3 - Les unités spécialisées dans
l'Espace
La décision de transfert
Jusqu'en 1979, le Département DSP, logé dans un peu plus
de la moitié du bâtiment E, dans le centre de Thomson-CSF
de Meudon-la-Forêt, a disposé d'une surface suffisante. On
peut même dire qu'au moment où l'effectif est passé,
fin 1978, par sa valeur minimale (205), DSP était confortablement
logé.
Fin 1979, avec un effectif de 252, la situation est encore acceptable,
les surfaces disponibles pouvant, moyennant certains sacrifices de confort,
accepter un maximum de 300 personnes.
C'est vers la fin de 1978 que la probabilité d'avoir un programme
spatial français conséquent est devenue élevée.
Il a été évident que les moyens à mettre en
place pour un tel programme étaient sans commune mesure avec ceux
qui existaient à Meudon.
La réflexion est menée au cours de l'année 1979,
mais à cette époque le Gouvernement veut stopper la croissance
de la région parisienne et met en place une politique très
contraignante de maintien des espaces occupés par les grandes entreprises.
Or Thomson-CSF, dont presque toutes les Divisions sont basées
autour de Paris, est en pleine croissance et manque de place. De plus,
la Division DFH doit, à terme, être expulsée de la
rue Greffuhle et par conséquent se reloger. La Direction Générale
décide donc que le Département DSP sera délocalisé.
La DATAR (Délégation à l'Aménagement du
Territoire) n'accepte que les villes nouvelles ou la province. La Direction
de DSP propose Saint-Quentin-en-Yvelines, qui permettrait de moins perturber
le personnel existant. Une autre possibilité est Marne-la-Vallée
ou, surtout, Cergy-Pontoise, qui permettrait plus facilement l'extension
de l'ensemble de DFH, également en pleine croissance.
En province, Nancy est envisagé car il existe de fortes pressions
pour compenser les emplois perdus par la sidérurgie, mais Toulouse
s'impose assez rapidement bien que, à cette époque, sa croissance
naturelle ne pousse pas la DATAR à être très généreuse
en subventions.
En définitive, après des approches de Gérard Coffinet
auprès de Jean-Claude Husson (en 1979 pendant le Salon du Bourget)
et de Jacques Chaumeron auprès du Directeur Général
du CNES (Michel Bignier), il est décidé que la région
toulousaine sera choisie. Les arguments, d'importance inégale, qui
justifient ce choix sont les suivants :
- le CNES, qui a été jusque-là le principal client
national, s'est installé au début des années soixante-dix
à Toulouse et y a apporté les moyens d'essais lourds que
peuvent utiliser les industriels. Il a fait savoir qu'il aidera Thomson-CSF
si celle-ci implante à Toulouse une usine affectée à
l'espace, cela lui permettant de mieux piloter l'activité spatiale
dans le domaine des satellites à Toulouse qui devient, après
l'aéronautique, capitale européenne de l'espace ;
- l'un des deux maîtres d'oeuvre nationaux de l'époque,
MATRA, en particulier maître d'oeuvre de Telecom 1, a choisi
Toulouse et y installe ses activités spatiales. Il peut y avoir
un risque pour Thomson-CSF d'être réduite à un rôle
de constructeur d'équipements, son Département spécialisé
n'étant pas implanté dans un «haut lieu de l'intégration
spatiale» ;
- la filiale informatique de Thomson, la CITEC, située au Mirail,
connaît une sérieuse baisse d'activité, et l'implantation
au voisinage d'activités spatiales en croissance peut faciliter
le reclassement d'une partie de son personnel.
Après des études préliminaires pour installer seulement
un centre d'intégration sur le site occupé par la Division
Travaux Extérieurs, à proximité de l'aérodrome
de Montaudran, la Direction Générale de Thomson-CSF décide
au début de 1980 de transférer la totalité du Département
DSP en y construisant un nouveau centre.
Cette décision est annoncée au comité central d'entreprise
le 18 décembre 1980.
Un communiqué de presse, publié le 24 février 1981,
précise qu'une option a été prise sur un terrain de
plus de 20 hectares situé au Domaine de Candie et annonce la construction
de près de 1 800 mètres carrés de bâtiments
industriels devant abriter environ 500 personnes, dont deux tiers d'ingénieurs,
cadres et techniciens.
Les grandes étapes de l'installation à Toulouse
La décision, prise fin 1980, intervient alors que 400 millions
de francs de commandes ont déjà été obtenus
en 1981, que le programme Telecom 1 impose des délais très
courts (le lancement du premier modèle de vol, qui n'interviendra
finalement qu'en août 1984, est alors prévu en 1983), que
le programme TDF-TV-Sat arrive dans une phase opérationnelle
et que plusieurs programmes à l'export (Brazilsat en particulier)
sont apparus.
Un terrain ayant été choisi en 1980, il faudra toute l'année
1981 pour définir les besoins en détail, et c'est seulement
début 1982 que peut être déposé le permis de
construire.
Malgré des délais extrêmement serrés pour
l'importance du programme de construction, il est impossible que DSP puisse
être complètement opérationnel à Toulouse avant
le milieu de 1983. Cela entraînera, pour les années 1980 et
1981, des conditions de travail démentielles qui sont exposées
au paragraphe suivant.
Dès sa création au début de 1982, la nouvelle Division
Espace, qui comprend 560 personnes dont 520 à Meudon, est confrontée
à de très grandes difficultés :
- elle a besoin de près de 1 000 personnes pour exécuter
les commandes obtenues ou qui vont arriver en 1982 (en particulier la sous-traitance
de Hughes dans Intelsat VI) ;
- il ne faut pas prendre de retard sur les programmes (ou tout du moins
pas plus que les autres participants), sous peine de catastrophe pour Thomson-CSF
qui doit démontrer une véritable capacité industrielle
;
- le centre de Candie, en construction, ne sera pas disponible avant
le milieu de 1983.
Les décisions suivantes sont prises ; elles paraissent à
tous comme les moins mauvaises :
- dès le milieu de 1982, une partie du personnel sera installé
dans l'usine de CITEC au Mirail, qui dispose de place ;
- le déménagement se fera par programmes. Ceux qui devraient
être terminés, Telecom 1 et les transpondeurs bande
S, resteront à Meudon, ainsi que le Service Antennes, les autres
programmes étant réalisés à Toulouse dès
leur début. Le programme TDF-TV-Sat est le plus perturbé
puisqu'il déménage ;
- en conséquence, beaucoup de services seront coupés en
deux, les chefs de service faisant la navette entre Meudon et Toulouse
;
- Philippe Blanchet, jusqu'alors responsable du programme charge utile
Telecom
1, prend la direction de l'établissement de Toulouse ;
- les transferts de personnels auront lieu en deux fois : au milieu
de 1982 et au milieu de 1983. En fait, des changements interviendront entre
les deux, et, surtout du fait des embauches à Toulouse, la croissance
y sera plus rapide que prévu.
Le déménagement, effectué en août 1982, se
passe bien grâce à l'organisation mise en place par Philippe
Blanchet et Jacques Rosmorduc.
Malheureusement, le retard pris par les programmes (dû principalement
aux changements d'équipes et surtout de responsables qui ne souhaitent
pas aller à Toulouse et se reclassent dans Thomson-CSF) pousse Philippe
Blanchet, pressé en outre par la Direction de CITEC, qui a beaucoup
de personnel disponible, à prendre à CITEC et à embaucher
sur place plus de personnes que prévu initialement.
De plus, le déménagement en 1982 n'avait pas été
prévu lors de l'établissement du budget de la Division DES,
et les charges très importantes qui en résultent (charges
directes et retards de fabrication) font apparaître un très
mauvais résultat en 1982 (- 63 MF pour un chiffre d'affaires de
430 MF) qui, évidemment, n'avait pas été planifié
par la Direction Financière de Thomson-CSF.
Or, début 1983, un malentendu grave apparaît sur les coûts
de construction du centre, la Direction Industrielle de Thomson-CSF, chargée
de cette construction, n'ayant pas prévu tous les montants nécessaires,
bien qu'ils aient été connus. Cela entraîne le Directeur
Général adjoint, Jacques Darmon, à supprimer un bâtiment
prévu à Candie et à prolonger l'implantation d'une
partie du personnel à CITEC.
Cette décision, qui entraîne de graves conséquences
sur la Division (devenue plus tard Alcatel Espace) et surtout sur ses résultats,
a pour effet qu'à partir du milieu de 1983, on procède bien
à la suppression progressive de Meudon, mais il subsiste deux centres,
avec tous les suppléments de charges et le manque d'efficacité
qui en résultent.
En fait, la situation n'est complètement rétablie qu'en
1987 avec la construction, entamée le 30 janvier 1986, du bâtiment
B (5 600 mètres carrés) qui avait été retiré
des prévisions en 1983.
Enfin, le bâtiment A, commencé en juillet 1988, est occupé
en juin 1989, et le bâtiment E en novembre de la même année.
Les installations en région parisienne jusqu'en 1984
Avec l'arrivée de nouveaux et importants programmes, il faut,
en attendant de disposer des locaux de Toulouse, dès le début
de 1980, rechercher de nouvelles surfaces pour absorber l'expansion.
La première action consiste, en septembre 1980, à louer
un étage, alors disponible, d'un bâtiment de bureaux appartenant
à Texas Instruments et situé avenue Morane-Saulnier à
Vélizy, à quelques centaines de mètres à vol
d'oiseau du bâtiment E de Meudon-la-Forêt. Le groupe de projet
de Telecom 1 et le Service Commercial y sont logés.
Plus tard, en 1982, une partie d'un autre étage du même
bâtiment est louée pour que s'y installe le groupe de projet
de TV-Sat-TDF 1. Les locaux loués à Texas Instruments
sont abandonnés fin août 1983.
À partir du milieu de 1981, des bureaux supplémentaires
sont loués dans l'ensemble immobilier La Boursidière au Plessis-Robinson,
à environ deux kilomètres de la maison mère.
Les services suivants y sont hébergés jusqu'au milieu
de 1983 :
- Électronique numérique, dirigé par Michel Hayard
;
- Alimentations de TOP, dirigé par Jean-Pierre Desné ;
- Achats, dirigé par Lucien Gadeau ;
- Gestion et comptabilité, dirigé par Paul Pharisier.
L'intégration des charges utiles des satellites Telecom 1
et celle des ensembles de télémesure charge utile (TMCU)
de SPOT 1 vont exiger de nouvelles surfaces dont ne dispose pas
le centre de Meudon.
Dans une première phase, l'ancien local de l'Aérospatiale
aux Mureaux, où avait été intégré le
satellite Symphonie, est loué pour environ un an. Les modèles
d'identification (MI) de la charge utile de Telecom 1 et de la TMCU
de SPOT 1 y sont intégrés. Ce n'est évidemment
qu'une solution de dépannage.
La construction du centre de Candie - Le projet de Candie
La municipalité de Toulouse, qui possède un grand
domaine viticole aux portes de la ville, à Candie, accepte d'en
céder 25 hectares au prix de 10 F le mètre carré.
|
L'architecte Pierre Laffitte présente sa maquette du futur centre
de Candie. De gauche à droite au premier plan: Gérard Coffinet,
Pierre Laffitte, Philippe Blanchet et Guy Leconte |
Le choix de l'emplacement s'avère judicieux. Le terrain,
en pente douce vers le Roussimort, est riverain de la route de Seysses
qui permet d'atteindre, en quelques minutes, la zone industrielle de Basso-Cambo
; il se situe à proximité immédiate de la «Pénétrante
Sud-Ouest», grande artère de communication vers Toulouse et
sa rocade.Un appel d'offres est lancé auprès de deux cabinets
d'architectes toulousains pour l'établissement de projets de construction
du nouveau centre.
L'examen des projets proposés est effectué sous l'égide
de Jean-Jacques Bruzac, Directeur des Installations Industrielles de Thomson-CSF,
qui assure la fonction de maître d'ouvrage, les besoins ayant été
définis par la Division DFH, c'est-à-dire, en fait, par une
équipe de DSP dirigée par Philippe Blanchet avec l'intervention
des Directions concernées de DFH.
Le
projet retenu, celui de Pierre Laffitte, fait l'objet d'une demande de
permis de construire déposée le 1er février
1982, et il est présenté le 23 février aux responsables
de la préfecture et de la mairie de Toulouse.
Il comporte douze bâtiments dont huit bâtiments industriels,
un bâtiment spécialisé pour l'intégration et
les moyens d'essais (environnement et antennes), deux bâtiments administratifs
et un bâtiment social incluant le restaurant d'entreprise.
Les acteurs de la construction de l'usine de Candie
Le responsable de l'implantation de DSP à Toulouse est Philippe
Blanchet. Le 1er avril 1982, il prend pour adjoint administratif
Jacques Rosmorduc qui, à ce titre, est chargé du transfert
du personnel de Meudon à Toulouse, de l'absorption du personnel
CITEC, de la création d'un Service Exploitation, d'un Service du
Personnel, d'un Service Informatique, et de la construction des bâtiments
de Candie. Pour cette dernière mission, qu'il remplira jusqu'en
décembre 1986, il s'appuie sur Louis-Claude Richard.
Les maîtres d'ouvrage sont SIIPE et Thomson-CSF, le maître
d'oeuvre l'Atelier d'Architecture de Pierre Laffitte, dont la forte personnalité
laisse sa marque dans la conception et l'agencement des bâtiments,
ainsi qu'un souvenir ineffaçable dans l'esprit de ceux qui l'approchent.
Pierre Laffitte a démarré dans la vie comme décorateur
de théâtre ; il a beaucoup travaillé avec Maurice Sarrazin
au théâtre de Toulouse, créant notamment les décors
et les costumes du premier spectacle qui y avait été donné
avec Daniel Sorano en vedette principale. Il est le frère de Guy
Laffitte, saxophoniste de renom et l'un des créateurs de «Jazz
in Marciac».
L'architecte
Laffitte possède un tempérament d'artiste et il aime en cultiver
les apparences. Sa houppelande de fourrure et son chapeau noir à
la Bruant témoignent probablement de son indépendance d'esprit.
Ses interlocuteurs sont vite séduits par son charisme et la clarté
d'expression de ses idées, qu'il défend avec une obstination
parfois source de rudes empoignades verbales !
Les bâtiments d'Alcatel Espace constituent un bon compromis entre
les impératifs de l'esthétique, l'efficacité industrielle
et les exigences d'un cadre de vie communautaire. Pierre Laffitte estime
que Candie a été, au plan technique, un de ses plus beaux
chantiers (avec l'immeuble de ELF à Labège). Pierre Laffitte
décédera le 1er février 1995.
Plus de trois cents ouvriers de nombreuses entreprises travaillent à
la construction de l'usine toulousaine.
La chronologie de la construction de Candie
Le premier coup de bulldozer est donné en juillet 1982 :
il faut d'abord arracher les vignes en prélude à la mise
en place des fondations des bâtiments C, D et S.
En août 1983, on peut occuper le bâtiment C réservé
aux ateliers et labos : 8 700 mètres carrés, dont 2 000 de
salles blanches. C'est à partir de cette date que DSP vivra dans
trois sites simultanément : CITEC, Candie et Meudon.
Le 1er septembre 1983, le personnel peut prendre le premier
repas à la cantine du bâtiment S qui s'étend sur 2
200 mètres carrés avec les locaux du comité d'établissement.
En octobre 1983, première implantation dans le bâtiment
D où s'installe la Direction. Ce bâtiment de 11 000 mètres
carrés sera complètement opérationnel à la
fin de 1983, notamment en ce qui concerne la salle d'intégration
de 800 mètres carrés, la tour du radôme et les locaux
des moyens d'essais.
Pour respecter les normes NGF imposées par la proximité
de la base aérienne de Francazal, on doit creuser pour enfoncer
en sous-sol le premier niveau du bâtiment D. Mais la nappe phréatique
se révèle plus haute que prévu, ce qui conduit à
créer un cuvelage étanche avec pompes de relevage des infiltrations.
Au rez-de-chaussée du bâtiment C, on installe les centrales
d'énergie et le poste de contrôle «Sécurité»
dont les capacités sont alors de :
- la centrale thermique : 1 750 kW ;
- la centrale frigorifique : 2 250 kW ;
- la centrale électrogène : 1 600 kVA ;
- la production de fluides industriels, dont l'air comprimé :
900 N/m3/h avec point de rosée à - 32 °C ;
- le poste de transformation principal : 3 000 kVA.
Il faut noter que sept ans plus tard, ces paramètres seront devenus
:
- la centrale thermique : 2 200 kW ;
- la centrale frigorifique : 5 600 kW ;
- la centrale électrogène : 6 000 kVA (avec EJP) ;
- l'air comprimé : identique ;
- le poste de transformation principal : 12 000 kVA.
Les bâtiments B (5 600 mètres carrés), construit
de février à décembre 1986, A, réalisé
entre juillet 1988 et juin 1989, et E, occupé en novembre 1989,
complètent la construction.
Deux immeubles de bureaux (appelés Z et Z') sont loués
de l'autre côté de la rue Jean-François-Champollion
: le Z à compter du 1er avril 1987, et le Z' au début
de 1988, jusqu'à disponibilité du bâtiment A.
Les effectifs, le recrutement, l'absorption du personnel CITEC
L'année 1981 et le premier semestre 1982 sont consacrés
à la préparation du transfert de salariés de Meudon
à Toulouse. Il convient de recruter des ingénieurs et des
agents techniques qui acceptent de «descendre» à Toulouse,
de préférence en recherchant des volontaires dans les unités
de Thomson-CSF, et de «recaser» dans le groupe ceux qui n'acceptent
pas de quitter la région parisienne.
Le 1er janvier 1982, les effectifs de DSP-Meudon se trouvent
ainsi portés à 520 personnes.
Durant l'année 1982 et les premiers mois de 1983, 218 personnes
sont mutées de CITEC à DSP. CITEC, société
filiale de Thomson-CSF, éprouve des difficultés de plan de
charge depuis la fin du Plan Calcul et l'éclatement de la CII dont
l'usine du Mirail avait été l'outil de production. Depuis
lors, ce centre mène de difficiles opérations de reconversion
et n'obtient qu'au compte-gouttes des commandes de fabrications militaires,
de la part d'autres unités de Thomson. C'est sans difficultés
que CITEC mute 20 % de son effectif de 1 100 personnes vers le Département
Satellites de la Division Espace (DSP).
Le premier problème à résoudre est celui de la
formation de ce personnel. Il s'agit d'ingénieurs, de techniciens,
d'ouvriers, d'employés qui, familiers de la production d'ordinateurs
ou d'électronique militaire, ne se sont jamais frottés aux
règles particulières du spatial.
Il est convenu que le personnel CITEC concerné sera détaché
durant six mois à Meudon où, «sur le tas», il
recevra la formation adéquate et pourra rapidement contribuer à
la production des équipements destinés à SPOT 1,TDF,
TV-Sat
Car la charge de travail augmente trop vite pour la capacité
de production. Il faut mettre tous les moyens en ligne, même si la
formation n'est pas complètement achevée.
Le responsable de la fabrication en région parisienne est Jean
Petrochenko. Venant de CITEC, Roland Borchi, assisté de Jean-Claude
Choury, prend le relais pour Toulouse. Avec Michel Burgan, responsable
de la qualité, ils se trouvent de fait avoir à suivre le
personnel CITEC transféré et à assurer pour leurs
domaines le recrutement d'effectifs complémentaires.
Martial Malaurie, chef du personnel du Département Espace-Satellites,
a la charge de recevoir les mutés de CITEC et de régler les
problèmes sociaux. Ses interlocuteurs à CITEC sont M. Rousset,
chef du personnel, assisté de Serge Lioret qui, ultérieurement,
rejoindra le Service du Personnel de DSP.
L'organisation sociale du transfert du personnel de DSP Meudon vers Toulouse
Deux services sont créés pour s'occuper des conditions
matérielles de transfert :
- le Service Transfert (à Meudon) ;
- le Service Accueil (à Toulouse).
Vis-à-vis des candidats au transfert, leurs missions consistent
à :
- organiser les voyages de reconnaissance ;
- présenter le marché immobilier de Toulouse ;
- rechercher des logements ;
- faire visiter la ville et en vanter les attraits (culturels, éducatifs,
touristiques, etc.) ;
- contribuer à harmoniser les souhaits des conjoints en matière
de logement, etc. ;
- aider à l'inscription des enfants dans les écoles ;
- participer au reclassement professionnel des conjoints du personnel
de DSP.
Vaste programme ! Qui nécessite de la part des préposés
des deux services beaucoup de patience, de doigté, de dévouement
et de mobilité. Sont chargés de ces missions :
- à Meudon : Any Dales ;
- à Toulouse : Georges Montaillier jusqu'en avril 1982, puis
Marie-France Gaillard.
Les futurs transférés et leurs conjoints sont invités
à une réunion tenue en soirée au palais des Congrès
de Versailles, au cours de laquelle leur sont présentées
les principales modalités du transfert.
L'implantation provisoire à CITEC/Mirail
Rappelons qu'en 1981, le plan de charges prévisionnel augmente
considérablement : il faut disposer rapidement de locaux supplémentaires,
ce qui est impossible en région parisienne. L'usine de CITEC au
Mirail offre 6 000 mètres carrés : toute la partie ouest
de l'usine (nommée tranche 5) avec une entrée spéciale
pour DSP et le premier étage de la tour administrative où
s'installe la Direction de DSP.
Durant l'été 1982, le premier transfert de Meudon concerne
une centaine de personnes qui s'établissent au Mirail où,
dès cette époque, sont créés des labos pour
les affaires nouvelles, en particulier Intelsat VI.
À la fin de 1982, DSP compte 318 personnes au Mirail. Au milieu
de 1983, lorsque l'on commence à occuper les premiers locaux de
Candie, l'effectif installé au Mirail s'élève à
634 personnes.
Du personnel de DSP, en nombre décroissant à partir de
1984, travaillera encore au Mirail jusqu'en mars 1987.
Pour la plupart des «Parisiens» venus à Toulouse,
les conditions d'existence qu'ils trouvent en région toulousaine
sont excellentes : proximité de la campagne, durées de trajet
pour se rendre au travail considérablement réduites, usine
entourée de parkings pratiques et d'espaces verts bien entretenus,
équipements sportifs sur le site même. On organise des tournois
de tennis. Une vie sociale fait suite au temps de travail, créant
une ambiance plus décontractée que par le passé.
Pour l'aspect professionnel, les locaux industriels du Mirail ressemblent
beaucoup à ceux quittés en région parisienne. À
l'étage, de grandes surfaces au sol, cloisonnées, réservent
des espaces bruyants et peu ergonomiques. Certains se souviennent de ce
labyrinthe de bureaux de groupes de projet permettant, certes, une excellente
transmission pas toujours souhaitée des informations. En sous-sol,
la disposition des différents services et la salle blanche n'ont
rien de remarquable.
Le transfert progressif vers Candie des moyens d'études et de
production dégrade l'efficacité de l'activité, en
particulier pour les groupes de projet maintenus dans leur isolement au
Mirail. Cette double implantation impose de nombreux déplacements
entre le Mirail et Candie.
La vie de l'entreprise éclatée en plusieurs sites
Le transfert de Meudon à Toulouse s'étale du milieu
de 1982 à la fin de 1983. À Toulouse, DSP aura des effectifs
au Mirail du milieu de 1982 à mars 1987, l'usine de Candie ne recevant
ses premiers occupants qu'à dater du milieu de 1983.
Le centre de Meudon continuera d'abriter un petit atelier de câblage
en salle blanche, sous la direction de Guy Bertaud, jusqu'à fin
1984, date à laquelle toute activité cessera dans ce site.
En 1984, il est question de rassembler à La Verrière (Hauts-de-Seine)
l'atelier de Meudon et le siège de la Division installé à
Courbevoie (au Doublon) mais ce projet n'aura pas de suite. L'activité
sera donc éclatée sur trois puis sur deux sites jusqu'au
début de 1987.
De façon pragmatique, chaque service s'adapte du mieux qu'il
peut à cette situation. Quelques exemples illustrent les difficultés
que les chefs de service ont à surmonter.
Le Bureau d'Études, placé sous la responsabilité
de Raymond Pache, comprend cinquante personnes à Meudon : il n'y
en a que quatre ou cinq pour accepter leur transfert à Toulouse
! Comme par ailleurs on ne trouve personne à CITEC possédant
le profil nécessaire, il faut recruter pour Toulouse cinquante ingénieurs
et dessinateurs par mutation de Thomson-CSF et par embauche externe. Dans
le même temps, il faut «recaser» dans d'autres unités
le personnel non transféré. Simultanément, la charge
de travail va croissant
On fait donc largement appel à des sous-traitants,
pendant qu'on forme les nouveaux embauchés
Le Bureau d'Études travaille sur les deux sites (Meudon et Mirail)
de septembre 1982 jusqu'en juillet 1983 où l'effectif définitif
de soixante personnes est réuni au Mirail. Durant cette période,
Meudon traite SPOT 1, Telecom 1, TDF, TV-Sat et les transpondeurs,
Toulouse s'occupant de TELE X, Intelsat VI, et recevant le Bureau
de Calcul (Patrick Zemlianoy).
Au Mirail, les dessinateurs sont peu à peu répartis dans
les lignes de produits qu'ils suivent au fur et à mesure de leur
migration vers Candie. Le dernier mouvement, au début de 1987, concerne
la ligne HY (hyperfréquences) et le BE Central (Bureau de Calcul
essentiellement).
Henri-Paul Brochet était, en 1982, chef de projet Transpondeurs
; il a quitté Meudon durant l'été 1983, les transpondeurs
bande S étant produits dans ce centre. Jusqu'alors il était
«à cheval» sur Meudon et sur Toulouse/Mirail où
fut lancée la production des transpondeurs SPOT 1 et Giotto.
À la fin de 1984, devenu chef du Service TTC, il s'est partagé
entre Mirail et Candie, jusqu'à la fin de 1986, la production des
modèles de vol se faisant sur ce dernier site.
En mars 1987, les derniers personnels ATES de Toulouse rejoignent le
site de Candie mais
en «extra-muros», au bâtiment Z,
en location, de l'autre côté de l'avenue Jean-François-Champollion.
Ce bâtiment, moderne, assure convenablement la fonction qu'ATES entend
lui confier, mais à quelques centaines de mètres du centre
principal d'activités, et cela entretient les problèmes récurrents
de disponibilité des salles de réunion.À la fin des
années quatre-vingt, le regroupement sur le site de Candie «intra-muros»
ne supprime pas les fréquents changements de bâtiments, d'étages,
de bureaux ou de dispositions, phénomène souvent plus fréquent
qu'il n'est strictement nécessaire dans beaucoup d'entreprises.
Le record est probablement le double déménagement d'un groupe
de projet en un mois.
|
Candie en 1984. Bâtiments C et bâtiment social. |
|
Candie en 1984. Bâtiments d'intégration.
|
Quelques bureaux d'ingénieurs sont installés temporairement
dans des abris du type «Algéco». Pour quelques-uns,
l'activité professionnelle durant la décennie quatre-vingt
suppose un certain nomadisme.
Conclusion
Au niveau des Services, des labos, des ateliers, chacun sut s'adapter
et traiter les problèmes du transfert avec détermination
et doigté.
Mais les temps furent difficiles, l'entreprise ayant à gérer
une croissance rapide des effectifs en rassemblant des gens venus d'horizons
divers. On passa en effet de 520 personnes au 1er janvier 1982
à 1 015 personnes au milieu de 1984.
Cette croissance, qui s'accompagnait d'une décentralisation avec
changement de structures et quelquefois de responsables, inquiétait
nos clients (allemands et américains notamment), les rendait soupçonneux
et tatillons lors des points clés, d'où la multiplication
des audits et des actions correctives.
Au point de vue social, Martial Malaurie, arrivé au milieu de
1982 en tant que chef du personnel du Département Satellites, eut
à gérer un «choc de cultures d'entreprises diverses»,
chacun, qu'il vienne de CITEC, de Meudon ou d'autres centres de Thomson-CSF,
revendiquant l'application des règles de son centre d'origine.
Le personnel issu de CITEC, habitué à la vie d'une unité
de production, apparaissait plus familier des méthodes de travail
industrielles mais réclamait l'alignement sur les salaires des salariés
de Meudon.
Ces derniers, minoritaires, déplacés mais seuls à
posséder une certaine expérience du «spatial»,
pensaient détenir la vérité «technique»
et «historique» de ce qui était encore un «artisanat
de luxe».
De cette période mouvementée, de ce brassage d'hommes
et de cultures, de ces péripéties immobilières allait
surgir l'entreprise Alcatel Thomson Espace née officiellement le
9 mai 1984, dotée à Candie d'un remarquable outil de travail,
condition nécessaire de son développement et de ses succès
à venir. |