3 - Les unités spécialisées dans
l'Espace
La mise en place
Le 1er janvier 1982, devant l'expansion rapide du marché
des télécommunications par satellites, la Direction Générale
de Thomson-CSF décide de créer une Division Espace. Les diverses
activités liées aux satellites et aux systèmes utilisant
des satellites, qui ont été, dans les quatre années
précédentes, en partie diluées parmi les activités
de faisceaux hertziens, vont donc à nouveau être rassemblées
dans une même unité spécialisée.
En 1981, la Division DFH, dont fait partie le Département DSP,
est devenue trop grosse, compte tenu de son organisation, et sa rentabilité
s'est fortement détériorée.
En prévision du départ à la retraite de son directeur,
Christian Loeffler, la Direction Générale entame une réflexion
sur ce que pourrait être la future organisation dans le domaine,
qui s'élargit progressivement, des faisceaux hertziens, des systèmes
à base de satellites et des équipements qui leur sont destinés.
Il aurait été souhaitable de s'orienter, quelques années
plus tôt, vers une organisation de la Division en départements.
Le seul département existant est DSP, qui a été créé
au sein de la Division AVS, avant d'être transféré
à DFH. Au contraire, de 1978 à 1981, la tendance a été
de faire disparaître la spécificité et l'autonomie
relative de DSP en diluant certains de ses services dans la Division DFH.
L'idée générale suivie à la fin de 1981 est,
avec quelques variantes, de créer une unité chargée
des systèmes spatiaux, y compris les matériels de stations
terriennes et les matériels de satellites.
Après quelques discussions, la décision est prise par
le Président Jean-Pierre Bouyssonnie de créer deux Divisions
séparées :
- la Division Faisceaux Hertziens (DFH), chargée des faisceaux
hertziens et des stations terriennes. Dans le domaine des stations terriennes,
DFH représente Thomson-CSF dans le GIE Telspace ; elle doit définir
ses orientations en liaison avec DES «pour laquelle les stations
terriennes sont des sous-systèmes». Elle doit enfin, pour
gérer cette activité, constituer un Département Stations
Terriennes. La direction de DFH est confiée à Jean Guibourg
et celle du Département Stations Terriennes à Jean Lailheugue
;
-
la Division Espace (DES), chargée des équipements embarqués
sur satellites, des charges utiles complètes et des systèmes
spatiaux incluant un satellite. Il est de plus précisé qu'elle
prend «à cet effet, lorsqu'il y a lieu, la maîtrise
d'oeuvre des prestations assurées par la Compagnie» et
«gère les accords conclus avec d'autres industriels du domaine».
La direction de DFH est confiée à Gérard Coffinet,
ancien ingénieur de l'armement entré à la Compagnie
depuis quelques années et qui occupait en 1981 le poste de Directeur
Commercial de la Division Faisceaux Hertziens et Liaisons Spatiales (DFH).
Dès la création de DES, les nominations ou confirmations
de fonctions suivantes sont annoncées :
- Jacques Chaumeron, Directeur du Département DSP ;
- Michel Lasalle, muté de la DAMAS (Direction des Affaires Militaires,
Aéronautiques et Spatiales du siège) à la Division
DES : Directeur chargé de mission ;
- Jean-Louis de Montlivault, Directeur du programme Telecom 1.
De plus, Jean Lailheugue, par ailleurs Directeur du Département
Stations Terriennes de DFH, est adjoint au Directeur de la Division DES
et chargé de mission pour les projets de systèmes.
En février 1982, le siège de la Division s'installe à
Courbevoie avec principalement les personnes originaires de DFH. Le «gros
des troupes», c'est-à-dire le Département
Espace-Satellites, qui reste intact, demeure à Meudon-la-Forêt
et dans les annexes de Texas et de La Boursidière, en attendant
son transfert à Toulouse qui doit s'amorcer au cours de l'année
1982.
En mars 1982, l'organisation de la Division est précisée
dans l'organigramme reproduit ci-après.
Le Service Projets et Systèmes Spatiaux, dirigé par Pierre
Luginbuhl, est placé sous l'autorité de Jean Lailheugue.
Outre sa responsabilité directe des systèmes spatiaux, ce
service doit apporter son concours à la Division DFH pour les projets
de stations terriennes.
Michel Lasalle, Directeur chargé de mission, est plus particulièrement
chargé de :
- l'animation commerciale, à court, moyen et long terme ;
- l'orientation technique ;
- plus généralement, le marketing.
Il a sous son autorité le chef des services commerciaux, Alain
Roger, responsable notamment des prises de commandes et des facturations.
Bernard Gory est le secrétaire général de la Division
et supervise en particulier les accords avec les autres sociétés.
Guy Leconte est responsable de l'organisation et de la gestion des moyens
en personnel et en locaux, ainsi que de la préparation de la politique
et de la gestion des investissements.
Jean Chabredier, contrôleur de gestion de la Division, est chargé
de l'activité administrative et de la comptabilité, ainsi
que de la coordination de l'informatique de gestion dans la Division.
Division Espace (DES)
Attribution des responsabilités
Directeur de la Division
G. Coffinet
|
Sigle
|
Responsable
|
Marketing et plan-action commerciale-orientation
Services commerciaux
|
DCM
SC
|
M. Lasalle
A. Roger
|
Adjoint au Directeur DES
Service Projets de Systèmes Spatiaux
|
A.DES
SPS
|
J. Laiheugue
P. Luginbuhl
|
Accords |
SG
|
B. Gory
|
Services administratifs et comptables |
|
J. Chabredier
|
Gestion de personnels - Services généraux - InvestissementsDépartement
Systèmes Spatiaux
|
PSI
|
G. Leconte
|
Programme Telecom 1/SYRACUSE |
DP
|
J.-L. de Montlivault
|
Département Espace-Satellites
Adjoint au Directeur chargé de la mise en place du Département
à Toulouse
Etude et réalisation des équipements
Projets et Systèmes Satellites
|
D.DSP
A.DSP
REQ
RPS
|
J. Chaumeron
P. Blanchet
P. de Bayser
J.-C. Héraud
|
Il y a lieu de mentionner à ce propos que la Division sert de
«cobaye» plus ou moins heureux pour l'expérimentation
d'un nouveau logiciel d'informatique de gestion destiné à
l'ensemble de la société, le «PGCD». Le résultat
en sera qu'aucun chiffre fiable ne pourra être obtenu pendant toute
l'année 1982.
Pendant ce temps, la situation financière s'aggrave sans qu'aucune
surveillance sérieuse ne puisse être effectuée. Ce
n'est qu'en 1983 que l'on découvre l'étendue des «dégâts»
et qu'il devient possible d'essayer de «redresser la barre».
Jean-Louis de Montlivault conserve la fonction de Directeur du programme
Telecom
1 qu'il a occupée dans la Division DFH avec, plus particulièrement,
la charge de coordonner les différentes affaires faisant partie
de ce programme : stations PTT, étude de l'AMRT (Accès Multiple
à Répartition dans le Temps), charge utile du satellite et
programme militaire Syracuse (SYstème de RAdioCommunications
Utilisant un SatellitE) ; il est désigné nommément
comme chef de projet de ce dernier programme.
Claude Michaud, détaché de DFH, est responsable du programme
Samro.
Jacques Chaumeron conserve la direction du Département
Espace-Satellites (DSP) dont les attributions restent inchangées.
Son adjoint, Philippe Blanchet, reçoit délégation
du Directeur de la Division pour la mise en place de l'établissement
DSP de Toulouse, et il est désigné comme maître d'ouvrage
délégué pour la mise en place des installations du
centre de Candie.
Au sein du Département DSP, Pierre de Bayser reste chargé
de l'étude et de la réalisation des équipements, et
Jean-Claude Héraud se voit attribuer la responsabilité de
la définition et de la maîtrise d'oeuvre des charges utiles
et, éventuellement, des satellites.
Sous l'autorité de Guy Leconte, cité plus haut, l'ancien
Service du Personnel du Département DSP prend en charge l'ensemble
de la Division et se voit confié à Jean Lasquellec, nouvellement
embauché, alors que l'ancien titulaire du poste, Christian Bonneau,
est chargé de la mise en place et de la gestion du nouvel établissement
de Courbevoie.
Les différents services de DSP restent organisés et dirigés
comme ils l'ont été durant les années précédant
la création de la nouvelle Division.
La croissance
Au jour de sa création, le 1er janvier 1982, la
Division compte déjà un effectif de cinq cent soixante et
une personnes. Au 1er janvier 1983, cet effectif est passé
à neuf cent quarante-neuf, dont trois cent trente-sept à
Meudon, quatre-vingt-cinq à Courbevoie et cinq cent vingt-sept à
Toulouse, où l'apport des personnels venant de la CITEC, ou nouvellement
embauchés, en nombre nettement supérieur aux quelque cent
cinquante personnes venant de Meudon et déjà formées
aux activités spatiales, ne manque pas de poser d'importants problèmes
de formation, de mise au courant et d'adaptation qui affectent pendant
quelque temps l'efficacité du nouvel établissement.
L'activité dans le domaine des satellites scientifiques de l'ESA
demeure à peu près constante avec les sous-systèmes
de télémesure, télécommande et localisation
pour les satellites Giotto et ISPM (International Solar Polar
Mission), baptisé plus tard Ulysses.
Le programme Spacelab se termine avec une sage lenteur due aux
nombreux contrôles exercés par un client quadricéphale,
sinon juridiquement, au moins dans les faits : l'ESA, la NASA, ERNO, maître
d'oeuvre du programme, et Matra, maître d'oeuvre du sous-système
de traitement de l'information à bord, dont font partie les matériels
de visualisation fournis par DSP.
L'évolution de la charge de travail du Département DSP,
déjà rapide depuis l'apparition du programme français
Telecom
1 en 1979, et plus particulièrement depuis le début de
la phase de réalisation au printemps de 1980, devient quasi explosive
avec l'arrivée du programme franco-allemand de satellites de télévision
directe TV-Sat-TDF 1, pour lesquels un précontrat est signé
en août 1981 et le contrat principal pour la réalisation à
la mi-juillet 1982.
Le reste de la Division, principalement orienté vers les systèmes
spatiaux, doit traiter du programme de télécommunications
militaires Syracuse, basé sur l'utilisation de Telecom
1, et doit donc constituer les équipes appelées à
gérer ce programme.
Au cours de la vie de la Division DES, qui fera place, en mai 1984,
à la société Alcatel Thomson Espace, les programmes
suivants seront menés à bien :
- Intelsat VI, où DSP fournira des récepteurs en
bandes Ku et C ainsi que des filtres multiplexeurs en bande C pour les
cinq satellites de la série. Le contrat pour cette fourniture sera
signé avec Hughes le 15 juillet 1982 et la dernière livraison
sera effectuée par Alcatel Espace en septembre 1986 ;
- SPOT 1, où DSP fournira l'important sous-système
de télémesure-charge utile (TMCU). Ce programme sera exécuté
au cours des années 1980 à 1984, la phase de réalisation
ayant été entamée au début de 1981 ;
- ERS 1, satellite d'observation par radar à ouverture
synthétique de l'ESA, pour lequel DSP exécutera, à
partir de 1980, un certain nombre d'études préliminaires,
avant le début de la phase de réalisation en 1984. La fourniture
portera sur le sous-système radio fréquence et sur le sous-système
de calibration du radar.
Cette période verra la mise au point finale des transpondeurs
cohérents en bande S utilisés pour la télémesure,
la télécommande et la localisation, et dont les premiers
exemplaires voleront sur Giotto, ISPM et le satellite suédois
Viking.
Enfin, des éléments de répéteurs de télécommunications
seront livrés pour les satellites européens de télécommunications
ECS
1 et ECS 2 lancés respectivement en 1983 et 1984 (récepteurs
et multiplexeurs de sortie en bande Ku) ainsi que pour les satellites de
télécommunications maritimes MARECS I, IIA et IIB,
lancés respectivement en 1981, 1982 et 1984 (récepteurs en
bande C).
Pour faire face à cette croissance, les effectifs continueront
d'augmenter au cours de l'année 1983 pour atteindre au 1er
janvier 1984 un total de neuf cent quatre-vingt-seize, dont encore soixante-huit
personnes à Meudon, cent treize à Courbevoie et huit cent
quinze à Toulouse. Après un maximum de mille six atteint
à la moitié de 1984, un certain reflux s'effectuera pendant
le reste de l'année.
L'évolution de l'organisation
En 1982 et 1983, l'expansion rapide qui vient d'être évoquée
justifie quelques adaptations dans l'organisation de la Division. Le 1er
juillet 1982, pour tenir compte de l'installation progressive à
Toulouse du Département DSP, Philippe Blanchet est nommé
Directeur adjoint du Département DSP et Directeur de l'unité
de Toulouse de ce même département.
En janvier 1983, une nouvelle note d'organisation de Gérard Coffinet
annonce l'articulation de la Division en deux départements :
- un Département Systèmes Spatiaux (DSS) dirigé
par Jean-Louis de Montlivault ;
- un Département Satellites (DSP) dirigé par Philippe
Blanchet.
Le premier est basé à Courbevoie et le second à
Toulouse. Une nouvelle répartition des responsabilités est
rendue nécessaire par la distance qui sépare les deux zones
géographiques où sont implantés le siège de
la Division et le Département DSS d'une part, et le Département
DSP d'autre part.
De plus, la note entérine la séparation définitive
des fonctions jusque-là encore partagées avec certains responsables
de DFH, telles que celles de Jean Lailheugue et Bernard Gory.
Un poste de Directeur attaché, localisé à Courbevoie,
est confié à Jacques Chaumeron qui est chargé :
- de la représentation de la Division dans certains organismes
internationaux et consortiums industriels ;
- du suivi et du contrôle du Département Satellites ;
- de la gestion du personnel ;
- de la gestion des moyens.
Division Espace (DES)
Attribution des responsabilités
Directeur de la Division
G. Coffinet
Secrétariat: H. Garcia
|
Sigle
|
Responsable
|
Directeur attaché
Service du Personnel
Bureau gestion des moyens
Bureau gestion de la qualité
|
D.AtDES
SPG
BGI
BQG
|
J. Chaumeron
J. Lasquellec
F. Violet
F. Violet
|
Contrôleur de gestion |
CG
|
J. Chabredier
|
Directeur chargé de missions
Groupe marketing
Groupe des services commerciaux
Service Gestion Commerciale
|
DCM
GMK
GSC
SCG
|
M. Lasalle
C. Roche
A. Roger
Y. Louet
|
Département Systèmes Spatiaux
Adjoint
Groupe des Services Projets
Programme SYRACUSE
Stations de contrôle
Programmes de télédiffusion
Programmes export de télécommunications
Service Gestion et Planning
|
DSS
AD/DSS
GPS
SYR
SCT
PTV
PTC
SGP
|
J.-L. de Montlivault
C. Michaud
P. Luginbuhl
A. Poquet
R. Gosmand
F. Dachert
M. Dumas
M. X
|
Département Satellites
Chargé de missions
Responsable administratif
Contrôleur de gestion
Groupe des Services Qualité
Sous-Direction Équipements
Sous-Direction Systèmes Électroniques de Satellites
|
DSP
CM
RA
DSP/CG
AQ
SDEQ
SDES
|
P. Blanchet
J.-L. Maury
J. Rosmorduc
J. Gaich
S. Siva
P. de Bayser
J.-C. Héraud
|
Michel Lasalle, Directeur chargé de mission, conserve les fonctions
précédemment décrites, de même que Jean Chabredier,
contrôleur de gestion, qui a désormais un adjoint, Jean Gaich,
chargé du contrôle de gestion de DSP à Toulouse. Parallèlement,
la fonction «qualité» est assurée, au niveau
de la Division, par Francis Violet, et au niveau du Département
DSP par S. Siva.
Le détail des autres fonctions est indiqué dans l'organigramme
ci-contre.
En octobre 1983, Michel Lasalle ayant été affecté
auprès du Directeur des activités Transmissions, ses attributions
sont réparties entre Jacques Chaumeron, qui assumera les fonctions
de Directeur Commercial, et Claude Michaud, qui assumera celles de Directeur
Technique, chacun d'eux conservant ses précédentes responsabilités.
Les problèmes rencontrés par la Division Espace
Dès sa création, la Division DES doit impérativement
résoudre les problèmes suivants :
- réussir les charges utiles de Telecom 1 et de TDF
1 dans des délais déjà courts en temps normal
à cette époque, mais pratiquement impossibles à tenir
dans la situation de la Division;
- réussir Syracuse 1 dont les délais sont également
très courts, alors que la plupart des moyens nécessaires
se trouvent à la Division DFH ;
- prévoir et suivre la construction de la nouvelle usine de Toulouse
;
- organiser le déménagement à Toulouse et limiter
le bouleversement des effectifs qui en résulte, afin d'en atténuer
les conséquences sur les affaires en cours ;
- faire face au marché des satellites à l'exportation,
avec une organisation qui n'est pas encore opérationnelle ;
- définir et maintenir une stratégie qui permette à
la Division, en premier lieu, d'être viable, et ensuite de progresser
;
- assurer une rentabilité suffisante.
La stratégie
Les compétences acquises progressivement par le Département
DSP au cours des douze années précédentes, sous la
direction de Jacques Chaumeron, et l'apport de nouvelles compétences
venues de la Division DFH devraient permettre à la nouvelle Division
de revendiquer des maîtrises d'oeuvre importantes.
Au niveau des satellites complets, la France possède déjà
deux maîtres d'oeuvre expérimentés, l'Aérospatiale
et Matra, et le CNES considère, à juste titre, que le marché
national est trop étroit pour justifier l'existence d'un troisième.
Par contre, la DGT (Direction Générale des Télécommunications)
apprécierait certainement que le maître d'oeuvre d'un satellite
de télécommunications soit un industriel de l'électronique
tel que Thomson-CSF.
Le débat a été largement ouvert avant le démarrage
du programme Telecom 1 et la question a été tranchée
dans le même sens qu'auparavant en France dans l'aéronautique
militaire : le maître d'oeuvre est le fournisseur de la cellule, et
celui du système d'armes électronique se retrouve sous-traitant.
Thomson-CSF s'est donc vu attribuer la maîtrise d'oeuvre de la charge
utile de Telecom 1, Matra étant maître d'oeuvre du satellite.
Devant cet état de fait, il est décidé, pour DES,
de défendre, coûte que coûte, la notion de charge utile
et de travailler dans trois directions :
- la maîtrise d'oeuvre du système complet de télécommunications
qui permettra, à l'exportation, de vendre à la fois les satellites,
les stations de contrôle, et les principales stations terriennes
;
- la mise en place d'une capacité industrielle pour réaliser
des équipements compétitifs pour les fonctions essentielles
d'une charge utile ;
- le développement des capacités d'intégration
des charges utiles en attendant éventuellement celles des satellites
complets.
La salle d'intégration de Toulouse, dont les dimensions sont
critiquées à l'époque, dans certains milieux de la
Compagnie, est conçue pour accueillir et manipuler, en atmosphère
propre, des satellites de la taille d'un
Intelsat VI.
L'affaire Syracuse 1, qui sera décrite dans un chapitre
particulier, constituera la première expérience d'une maîtrise
d'oeuvre de système.
Les handicaps
Le principal handicap pour DES est une croissance trop rapide et
difficilement contrôlable due à l'apparition, en plus des
programmes scientifiques qui ont constitué jusqu'alors la base minimale
de son activité, de deux programmes de télécommunications
importants et insuffisamment espacés, Telecom 1 et TDF
1. Malgré tous ses efforts, Jacques Chaumeron n'a pas réussi
à persuader la Direction de DFH, qui est par ailleurs en difficultés
financières, d'autoriser à temps les embauches, en particulier
d'ingénieurs, qui permettraient d'affronter les nouvelles affaires
avec un effectif suffisant de personnels déjà formés
aux disciplines spatiales. Lorsque ces autorisations finissent par arriver,
il faut embaucher «en catastrophe» pour limiter les dégâts.
L'appoint non négligeable du personnel de la CITEC à Toulouse
vient beaucoup trop tard, compte tenu du temps nécessaire pour la
formation et la mise au courant. Il en résulte finalement un excès
d'embauches et un sureffectif qui se manifeste à partir de 1984.
Le transfert à Toulouse, imposé en pleine période
d'expansion, ne fait qu'aggraver le handicap. La nécessité
évidente, pour tenir les délais de livraisons, de ne pas
interrompre, sous prétexte de déménagement, une phase
importante du développement d'un programme conduit à maintenir
à Meudon le personnel et les moyens affectés aux phases en
cours, et à mettre en place à Toulouse le personnel et les
moyens affectés à de nouvelles phases. La conséquence
inévitable est une certaine duplication de compétences et
de moyens, peu favorable à une saine gestion financière.
Devant l'expansion rapide du domaine des répéteurs embarqués
de télécommunications ou de télévision, le
Département DSP a largement bénéficié des développements
faits à la Division DFH, en particulier en microélectronique
hyperfréquences. Il faut donc recréer de tels moyens à
la Division DES. Pour cela, des membres du personnel de DFH, qui ont souhaité
être transférés à Toulouse, viennent heureusement
renforcer les moyens déjà existants à DSP, mais un
certain temps est indispensable pour que les nouvelles équipes deviennent
pleinement opérationnelles.
La perturbation créée dans le Département DSP par
le transfert à Toulouse persistera pendant plusieurs années,
délai nécessaire entre autres pour confirmer ou infirmer
la valeur de certains responsables nouvellement mis en place. Pendant cette
période, une proportion importante de pièces et de sous-ensembles
ne pourront passer les contrôles de qualité et devront être
mis au rebut. De leur côté, certains contrôleurs de
qualité, trop novices, auront tendance à être plus
sévères qu'il n'est nécessaire. Grâce à
la bonne volonté et aux efforts de tous, les effets de la perturbation
s'atténueront progressivement.
Les effets de la croissance trop rapide sont encore aggravés
par ceux d'un certain irréalisme de la part des administrations
clientes. Ces dernières exigent, en particulier pour Telecom
1, des délais de livraison comparables à ceux que proposent,
dans le domaine des satellites commerciaux, des industriels très
expérimentés tels que Hughes Aircraft ou Ford Aerospace.
Or, si l'on excepte Symphonie qui a été un programme
particulièrement lent, Telecom 1 et TDF 1 représentent,
aussi bien pour Thomson-CSF que pour Matra et l'Aérospatiale,
une toute première expérience dans ce domaine. Telecom
1 est donc livré avec un an de retard sur les espérances
initiales des clients, avec toutes les conséquences que cela ne
manque pas d'avoir sur la rentabilité des opérations.
À tous ces handicaps s'ajoutent en premier lieu le manque de
visibilité sur les indicateurs de gestion financière dû
à l'expérience malheureuse du PGCD cité plus haut,
et ensuite les aléas techniques rencontrés dans le développement
des transpondeurs en bande S, aléas dont les conséquences
auraient été certainement moins importantes si le principal
responsable de ce développement avait été en mesure
de suivre son équipe à Toulouse.
Les points forts
Le principal point fort dont bénéficie la Division
DES est la qualité de ses personnels et leur esprit d'équipe.
La qualité de l'équipe de départ, celle du Département
DSP, l'attrait du domaine spatial ainsi que l'attirance pour Toulouse et
le Sud-Ouest sont des facteurs clés pour les succès à
long terme.
Le recrutement des nouveaux arrivants est de qualité, car la
plupart sont originaires de Thomson-CSF, avec par conséquent l'expérience
d'un grand groupe industriel d'électronique.
L'outil industriel mis en place à Toulouse, et dont le coût
initial dépasse les cent millions de francs, est remarquable car
il a été conçu dès le départ pour l'électronique
spatiale et par des gens ayant une longue expérience du domaine.
Guy Bertaud est, en particulier, l'auteur du premier projet d'aménagement
industriel de l'usine. Les moyens d'études et d'expérimentation
des antennes, conçus sous la direction de Bruno Vidal Saint-André
et de Maurice Rousselet, donnent aux ingénieurs et aux techniciens
un outil particulièrement compact et performant. En 1984, Albert
D. Wheelon, Directeur du Groupe Espace et Communications de Hughes, qualifie,
lors d'une visite, l'usine de Toulouse de «meilleure du monde»
dans le domaine des satellites.
Enfin, si l'estimation par leur administration des délais nécessaires
à la réalisation de Telecom 1 a peut-être manqué
de réalisme, l'appui des responsables du programme au CNET (Didier
Lombard et Pierre Ramat) dans le développement des matériels
de ce programme, suivi de celui de la DGT (Jean Grenier) dans le programme
Intelsat
VI, contribue fortement au départ d'une évolution qui
aboutira au succès ultérieur d'Alcatel Espace.
Outre les programmes de télécommunications et d'observation
déjà cités, ainsi que le domaine des transpondeurs
bande S, la Division commence à s'attaquer au marché mondial
sous l'impulsion du chef du Service Commercial, Alain Roger. Une tentative
avec l'Aérospatiale et Ford Aerospace pour le programme Brazilsat
passe près du succès, l'affaire étant emportée
de justesse par Hughes. Cette expérience permettra au moins d'évaluer
et de corriger par la suite les insuffisances constatées dans la
préparation d'une telle proposition.
Les résultats
La croissance très rapide des effectifs, avec les problèmes
d'adaptation qu'elle pose, s'ajoute aux perturbations apportées
par le déménagement et l'installation à Toulouse dans
deux centres successifs : le Mirail puis Candie. La productivité
du Département DSP s'en trouve gravement affectée, la plupart
des facturations sont effectuées avec de notables retards et les
chiffres d'affaires, ainsi, bien entendu, que les résultats d'exploitation,
en subissent les conséquences, comme le montrent les chiffres ci-après.
Année
|
CA (MF)
|
Résultats d'exploitation (MF)
|
1982
|
430
|
- 63
|
1983
|
411
|
- 130
|
L'arrivée dans le groupe de la Compagnie Générale
d'Électricité (CGE), future Alcatel, et la transformation
de la Division en société anonyme ne se font pas dans les
meilleures conditions et d'importants efforts deviennent nécessaires
pour redresser la barre.
Les mesures de redressement
Jusqu'à la réalisation effective du déménagement,
il ne sera pas possible d'améliorer efficacement le fonctionnement,
et donc les résultats. En effet, tous les efforts du Département
Satellites sont tournés, d'une part, vers la tenue des dates clés
des programmes, en particulier Telecom 1, TV-Sat-TDF 1, les
transpondeurs et SPOT et, d'autre part, vers la réussite
du déménagement et de l'implantation à Candie.
Pour améliorer les résultats, il aurait fallu :
- tenir les délais initiaux afin de pouvoir facturer au lieu
de créer des en-cours et des pertes ;
- obtenir des contrats nouveaux, mais la Division ne pouvant pas les
réaliser, les efforts commerciaux sont bridés ;
- faire des réductions de charges, car les moyens sont disproportionnés
avec la part propre du chiffre d'affaires des années 1982 et 1983.
En effet, une part importante des livraisons de ces deux années
est constituée de matériels destinés au programme
SYRACUSE
dans lesquels la valeur ajoutée propre à la Division Espace
est très faible.
Au dernier trimestre 1983, Gérard Coffinet demande à Jacques
Imbert, Directeur des activités Transmissions à Thomson-CSF,
de renforcer la Division sur deux points essentiels : la gestion et le
fonctionnement industriel.
Pour la gestion, il est décidé que Georges Malgoire, Directeur
attaché auprès de Jacques Imbert, prendra au 1er
janvier 1984 le poste de Directeur Administratif et Financier, avec
des responsabilités élargies par rapport à celles
de Jean Chabredier, avec notamment l'administration des ventes, les accords
(avec l'arrivée d'Arlette Lefeuvre) et les négociations des
contrats (avec l'arrivée de Monique Blanc).
Pour la mise en place d'une véritable entité industrielle,
Michel Chaussedoux, qui a occupé des positions industrielles importantes,
en particulier à la SEMS, et dirigé l'informatique interne
de Thomson-CSF, deviendra Directeur adjoint du Département DSP au
1er janvier 1984.
Les efforts faits pendant cette période permettent de disposer
progressivement d'une bonne connaissance des comptes, ce qui fait apparaître
des pertes lors de l'examen de l'état d'avancement détaillé
de chaque programme. En effet, il reste, en général, toujours
plus à faire que prévu, ce qui conduit à de nombreux
dépassements des coûts prévisionnels. Toutes ces pertes
seront mises sur les résultats de 1983 qui seront donc catastrophiques
(30 % du chiffre d'affaires).
Les derniers jours à Thomson-CSF
Le 20 septembre 1983, les principaux cadres de Thomson-CSF sont
convoqués au siège social, boulevard Haussmann, pour entendre
une communication d'Alain Gomez, nouveau Président du groupe Thomson
depuis sa nationalisation.
L'annonce est faite en particulier de la cession à la Compagnie
Générale d'Électricité du «périmètre»
d'activités «télécommunications». Si,
de toute évidence, et ceci est clairement exprimé, les activités
de commutation téléphonique et de faisceaux hertziens font
partie du périmètre en question, il faudra ensuite plusieurs
jours aux dirigeants de la Division Espace présents à la
réunion pour se faire préciser que les activités spatiales,
en l'occurrence la Division Espace, en font également partie.
Pour la rédaction définitive de l'accord, il faudra ensuite
préciser les limites exactes du «périmètre»
avec, en particulier, toutes les conséquences dans le domaine de
la propriété industrielle. C'est à ces aspects, pour
DES, qu'Arlette Lefeuvre, dans le domaine juridique, et Jacques Chaumeron,
dans le domaine technique, apporteront les principales contributions.
Une partie des activités où le Département DSP
a bénéficié d'un support technique important d'autres
unités de Thomson-CSF doivent faire l'objet d'accords particuliers
car ces unités font désormais partie d'une compagnie différente
de celle à laquelle vient d'être cédée la Division
Espace.
Il faut donc examiner dans quelles conditions le Service Antennes de
DSP pourra continuer d'utiliser les logiciels de calculs d'antennes développés
par la Division Radars de Surface (DRS) de Thomson-CSF, logiciels que DSP
a d'ailleurs contribué à faire évoluer en fonction
de ses propres besoins.
Il faut également, dans le domaine prometteur des radars à
ouverture synthétique (SAR), en cours d'étude pour le programme
ERS
de l'Agence Spatiale Européenne, négocier un accord permettant
de poursuivre la coopération avec la Division Avionique (AVS) de
Thomson-CSF.
Les travaux d'intégration dans le nouveau groupe seront rapidement
matérialisés par la transformation de la Division DES en
une société anonyme filiale, dénommée Alcatel
Thomson Espace.
La transition vers Alcatel Thomson Espace
Si,
comme on le verra plus loin, la société Alcatel Thomson Espace
a pris naissance rétroactivement au 1er janvier 1984,
l'année 1984 commence dans la continuation de l'organisation mise
en place en 1982 et 1983, mais, si Thomson-CSF reste propriétaire,
elle a délégué la gestion à la CGE. Jacques
Imbert restant Directeur des activités Transmissions sous l'autorité
de Jacques Darmon, rien n'est changé pour le Directeur de la Division
Espace.
Les mesures de redressement mises en route donnent rapidement des résultats
et l'année 1984 apporte de nombreuses satisfactions :
- le lancement réussi du premier modèle de vol de Telecom
1 qui concrétise le premier programme de charge utile réalisé
par la Division ;
- la réussite du programme SPOT (qui sera lancé
plus tard, en février 1986) ;
- les premières livraisons des matériels de série
de Syracuse (pour fonctionner en 1985 avec Telecom 1) ;
- le bon achèvement, après d'énormes difficultés,
du programme de transpondeurs qui deviendra par la suite un des grands
succès de la société.
Deux programmes posent encore des problèmes difficiles :
- Intelsat VI, où il faut, dans des délais courts,
réaliser un grand nombre de récepteurs performants alors
que le fonctionnement industriel est encore très déficient
;
- TDF 1, où les tubes à ondes progressives de la
Division Tubes de Thomson-CSF et les alimentations fournies par ANT tardent
à être mis au point.
C'est ce qui explique que l'année 1984, qui aurait dû voir
arriver les premiers bénéfices, donnera encore un résultat
négatif (10 % d'un chiffre d'affaires en croissance) dont la plus
grande partie est due aux TOP de
TDF 1.
Cependant, au moment où la Division devient société
anonyme, on peut dire que les difficultés liées à
la constitution en trois ans d'une véritable entité industrielle
de réalisation de charges utiles de satellites sont résolues.
Il reste à en faire un instrument efficace et rentable ; c'est ce
qui constituera l'essentiel des actions de direction jusqu'à la
moitié de 1986, avant d'autoriser le remarquable développement
des années ultérieures. |