3 - Les unités spécialisées dans
l'Espace
3.4 - Alcatel Thomson Espace et Alcatel Espace (ATES)
Lors de la création de la société Alcatel Espace,
au lendemain des accords Thomson-CGE de 1983, le chiffre d'affaires s'apparente
plus à des notions de trésorerie que d'activité. On
facture ce que le plan de paiement du contrat permet de facturer : peu
importe alors si ce qui est inscrit en chiffre d'affaires correspond à
des prestations qui seront fournies dans x mois ou années, dans
la mesure où le contrat avec le client permet de les facturer. Peu
importe également que l'on conserve en «travaux en cours»
des prestations ou matériels terminés que le plan de paiement
ne permet pas encore de facturer.
Cette règle est à la fois contraire à l'esprit
de la loi (en l'occurrence le plan comptable) et à un souci de bonne
gestion. Il apparaît très vite à la nouvelle Direction
Générale mise en place que ce qui doit importer c'est la
motivation des équipes à «sortir le matériel»
et à le faire recetter par le client, de telle sorte qu'il n'y ait
aucune ambiguïté avec lui. Une équipe pluridisciplinaire
est alors mise en place dès 1984 et va, dans ce but, définir
une règle de comptabilisation en chiffre d'affaires, originale certes,
mais qui va s'avérer efficace.
Le CAI (Chiffre d'Affaires Industriel) est né. Il aura fallu
des mois de discussions internes et externes (commissaires aux comptes,
commissaire du Gouvernement, maisons mères) pour définir
cette notion. Elle est simple : le contrat client est découpé
en deux plans qui ne cherchent pas à se recouper (sauf en fin de
parcours) :
- un plan «commercial» : ce sont les phases de paiement
par le client. Elles feront l'objet de «demandes d'acomptes»
et ne seront plus retenues (sauf exceptions) comme critère de chiffre
d'affaires ;
- un plan «industriel», qui découpe le contrat en
«événements» correspondant chacun à l'achèvement
soit d'une prestation (dossier d'étude, par exemple) soit d'un équipement
(boîte noire). Cet achèvement est alors systématiquement
contrôlé par le client qui signe un PV (procès verbal)
de réception provisoire pour le dossier ou l'équipement.
Il en découle souvent une double danse : la danse du ventre des
techniciens d'ATES pour que le client signe, et la danse du scalp du client
qui menace le technicien de ne pas signer s'il n'obtient pas ceci ou cela.
Cette nouvelle règle va très vite constituer une motivation
pour l'ensemble de l'entreprise à produire des équipements
ou des dossiers complets, auxquels il ne manque plus un seul «bouton
de guêtre», faute de quoi l'accord du client ne pourra pas
être obtenu. Aussi assiste-t-on parfois à des mois de novembre
et décembre homériques où tout le monde (pour tenir
ses objectifs annuels) court après la signature des clients
Mais, en contrepartie, cette règle va constituer une surcharge
notable des services administratifs et financiers car le même contrat
doit désormais faire l'objet d'un double suivi : commercial et industriel.
Mais c'est le prix à payer si l'on veut faire face, avec rigueur,
à la croissance considérable de l'activité que connaît
ATES.
Une autre modification significative des règles de gestion et
de contrôle de l'activité va naître du fait du développement
de sous-traitances importantes confiées à des tiers. Il faut
souligner que jusqu'alors la Division Espace de Thomson n'a essentiellement
été qu'un gros équipementier fabriquant lui-même
l'essentiel de ses productions. Mais avec la signature des premières
maîtrises d'oeuvre de charges utiles de satellites (Telecom 1,
TDF 1
) l'activité de l'unité va se modifier : il faut
se spécialiser (on ne saurait tout faire, par exemple les redoutables
ATOP conservés par Thomson-CSF) ; il faut gérer sa charge
de travail (donc savoir confier à d'autres entreprises, même
concurrentes, une part du travail lorsque les équipes sont saturées
et que l'on ne veut pas prendre le risque d'embaucher pour devoir débaucher
un an plus tard (d'où l'apparition de contrats complexes de partenariat)
; par ailleurs il faut, dans les contrats avec les agences spatiales, assurer
les «retours industriels» pays par pays, ce qui impose d'équilibrer
les engagements financiers de chaque pays par des sous-traitances adéquates
confiées à son industrie locale (exemple : le cas de la Belgique).
Ces différentes sujétions vont très vite exiger
la mise en place d'un double contrôle de l'activité d'ATES
:
- d'une part celle qui est exercée sous sa propre autorité,
avec son propre savoir-faire : elle fera l'objet d'un suivi particulier
de la production et du chiffre d'affaires qui prendra le nom de «part
propre» ;
- d'autre part, la production sous-traitée à des tiers
qui restent maîtres de leur métier : elle sera analysée
et contrôlée séparément dans une rubrique appelée
«PECT» (Prestations Entièrement Confiée à
des Tiers).
Cette distinction va vite faire l'objet de débats énergiques
avec le SECAR (service de contrôle de la DGA), car les prix de revient
de ces prestations ne devront supporter qu'une imputation réduite
de frais généraux. D'où l'inquiétude de l'Administration
de devoir supporter, sur les contrats qu'elle confie à Alcatel Espace,
une part trop importante de frais généraux résultant
de la différence entre les frais généraux totaux et
la faible part «chargée» sur les PECT. Ces débats
seront parfois virils mais feront l'objet de compromis raisonnables, respectant
les intérêts de l'Administration et ceux d'ATES.
Évolution du chiffre d'affaires
De 1984 à 1993, le chiffre d'affaires total, d'une part,
ainsi que la part propre (PP), d'autre part, évolueront significativement
(de l'ordre, en moyenne, de 15 % par an), ainsi qu'il ressort des chiffres
ci-après.
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