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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

3 - Les unités spécialisées dans l'Espace

3.4 - Alcatel Thomson Espace et Alcatel Espace (ATES)

E - Le chiffre d'affaires d'Alcatel Espace


Lors de la création de la société Alcatel Espace, au lendemain des accords Thomson-CGE de 1983, le chiffre d'affaires s'apparente plus à des notions de trésorerie que d'activité. On facture ce que le plan de paiement du contrat permet de facturer : peu importe alors si ce qui est inscrit en chiffre d'affaires correspond à des prestations qui seront fournies dans x mois ou années, dans la mesure où le contrat avec le client permet de les facturer. Peu importe également que l'on conserve en «travaux en cours» des prestations ou matériels terminés que le plan de paiement ne permet pas encore de facturer.

Cette règle est à la fois contraire à l'esprit de la loi (en l'occurrence le plan comptable) et à un souci de bonne gestion. Il apparaît très vite à la nouvelle Direction Générale mise en place que ce qui doit importer c'est la motivation des équipes à «sortir le matériel» et à le faire recetter par le client, de telle sorte qu'il n'y ait aucune ambiguïté avec lui. Une équipe pluridisciplinaire est alors mise en place dès 1984 et va, dans ce but, définir une règle de comptabilisation en chiffre d'affaires, originale certes, mais qui va s'avérer efficace.

Le CAI (Chiffre d'Affaires Industriel) est né. Il aura fallu des mois de discussions internes et externes (commissaires aux comptes, commissaire du Gouvernement, maisons mères) pour définir cette notion. Elle est simple : le contrat client est découpé en deux plans qui ne cherchent pas à se recouper (sauf en fin de parcours) :

- un plan «commercial» : ce sont les phases de paiement par le client. Elles feront l'objet de «demandes d'acomptes» et ne seront plus retenues (sauf exceptions) comme critère de chiffre d'affaires ;

- un plan «industriel», qui découpe le contrat en «événements» correspondant chacun à l'achèvement soit d'une prestation (dossier d'étude, par exemple) soit d'un équipement (boîte noire). Cet achèvement est alors systématiquement contrôlé par le client qui signe un PV (procès verbal) de réception provisoire pour le dossier ou l'équipement. Il en découle souvent une double danse : la danse du ventre des techniciens d'ATES pour que le client signe, et la danse du scalp du client qui menace le technicien de ne pas signer s'il n'obtient pas ceci ou cela.
 
 

Cette nouvelle règle va très vite constituer une motivation pour l'ensemble de l'entreprise à produire des équipements ou des dossiers complets, auxquels il ne manque plus un seul «bouton de guêtre», faute de quoi l'accord du client ne pourra pas être obtenu. Aussi assiste-t-on parfois à des mois de novembre et décembre homériques où tout le monde (pour tenir ses objectifs annuels) court après la signature des clients…

Mais, en contrepartie, cette règle va constituer une surcharge notable des services administratifs et financiers car le même contrat doit désormais faire l'objet d'un double suivi : commercial et industriel. Mais c'est le prix à payer si l'on veut faire face, avec rigueur, à la croissance considérable de l'activité que connaît ATES.

Une autre modification significative des règles de gestion et de contrôle de l'activité va naître du fait du développement de sous-traitances importantes confiées à des tiers. Il faut souligner que jusqu'alors la Division Espace de Thomson n'a essentiellement été qu'un gros équipementier fabriquant lui-même l'essentiel de ses productions. Mais avec la signature des premières maîtrises d'oeuvre de charges utiles de satellites (Telecom 1, TDF 1…) l'activité de l'unité va se modifier : il faut se spécialiser (on ne saurait tout faire, par exemple les redoutables ATOP conservés par Thomson-CSF) ; il faut gérer sa charge de travail (donc savoir confier à d'autres entreprises, même concurrentes, une part du travail lorsque les équipes sont saturées et que l'on ne veut pas prendre le risque d'embaucher pour devoir débaucher un an plus tard (d'où l'apparition de contrats complexes de partenariat) ; par ailleurs il faut, dans les contrats avec les agences spatiales, assurer les «retours industriels» pays par pays, ce qui impose d'équilibrer les engagements financiers de chaque pays par des sous-traitances adéquates confiées à son industrie locale (exemple : le cas de la Belgique).

Ces différentes sujétions vont très vite exiger la mise en place d'un double contrôle de l'activité d'ATES :

- d'une part celle qui est exercée sous sa propre autorité, avec son propre savoir-faire : elle fera l'objet d'un suivi particulier de la production et du chiffre d'affaires qui prendra le nom de «part propre» ;

- d'autre part, la production sous-traitée à des tiers qui restent maîtres de leur métier : elle sera analysée et contrôlée séparément dans une rubrique appelée «PECT» (Prestations Entièrement Confiée à des Tiers).
 

Cette distinction va vite faire l'objet de débats énergiques avec le SECAR (service de contrôle de la DGA), car les prix de revient de ces prestations ne devront supporter qu'une imputation réduite de frais généraux. D'où l'inquiétude de l'Administration de devoir supporter, sur les contrats qu'elle confie à Alcatel Espace, une part trop importante de frais généraux résultant de la différence entre les frais généraux totaux et la faible part «chargée» sur les PECT. Ces débats seront parfois virils mais feront l'objet de compromis raisonnables, respectant les intérêts de l'Administration et ceux d'ATES.

Évolution du chiffre d'affaires


De 1984 à 1993, le chiffre d'affaires total, d'une part, ainsi que la part propre (PP), d'autre part, évolueront significativement (de l'ordre, en moyenne, de 15 % par an), ainsi qu'il ressort des chiffres ci-après.
 

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