter un plan nettement plus volontariste, qui sera accepté.
Heureusement, l'avenir montrera que ces dernières prévisions
auront été correctes et ce n'est qu'au-delà de la
période couverte par ce plan, à partir de 1975, que la conjoncture
commencera à se détériorer.
La première organisation
La définition et la mise en place de l'organisation du Département
ESA seront assez longues et dureront en fait jusqu'en janvier 1972, date
de parution de la première note d'organisation.
Il faudra peu à peu, dans le personnel de l'ex-Division MAS,
dégager les personnes qui seront affectées uniquement aux
activités de satellites. Ce sera chose simple pour les services
techniques dirigés par Willy Martini et Roland Gosmand, ainsi que
pour le montage-câblage spatial, déjà installé
en salle blanche. Ce sera beaucoup plus compliqué pour le reste
de la production, le Bureau d'Études, le Service Technique Hyperfréquences
et Antennes et les services administratifs.
Jean-Paul Guinard ayant décidé de quitter la société
en 1971, il faut également étoffer l'état-major. Le
Service Commercial étant déjà encadré par Pierre
Gautier, il faut trouver un autre adjoint au Directeur, qui serait chargé
d'encadrer les services techniques et industriels.
Le choix se porte sur Guy Leconte qui était, jusque-là,
détaché au groupe de projet Symphonie, groupe d'une
centaine d'ingénieurs et techniciens issus des sociétés
participant au programme et installés à l'Aérospatiale,
aux Mureaux, sous la direction de Pierre Madon. Malgré les protestations
de ce dernier, Guy Leconte, qui est son adjoint direct, responsable de
l'électronique du programme, est «rapatrié» à
Vélizy pour prendre les fonctions de chef des services techniques
et industriels. Il est remplacé au groupe Symphonie par Jacques
Dussine qui vient du centre de Malakoff de la Division AVS.
La note d'organisation n° 1 du Département ESA paraît
le 31 janvier 1972. Elle définit, en premier lieu, le domaine du
Département qui est reproduit ci-dessous in extenso.
«Le domaine du Département ESA comprend tous les matériels
et les dispositifs associant les divers équipements embarqués
à bord de satellites, les équipements de fusées sondes
et de ballons, ainsi que les matériels à bord des lanceurs
de satellites, pour toutes applications militaires et civiles.
Le Département ESA est pilote du domaine. Il s'appuie sur
les compétences des unités spécialisées pour
la mise en oeuvre des techniques telles que télécommunications,
télévision, contrôle du trafic aérien, magnétisme.
Les matériels d'essais à terre des équipements
embarqués font également partie du domaine du Département.
D'autre part, il est précisé que le Département
est normalement maître d'oeuvre des systèmes que constituent
les satellites proprement dits et, par extension, des systèmes d'équipements
dans lesquels les satellites constituent l'élément majeur.
Pour ces derniers, lorsque la dimension du projet dépassera les
capacités du Département, la Direction de la branche Équipements
se réserve le droit de donner la maîtrise d'oeuvre à
l'organisme le mieux adapté.»
Cette définition du domaine est le résultat de compromis
qui, bien qu'ayant été mis au point en 1972, seront confirmés
d'année en année au point que certains sont encore, au moins
partiellement, valables au moment où ces lignes sont écrites.
La nécessité de créer une unité homogène
spécialisée dans les matériels de satellites est justifiée
par les contraintes particulières imposées à ces matériels
en ce qui concerne leur fiabilité. Il faut créer dans cette
unité une technicité et surtout un état d'esprit particulier
concentrés vers un même but, sans risquer de les détériorer
par une dispersion vers d'autres disciplines où les contraintes
peuvent être très différentes, voire opposées.
Si on a, au début des activités spatiales, assuré
la fiabilité à tout prix, on tentera avec un certain succès,
par la suite, de faire un meilleur compromis prix-fiabilité afin
d'améliorer la compétitivité. L'esprit de rigueur
qui a toujours régné au Département ESA et chez ses
successeurs jusqu'à Alcatel Espace permettra généralement
de maintenir ce compromis dans des limites acceptables. Il n'en sera pas
de même dans certaines sociétés étrangères
où la simplification exagérée des exigences de qualité
assurera, certes, une compétitivité temporaire sur le plan
des prix, mais nécessitera un rapide retour en arrière après
quelques échecs dus à une fiabilité insuffisante.
Cette création d'une unité spécialisée est
donc, a priori, séduisante mais certains inconvénients
ne peuvent être évités. Le premier Plan Produits montre
que les chiffres d'affaires prévisionnels peuvent «nourrir»
un effectif de l'ordre de trois cents personnes. Mais ce nombre est insuffisant
pour permettre de rassembler, dans les services techniques, toutes les
compétences nécessaires pour mener à bien les études
dans les différentes disciplines de l'électronique des futurs
satellites, qu'ils soient scientifiques ou d'applications.
Il faut prévoir que certaines études seront sous-traitées
à des unités a priori plus compétentes dans
certains domaines techniques. Là encore, ce n'est pas si facile
qu'on pourrait le croire. D'après certains, il suffit que l'unité
en question étudie le matériel jusqu'au stade de la maquette
puis transmette cette dernière et le rapport d'étude au Département
ESA qui se chargera de «spatialiser» le matériel. Cette
vue simpliste des choses conduit immanquablement à une reprise importante
de l'étude au moment de la «spatialisation», et, par
conséquent, à des travaux et des dépenses qui auraient
pu être évités.
La solution de ce problème consiste à donner un droit
de regard au Département ESA sur les travaux d'études dès
leur début, afin qu'il soit tenu compte dans les moindres détails
des contraintes particulières imposées par le fonctionnement
en ambiance spatiale et par les exigences de fiabilité. Ce droit
de regard va parfois jusqu'au détachement temporaire d'un représentant
du Département dans le service technique chargé de l'étude.
L'attribution au Département ESA de la responsabilité
des matériels d'essais à terre des équipements embarqués
n'est la source d'aucune difficulté. En fait, la plupart de ces
matériels sont en général sous-traités car
le Département, bien équipé pour la réalisation
des matériels embarqués, ne l'est pas pour réaliser
des matériels au sol dans des conditions économiques acceptables.
Au contraire, le mot «système», qui figure dans la
dernière partie de la définition du domaine, est, au début
des années soixante-dix, un mot «magique», origine de
nombreux conflits.
En premier lieu, une Division Systèmes Électroniques existe
à Thomson-CSF et peut légitimement revendiquer la maîtrise
d'oeuvre des différentes catégories de systèmes mettant
en oeuvre des satellites (télécommunications, télévision,
observation, contrôle du trafic aérien, etc.). Force est cependant
de constater qu'à cette époque la plupart des contraintes
dont on doit tenir compte dans la conception du système sont imposées
par le satellite lui-même, la plus évidente étant,
par exemple, la limitation du poids de l'électronique embarquée
due aux capacités limitées des lanceurs. C'est à partir
de telles considérations qu'est attribuée au Département
ESA la responsabilité des systèmes «où les satellites
constituent l'élément majeur», avec toutefois une réserve
pour les projets d'une trop grande envergure par rapport aux moyens limités
au Département.
L'un des premiers exemples de la mise en pratique de ces directives
est le projet Aerosat qui, dès 1975, vise à assurer
le contrôle du trafic aérien transocéanique par l'intermédiaire
de satellites. Pour préparer la proposition de ce satellite où
Thomson-CSF a obtenu la maîtrise d'oeuvre au sein du consortium STAR,
le Département ESA dirige un groupe de projet où figurent
des représentants de la Division TVT, responsable du domaine du
contrôle du trafic aérien. Malheureusement, le projet Aerosat
n'entrera pas dans sa phase de réalisation.
Après la définition du domaine, la note d'organisation
définit les responsabilités des différents services,
qui sont les suivants :
- les Services Commerciaux, dirigés par Pierre Gautier ;
- les Services Techniques et Industriels, dirigés par Guy Leconte
et dont les détails doivent faire l'objet d'une note particulière
;
- le Service «Systèmes Spatiaux», dirigé par
Claude Skenderoff et chargé des études de systèmes
ou de la participation du Département aux études de systèmes
mettant en oeuvre des satellites ;
- les chefs de projet, désignés par le Directeur du Département
pour prendre la responsabilité de la compatibilité des différents
éléments de propositions ou du suivi des marchés ayant
une importance particulière. «Le chef de projet se tient
informé de tous les aspects du déroulement de l'affaire dont
il est chargé et veille à la bonne exécution de cette
dernière dans tous les domaines.»
L'organisation des services techniques et industriels précisée
par la note du 27 octobre 1972 comprend :
- le Service Technique d'Électronique Spatiale (ES), dirigé
par Roland Gosmand. Ce Service est chargé des études et réalisations
de matériels dans les domaines des télécommunications
de servitudes et du traitement de l'information. Sa compétence couvre
en général les matériels fonctionnant à des
fréquences inférieures à 1 GHz environ ;
- le Service Technique Hyperfréquences (HY), dirigé par
Marcel Palazo et chargé des études et réalisations
des matériels fonctionnant à des fréquences supérieures
à 1 GHz environ. Ce service comporte une section Matériels
Électroniques, dirigée par Jean-François Primard,
et une section Antennes, dirigée par Bruno Vidal Saint-André.
Plus tard, en 1979, cette dernière section deviendra un service
à part entière ;
- le Bureau de dessin, dirigé par Jean Petrotchenko qui est également
responsable de l'atelier Maquettes (Fabrication 2) ;
- le Service Fabrication Spatiale, dirigé par Francis Violet
(Fabrication 1) ;
- le Service Qualité, dirigé par Charles Nicolaus. Il
est composé de trois sections :
- la section Technologie, Composants, Fiabilité dirigée
par Jacques Urien pour la technologie et Dominique Bouclier pour les composants,
- la section Contrôle, dirigée par Denis Bussy,
- la section Assurance de qualité, dirigée par Guy Couregelongue
;
- le Service Moyens d'Essais, dirigé par Vartan Hantcherian,
qui couvre :
- les appareils de mesures,
- les moyens d'essais physicochimiques,
- les moyens de simulation d'environnement,
placés respectivement sous la responsabilité de Daniel
Descharles, Claude Brun et Bernard Monnerie.
Dans une première phase, le Département ESA ne possède
pas de services administratifs propres. Si l'on excepte la gestion des
plannings qui est assurée par Jacques Vincent, rattaché au
Bureau de Dessin, la gestion financière et la comptabilité
sont assurées par Paul Pharisier, placé directement sous
les ordres d'André Pacallet, chef des services de gestion de la
Division AVS. De même, le Service du Personnel de l'usine de Vélizy
n'est pas spécifique au Département ESA. Dirigé par
Jean de Reilhac, assisté par Alfred Enaudeau et Yvette Leclère,
il administre également les personnels de l'autre partie de la Division
AVS encore localisée à Vélizy. Ce n'est qu'en 1974,
après son déménagement à Meudon, que le Département
ESA aura son propre Service du Personnel.
Au sein du Service Achats, une petite équipe, dirigée
par Pierre Boutillon, se spécialise dans les achats de composants
spatiaux et devient peu à peu le futur Service Achats du Département.
Les principales affaires de 1970 à 1974
À la création du Département ESA, le programme
Heos
A2 se termine. La charge des différents services est assurée
par les programmes Eole, Helios, Symphonie et Intelsat IV
dont les caractéristiques et le déroulement sont exposés
dans des chapitres séparés.
Dans le cadre du consortium EST, pratiquement en cours de dissolution
pour être remplacé par le consortium STAR, le Service ES prépare,
fin 1970 et début 1971, une proposition pour le sous-système
télémesure-télécommande du satellite COSB,
de l'ESRO, le maître d'oeuvre prévu étant Elliott-Automation.
Cette affaire n'aboutira pas, le marché ayant été
gagné par un consortium concurrent.
Toujours pour l'ESRO, mais cette fois dans le cadre du consortium STAR,
c'est fin 1973 qu'est gagné le contrat du satellite scientifique
géostationnaire GEOS où le Service ES est responsable du
sous-système télémesure-télécommande.
C'est durant cette période que démarrent les activités
sur un certain nombre d'affaires qui, étant donné leur importance,
font l'objet chacune d'un chapitre particulier :
- Aerosat à partir de 1971 ;
- Dialogue et Tiros N à partir de 1972 ;
- GEOS et Spacelab à partir de 1973 ;
- ISEE B à partir de 1974.
En liaison avec la Division DFH, une activité d'avant-projets
et de propositions débute dès la fin de 1970 en vue du futur
programme Intelsat V avec l'intention de participer à la
proposition que doit soumettre la société Lockheed.
Les études préliminaires d'équipements en bande
Ku destinés à OTS, futur satellite expérimental
de télécommunications de l'ESRO, ont été entreprises
par la Division DFH dès 1971. C'est à partir de 1973 que
le Département ESA entreprend la réalisation des récepteurs
et des multiplexeurs de sortie.
Dans le même domaine technique, le programme MAROTS, qui
sera interrompu par la suite, démarre fin 1974 avec, pour le Département
ESA, la fourniture prévue de récepteurs en bande Ku.
Le Service Systèmes, au cours de la même période,
obtient et mène à bien, avec la participation des deux services
techniques HY et ES, un certain nombre de marchés d'étude
«papier» pour diverses administrations civiles et militaires.
La liste en est la suivante:
Marchés civils
1971
Pour le CNES
- faisabilité d'un répondeur à accès multiple
pour Meteosat.
Pour l'ESRO
- étude d'un système européen de télécommunications
par satellite ;
- étude d'un système de contrôle de la navigation
aérienne par satellite (cette étude, préliminaire
au programme Aerosat, sera poursuivie en 1972).
1972
Pour l'ESRO
- étude de l'adaptation du satellite de télécommunications
européen à la télévision directe.
Pour le CNES
- étude d'un radio-altimètre embarqué sur satellite
(DORADE).
1973
Pour l'ESRO
- faisabilité d'un système de télédétection
par radar monté sur un satellite (SARSAT) ;
- ACS - étude d'un satellite de télécommunications
avancé (Advanced Communications Satellite) ;
- définition du programme d'expérimentation des répéteurs
de télécommunications et des antennes du satellite OTS
;
- étude d'un système de radiodiffusion sonore par satellites.
1973-1974
Pour le CNES
- étude paramétrique d'une charge utile pour satellite
de télévision éducative.
1974
Pour l'ESRO
- étude de faisabilité d'un système embarqué
de mesure de polarisation sur satellite stabilisé selon trois axes
;
- SARLAB, système de télédétection
par radar monté sur la navette spatiale.
Marchés militaires
1970
Pour la DTEN (Direction Technique des Engins)
- SATRAPE - étude de faisabilité d'un satellite
d'écoute ;
- étude d'un système de transmission d'ordres par satellite.
1973
Pour la DRME (Direction des Recherches et Moyens d'Essais)
- étude d'un satellite militaire de télécommunications.
Pour la DTEN
- étude des nuisances causées à la Défense
nationale par les satellites, et parades possibles.
L'évolution jusqu'en 1974 - le premier déménagement
Jusqu'en 1974, c'est-à-dire durant l'appartenance du Département
ESA à la Division AVS, l'organisation demeure relativement stable.
En février 1974, le Département quitte les locaux de Vélizy
pour aller occuper un peu plus de onze mille mètres carrés
dans un bâtiment nouvellement construit et désigné
par le nom de bâtiment E, sur le terrain occupé à Meudon-la-Forêt
par la Division TVT. Par la même occasion, les derniers personnels
originaires de la Division MAS et appartenant au Département AVG
(Avionique Générale) de la Division AVS rejoignent le centre
de la rue Guynemer à Issy-les-Moulineaux.
|
Le bâtiment E du centre Thomson-CSF de Meudon-la-Forêt
occupé par le Département DSP de 1974 à 1984 |
Le Service du Personnel devient alors propre au Département ESA.
Jean de Reilhac ayant été affecté à une autre
unité du groupe, c'est son adjoint Alfred Enaudeau qui en prend
la direction, toujours assisté par Yvette Leclère.
De même, les services généraux, dont Jean Unger
a la charge, deviennent propres au Département. Plus tard, lorsque
Jean Unger prendra sa retraite, la fonction «services généraux»
sera rattachée à celle de l'ensemble du centre, assurée
par TVT.
L'organisation et la planification du déménagement sont
un modèle du genre. Grâce à une préparation
particulièrement soignée, l'opération ne durera en
fait que deux jours, et le fonctionnement de chaque service, ou fraction
de service, ne sera guère interrompu plus d'une demi-journée.
Une des rares exceptions est provoquée par une cause extérieure
et l'anecdote mérite d'être mentionnée. La distance
à vol d'oiseau entre le bâtiment de Vélizy et celui
de Meudon est de l'ordre d'une centaine de mètres. Mais cet intervalle
est traversé par une multiple frontière, celle séparant
le département des Yvelines de celui des Hauts-de-Seine, et, fait
encore plus important sur le plan pratique pour l'administration des PTT,
celle séparant, pour les télécommunications, la zone
de Paris extra-muros de la zone de Paris intra-muros. C'est
apparemment pour cette raison qu'il faudra près d'un mois pour que
la ligne de télex du Département ESA soit transférée
de Vélizy à Meudon.
Les effectifs et les finances
De 1970 à 1974, l'effectif travaillant pour le Département
ESA est de trois cents personnes, dont une partie travaille également
et encore partiellement pour le Département AVG. Ce n'est qu'à
partir du déménagement à Meudon que les effectifs
des deux départements seront nettement isolés.
Le tableau qui suit indique l'évolution du chiffre d'affaires
ainsi que celle des résultats d'exploitation calculés par
le Service de Gestion de la Division AVS.
Année
|
Chiffre d'affaires (MF)
|
Résultats (MF)
|
1971
|
41,4
|
+2.5
|
1972
|
32,5
|
+0,8
|
1973
|
35,6
|
+1,2
|
1974
|
46,5
|
+3,1
|
Les relations avec la Division Faisceaux Hertziens (DFH)
Dès le début du programme Symphonie, premier programme
de satellites de télécommunications où Thomson-CSF
participe à la réalisation des répéteurs, il
apparaît nécessaire de mettre en commun les compétences
de la Division DFH dans le domaine des répéteurs de télécommunications
et celles du Département ESA dans celui des matériels embarqués
à bord de satellites, et plus particulièrement de leur technologie.
La première expérience vécue dans ce programme
montre qu'il est malheureusement très facile, si l'on n'y prend
pas garde, d'effectuer certains travaux en double, rendant inévitable
un certain gaspillage.
Dès le début de 1971, les Directions de la Division DFH,
d'une part, et celles de la Division AVS et du Département ESA,
d'autre part, décident de rechercher les modalités d'une
collaboration qui soit la plus efficace possible.
Dans les grandes lignes, DFH doit faire l'étude des répéteurs
qu'ESA doit ensuite fabriquer en technologie spatiale. Ce schéma,
en apparence très simple, se compliquera du fait que si l'on veut
éviter qu'ESA ne soit tenté de réétudier le
matériel défini par DFH pour l'adapter aux contraintes spatiales,
il y a lieu d'instaurer des contrôles réciproques pour que
DFH tienne compte des contraintes spatiales dès le début
de l'étude et pour qu'ESA ne fasse pas ensuite des modifications
sans l'accord de DFH. Il faut, de plus, définir dans quel cas l'une
ou l'autre des parties prendra la responsabilité des marchés
vis-à-vis des clients.
Sous l'égide du Bureau des Activités Spatiales et de son
Directeur Vladimir Altovsky, une longue négociation s'engage dès
le début de l'année 1971 entre la Division DFH, représentée
par Jacques Troude et Philippe Magne, respectivement Directeur et Directeur
Technique, et la Division AVS, représentée par Alexandre
Boudigues, son Directeur, et Jacques Chaumeron, Directeur du Département
ESA.
Ce n'est finalement qu'en février 1972 qu'est signé de
part et d'autre un accord attribuant les responsabilités des différentes
phases de l'étude et la réalisation «d'un sous-système
répéteur et des équipements qui le composent».
Cinq phases successives y sont définies :
1- Étude et définition du sous-système répéteur
et des équipements qui le composent.
2- Maquette sur table des équipements et maquette électronique.
3- Maquette d'identification.
4- Prototype de qualification.
5- Modèles de vol.
DFH est désigné comme responsable des phases 1 et 2, mais
AVS doit collaborer à ces phases par la participation d'un représentant
au groupe de travail chargé de la phase 1 et par des détachements
de techniciens pour la phase 2.
AVS prend la responsabilité du dossier étudié en
phase 3 sous la direction de DFH et assure les fabrications nécessaires.
L'intégration est effectuée dans les locaux de DFH, et AVS
participe aux réglages. AVS prend également la responsabilité
des affaires pour les phases 4 et 5 avec, sur demande, une assistance technique
de DFH, toute modification au dossier établi en phase 3 devant être
soumise au visa de DFH. La fonction assurance de qualité est remplie
par AVS dans toutes les phases.
Selon les phases en cause, les contrats sont pris par l'une ou l'autre
Division, étant entendu que tout contrat comprenant la phase 4 ou
5 doit être pris par AVS. Les modalités financières
des cessions réciproques sont également définies dans
l'accord.
La première mise en pratique de l'accord porte sur:
- un contrat avec Lockheed pour la définition du répéteur
d'Early Intelsat V qui est pris par DFH;
- la nouvelle proposition concernant le répéteur pour
l'ESRO (phase 2) qui est rassemblée et présentée par
AVS.
L'accord restera en vigueur jusqu'à la fin de 1974, date à
laquelle, suite au décès du Directeur de la Division AVS,
Alexandre Boudigues, son successeur Alain Bougault acceptera de céder
aux instances de Jacques Troude pour que le Département ESA soit
transféré dans son intégralité de la Division
AVS à la Division DFH. La décision, notifiée le 12
septembre 1974, deviendra effective au 1er janvier 1975. C'est
à cette date que le sigle représentatif du Département
Espace-Satellites, ESA, sera changé en DSP, principalement pour
éviter une confusion avec celui de la nouvelle Agence Spatiale Européenne
(European Space Agency) venant de succéder à l'ESRO et à
l'ELDO. |