4 - Les fonctions et les métiers
Introduction
Pour interpréter correctement les lignes directrices du développement
de l'informatique à Alcatel Espace, il convient de rappeler quelques
données de base liées les unes à la situation initiale
de l'activité, les autres à ses caractéristiques propres.
Au départ, il s'agit d'une petite unité intégrée
dans Thomson-CSF et ne disposant que de très peu de moyens informatiques
propres. L'isolement géographique qui va résulter de l'implantation
en site propre à Toulouse va nécessiter la mise en place
accélérée de moyens de traitement importants au fur
et à mesure du développement des applications, car à
cette époque (1983-1985) le télétraitement apporte
trop de contraintes techniques et il n'existe pas d'occasions intéressantes
de traitement externe.
Il apparaît très rapidement que le problème principal
d'ATES, au-delà de la mise en place d'un système fiable de
gestion de projets, est un problème de rapidité et de sûreté
de la conception des équipements beaucoup plus qu'un problème
de gestion de production, car les problèmes rencontrés en
fabrication sont plus souvent dus à des insuffisances de conception
qu'à des problèmes d'ordonnancement. Il en résulte
que l'axe majeur des efforts porte sur la mise en oeuvre de moyens de conception
assistée par ordinateur complets, puissants et systématiquement
utilisés.
Le classement des domaines applicatifs de l'informatique
Nous serons amenés à suivre l'évolution des
domaines applicatifs suivants :
- gestion administrative et comptable ;
- communication, messagerie, traitement de textes ;
- CAO (calcul scientifique, simulation, systèmes d'ingénierie
simultanée) ;
- gestion de production ;
- gestion de projets ;
- moyens matériels et logiciels d'exploitation associés.
L'évolution de ces domaines ne se fait pas de manière
indépendante, car il existe des données communes à
chacun d'eux.
Cependant, l'intégration du fonctionnement des différents
applicatifs pour aboutir à un système intégré
homogène de traitement de l'information au niveau d'Alcatel Espace
sera progressive et sans doute l'objectif ambitieux le plus difficile à
atteindre.
Pour la clarté de l'exposé, nous évoquerons l'historique
du développement domaine par domaine, en signalant les points forts
d'intégration interdomaines.
La gestion administrative et comptable - Les origines
À la CSF-Levallois, en 1964, à l'initiative de Bernard
Deshayes (Directeur Central des Comptabilités de CSF), naît
de l'enthousiasme d'une équipe de comptables dirigée par
Georges Malgoire (Roger Bonhommet, Serge Macon, Bernard Millard, A. Chabot,
Michel Flacelière) et d'une équipe d'informaticiens animée
par Germain Brajou (J. Colliboeuf, M. Grangeot, P. Pierre) un système
de comptabilité et de contrôle de gestion intégrés
dénommé «GCI», écrit pour fonctionner
sous Gamma 30 de Bull. Ce système doit rapidement couvrir les besoins
des unités constituant le Groupement TTR dirigé par Michel
Barré ainsi que diverses unités de la CSF.
À la CII - Compagnie Internationale pour l'Informatique -, en
1972, Georges Malgoire (alors Directeur Central des Comptabilités)
confie à Michel Flacelière et à la même équipe
d'informaticiens, animée par Germain Brajou, le soin de rajeunir
le système GCI et de le porter sur IRIS 50 afin de gérer
l'ensemble des unités que constitue la CII.
Conjointement, Thomson-CSF met peu à peu au point son logiciel
de comptabilité et de contrôle de gestion dénommé
«PGCD». Il entre en «field test» dans diverses
divisions de Thomson-CSF, dont DES (future Alcatel Espace) où il
doit remplacer soit la version Thomson-CSF du GCI, soit l'ancienne application
comptable du CCTI. Les tests effectués à DES s'avéreront
décevants car le progiciel n'est pas «déverminé»,
la toute jeune Division non plus, ni ses équipes comptables.
C'est donc devant une absence de comptabilité fiable (voire de
comptabilité tout court) que se trouve Georges Malgoire lorsqu'il
prend la direction de la DAF d'Alcatel Thomson Espace au 1er
janvier 1984. Dans l'urgence, la décision est prise d'arrêter
les travaux comptables sur PGCD et d'utiliser le «vieux cheval de
retour» qu'est la version CII du GCI car elle est parfaitement connue
des responsables comptables d'ATES (Serge Macon, Bernard Millard, Jean
Gaich, Charles Vidal). C'est un pis aller car le produit est vieux et «tourne»
encore sur IRIS 50, matériel destiné à la casse ;
mais il est immédiatement opérationnel à un moment
où les comptes revêtent une importance majeure du fait des
opérations et audits d'apports.
L'évolution des produits comptables et de gestion
Du fait de l'arrêt programmé de l'IRIS 50 de l'ex-CITEC
sur lequel étaient effectués les travaux comptables d'ATES
et de l'absence de produits de substitution (Thomson-CSF a finalement arrêté
le PGCD et les progiciels présents sur la place sont de vieilles
versions moins efficaces que le GCI et inadaptés à la gestion
de projets), il est décidé début 1986 de se doter
d'un outil interactif écrit spécifiquement pour ATES.
Michel Flacelière est chargé de faire migrer la comptabilité
et le contrôle de gestion sur une application à écrire,
devant être exploitée sous UNIX sur des équipements
«Microméga» produits par une unité du groupe
Alcatel. Pour la petite histoire, on peut rappeler ici que ces équipements
provenaient d'une «start-up» californienne dénommée
Fortune, rachetée par la SEMS à ses dirigeants fondateurs.
Sous le couvert de François de Villepin et de Jacques Lescault (alors
respectivement Président et Directeur Général), une
équipe comprenant Arlette Lefeuvre, Gérard Lévy, Georges
Malgoire et Philippe Westercamp avait négocié ce rachat.
Le pari est ambitieux et il sera tenu. En 1987, le système GCI
est abandonné au bénéfice du système IGC !!!
Ce dernier, transactionnel, permet une mise à jour des comptes en
temps quasi réel. Dès 1988, ATES a la fierté d'être
la seule unité importante du groupe à publier son bilan et
ses résultats le premier jour ouvré du mois suivant. La comptabilité
est en ordre, les documents de gestion sont publiés «en batch»
huit jours après la fin de chaque mois.
Mais toute médaille a son revers, et la SSCI qui a écrit
les logiciels est fragile, et l'application manque vite de support, qu'il
s'agisse de la documentation ou du soutien technique. De plus, Alcatel
doit arrêter la production des micro-ordinateurs sur lesquels «tourne»
l'application. Par ailleurs, ATES a grandi et les spécifications
d'IGC adaptées à la grosse PME qu'était la société
à sa création deviennent insuffisantes dans une ATES forte
de programmes tels que Telecom 2. Enfin, les ambitions comptables
et de gestion ne sont plus les mêmes en 1991 avec le développement
foudroyant que les systèmes temps réel connaissent alors.
C'est ainsi qu'au milieu de 1991 il est décidé de lancer
une étude pour le remplacement d'IGC. Après de longues discussions
internes et la consultation malheureuse d'une importante SSII incapable
de gérer son projet, on choisit le progiciel TOLAS, déjà
utilisé dans d'autres unités du groupe Alcatel. Claude Argagnon,
nouveau Directeur des Services Économiques venu seconder Georges
Malgoire, Marie Drousie et Jacques Serville en seront les principaux animateurs.
Dans un domaine adjacent, il faut mentionner, à partir de 1985,
la mise en place progressive de produits de gestion administrative sous
CICS IBM, qu'il s'agisse de la gestion commerciale utilisant la base de
données Artemis (de la prise de commande jusqu'à l'émission
de la facture, en passant par la gestion des dossiers et statistiques commerciales),
placée sous la responsabilité de Jean Gaich, ou de documents
administratifs tels que ordres de mission, courrier, documentation configurée,
affectations de temps, présence
La paye du personnel, pour sa part,
continue d'être établie sur d'anciens programmes CCTI, régulièrement
mis à jour.
Communication, messagerie, traitement de textes
En 1982, la communication se limite au téléphone,
au Télex et aux notes écrites avec quelques machines à
traitement de textes Philips P5002. Il n'existe pas de plan de développement
dans ce domaine, sinon la généralisation de l'équipement
en machines Philips au fur et à mesure des possibilités budgétaires.
En 1984, la mise en place de moyens centraux IBM fonctionnant sous le
système d'exploitation MVS permet de définir une politique
de messagerie électronique ayant recours au logiciel IBM PROFS mondialement
utilisé. L'ouverture à PROFS nécessite un niveau préalable
d'équipement suffisant des secrétariats, puis des services,
en consoles informatiques.
En juillet 1985, lancement d'une phase pilote avec quarante abonnés
qui auront à coopter progressivement d'autres abonnés. Une
politique volontariste amène à une croissance très
rapide du taux d'utilisation, comme le montrent les chiffres suivants :
Croissance du nombre d'abonnés actifs à PROFS
TABLEAU
-------------------------
La mise à disposition d'informations générales
dans le cadre de PROFS aboutit à SIA début 1989.
On peut affirmer qu'associée aux autres produits qui seront mis
en place (voir chapitres suivants), la réussite de l'implantation
de PROFS et la pleine adhésion des utilisateurs constituent un atout
déterminant dans la rapidité de circulation de l'information
et par là même apportent une contribution notable à
la réduction des cycles d'études et de production.
Parallèlement, la mise en place d'un service central de PAO pour
la production des documents est effectuée avec le produit DCF d'IBM,
implanté sur le site central début 1986.
Compte tenu des progrès considérables effectués
par les systèmes de traitement de textes implantés sur les
PC, l'utilisation de DCF est vite limitée à la production
des dossiers lourds (propositions par exemple). La mise en place de PC,
d'abord progressive puis massive à partir de 1985, généralise
l'utilisation des systèmes à traitement de textes, d'abord
Visiotexte en juin 1986, puis Manuscript début 1988, lui-même
remplacé par Winword au milieu de 1992 ; de même l'utilisation
du tableur Multiplan à la fin de 1984, remplacé par Lotus
au milieu de 1992, offre à chaque utilisateur des moyens de gestion
personnalisés, en connexion avec le système central.
La CAO
À ce niveau, il est nécessaire de rappeler qu'Alcatel
Espace exerce deux types de métier fondamentalement différents
:
- une activité systèmes et projets qui relève du
domaine et des techniques de l'ingénierie ;
- une activité d'équipementier qui relève des techniques
de l'industrie électronique où l'on retrouve des tâches
d'étude, de conception, de production, de mise au point et d'essais.
Nous avons traité précédemment d'activités
informatiques s'appliquant à l'ensemble des activités d'Alcatel
Espace et contribuant à leur synergie mutuelle. À partir
de maintenant, les applications informatiques dont nous parlerons sont
essentiellement spécifiques de l'un, puis de l'autre des métiers
fondamentaux d'Alcatel Espace, à quelques exceptions près.
Cette distinction n'est pas évidente au départ, les métiers
de la société n'étant pas encore bien affirmés.
C'est en tout cas à travers la mise en place des applicatifs traités
plus loin qu'Alcatel Espace pourra faire les progrès de compétitivité
qui non seulement lui permettront de rattraper son retard et de se rendre
crédible, mais aussi de figurer en tête au niveau mondial
pour l'efficacité de ses méthodes de travail.
Nous traiterons tout d'abord de l'activité équipements.
En 1982, l'activité équipements se limite essentiellement
à des équipements hyperfréquences et à quelques
circuits électroniques associés.
En matière d'informatique, on trouve quelques HP 9845 dans les
labos, utilisant des PROM de fonctions mathématiques, et déroulant
des programmes écrits en BASIC par les ingénieurs. Le Service
Antennes utilise des programmes issus de Thomson Bagneux tournant sur un
vieux (déjà) HP 1000.
Simultanément, il apparaît qu'il faut gérer la production
des équipements (gestion de production) et qu'il faut améliorer
l'efficacité de la conception tant au niveau électrique qu'au
niveau mécanique. C'est ainsi que commence en janvier 1984 une évaluation
des produits de CAO mécanique CADAM CATIA sur IBM, ainsi que de
STRIM de la CISI sur VAX 780.
Cette évaluation conduit au choix de CADAM CATIA en avril 1984.
Les premiers travaux opérationnels commencent en septembre 1984
(six postes de travail en noir et blanc).
CATIA est toujours utilisé aujourd'hui. C'est un outil dont l'utilisation
a été rapidement généralisée de manière
exclusive, y compris en dehors de l'activité équipements,
pour couvrir l'activité systèmes, telle que l'implantation
de charges utiles par exemple.
Des efforts d'investissements importants en consoles graphiques couleur,
en augmentations successives de puissance de traitement central, en formation
et
persuasion des personnels sont consentis de manière ininterrompue
depuis 1984.
On peut affirmer que de ce fait le potentiel de compétitivité
d'Alcatel Espace dans le domaine de la CAO mécanique est au tout
premier rang des constructeurs, d'autant que, parallèlement, les
outils de simulation thermique appliqués aux modèles géométriques
de CATIA ont permis de traiter simultanément les aspects mécaniques
et thermiques.
Si le développement de la CAO en matière mécanique
et thermique a commencé dès le début de 1984, sous
l'impulsion de Raymond Pache, avec une préparation des esprits satisfaisante,
on ne peut en dire autant de la CAO électrique avec laquelle il
est impossible au départ de trouver des solutions fédératrices
crédibles. Trois domaines sont à traiter :
- les antennes ;
- les conceptions hyperfréquences ;
- plus tard, l'électronique numérique rapide.
Les antennes
En 1982, la conception des antennes ne pose pas de problèmes
très critiques, à la fois en raison de la masse d'expérience
et d'expertise d'origine Thomson, en particulier en la personne de Bruno
Vidal Saint-André, et parce que Alcatel Espace peut continuer de
se servir des logiciels initialement développés à
Thomson-CSF (Profil par exemple).
Ce n'est pas à cette époque le problème le plus
urgent à résoudre. Ce n'est qu'avec les problèmes
posés par les sources complexes d'Eutelsat, puis avec les
antennes actives, que la CAO CADAM CATIA est introduite aux antennes, ainsi
qu'un certain nombre de produits nouveaux (Sargasses, acheté à
Thomson-CSF en 1990, passage de Profil sur IBM en 1986).
La CAO hyperfréquences
L'aide à la conception des circuits hyperfréquences commence
en décembre 1984 par l'utilisation de Touchstone, d'origine américaine.
Contrairement à CATIA, la généralisation de l'utilisation
de ce type de produit dans les laboratoires hyperfréquences est
difficile, en raison de l'individualisme bien connu des «hypermen»
mais aussi en raison des faibles performances du produit et de son caractère
fermé.
La synergie créée entre la CAO hyperfréquences
et la CAO mécanique aide à une systématisation d'utilisation
des produits, et les évolutions des logiciels dans le cadre d'un
environnement informatique sous UNIX permettent finalement à partir
de fin 1990 (migration des logiciels de CAO hyper sur Academy sur station
HP UNIX) d'atteindre dans ce domaine des niveaux d'efficacité satisfaisants.
La CAO électronique
Ce n'est qu'à partir de 1985, en prévision du développement
de l'activité d'électronique numérique à Alcatel
Espace, qu'est commencée l'évaluation d'un produit de routage
des circuits imprimés (CBDS sur IBM).
Il apparaît rapidement que les insuffisances de CBDS ainsi que
la nécessité de disposer d'un produit commun traitant à
la fois la simulation et le routage doivent orienter vers d'autres produits,
même si cela doit nécessiter d'autres supports informatiques
qu'IBM. En août 1986, c'est le produit Mentor, exploité sur
station Apollo, qui paraît le mieux adapté aux besoins
d'Alcatel Espace.
L'évolution très rapide des fonctionnalités des
logiciels disponibles sur le marché, leur aptitude à fonctionner
dans l'environnement informatique UNIX amènent cette CAO électronique
à croître quantitativement et qualitativement et à
couvrir tous les domaines (ASIC au milieu de 1992).
On peut considérer que c'est en grande partie grâce à
la détermination des personnels de ce secteur, qui fait de cette
CAO électronique une réalisation collective, avec son utilisation
dans un contexte d'intégration avec la CAO mécanique et thermique,
que l'on peut expliquer la réussite technique et la compétitivité
dans un domaine où l'expérience de la société
n'est guère reconnue au départ (compétition avec Thomson
dans le cadre d'Osiris, mémoires de masse pour le CNES par
exemple).
La gestion de production (GPAO)
Dès juillet 1982, il apparaît nécessaire de
mettre en place une gestion de la production des équipements. Compte
tenu de la petite taille de l'unité et des faibles volumes à
gérer, DSP adopte le progiciel PIGME utilisé dans quelques
unités de Thomson-CSF, exploité sur MITRA 225.
Cette tentative est un échec relatif, car toute gestion de production
nécessite un codage préalable des articles et un système
de gestion des données techniques gérant les niveaux, les
arborescences, les indices successifs, avec le paradoxe apparent que les
faibles volumes traités incitent à la mise en place d'un
produit peu sophistiqué, alors que les contraintes propres au spatial
en matière de fiabilité exigent la traçabilité
des composants et des composés, entraînant une gestion complexe
de la configuration et exigeant de ce fait l'utilisation d'un système
informatique de haut niveau de possibilités.
Après une réflexion menée en 1984 au niveau du
Directeur Général adjoint et du Directeur de l'Informatique,
on fait appel à la société Arthur Andersen pour évaluer
les produits propres à traiter convenablement la gestion des données
techniques et l'ordonnancement, en laissant de côté la gestion
d'atelier, qui n'a pas d'aspect prioritaire.
Les produits mis en concurrence sont CMS Cullinet et MIMS de General
Electric. MIMS est choisi en mai 1985. C'est un produit complexe, gros
consommateur de ressources, mais qui, avec des développements complémentaires,
répond parfaitement aux besoins des équipements. Le problème
est aujourd'hui celui de son remplacement à l'issue de l'arrêt
de la maintenance par son constructeur, prévisible à court
terme, ainsi que l'amélioration de ses interfaces avec les utilisateurs.
À ce stade, il paraît utile de rappeler que la GPAO recouvre
:
- la gestion des données techniques : nomenclatures, gestion
des indices et des configurations, traçabilité, avec un nombre
important de contraintes spécifiques (nombre de niveaux de gestion
technique), particulier au métier d'Alcatel Espace. La maîtrise
de la gestion des données techniques est un élément
essentiel du niveau de risque encouru par la société ;
- le lancement et le suivi de la fabrication et des essais : gestion
des besoins bruts, besoins nets, cadencements, suivi détaillé
ou non au niveau des ensembles, sous-ensembles, pièces, composants.
Cette deuxième série d'applications utilise à chaque
instant le référentiel de données techniques, mais
sa conception est largement fonction de ce que la société
entend privilégier à un moment où à un autre
comme «flow-chart» de production (exemple : suivi au lot, à
la pièce, etc. ; lancement unitaire par programmes, par quantités
économiques, etc.).
Cette GPAO est pour Alcatel Espace un problème délicat
car, selon toute vraisemblance, il n'existe pas de progiciel du commerce
pouvant remplacer MIMS au niveau de la gestion des données techniques
sans réécriture importante.
Le projet CIM
En janvier 1989, on peut considérer qu'Alcatel Espace dispose
pour son activité équipements d'un ensemble d'applicatifs
modernes et totalement opérationnels.
Toutefois, la nécessité d'effectuer de nouveaux gains
de productivité entraîne la décision de lancer une
étude prospective sur les évolutions des méthodes
de travail, d'organisation et d'outils informatiques en faisant appel à
des consultants américains. Le choix se porte sur Young (Los Angeles)
qui travaille déjà pour Hughes. À l'issue de cette
consultation, un projet de plan CIM (Computer Integrated Management) est
établi.
Début 1991 un plan CIM est lancé en mettant plus particulièrement
en avant les aspects faisant appel à l'ingénierie simultanée
(concurrent engineering).
En 1993, une architecture client-serveur est mise en oeuvre, reposant
sur DB2, ensemble de logiciels IBM sous MVS, réalisant la gestion
des communications avec le monde UNIX. Les principales fonctionnalités
développées sont le lien GPAO articles-nomenclatures (MVS)
et la CAO Mentor (UNIX), et le référentiel de test pour la
gestion de configuration des données de test issues des essais ou
de l'intégration. Ce type de solution sera quelques mois plus tard
adopté par le CNES pour développer un référentiel
de données spatiales.
La fin de l'année 1994 voit la création d'un groupe de
projet animé par le Bureau d'Études sur le thème «Système
de gestion des données techniques».
À ce stade on peut dire que l'évolution vers le CIM est
loin d'être achevée, on pourrait parler de demi- succès,
mais cette évolution est quand même la consta- tation d'une
certaine avance d'Alcatel Espace sur beaucoup de ses concurrents. Avance
qui ne se conservera que si une volonté très forte y est
consacrée, mais cela ne relève plus de l'historique de l'informatique
à Alcatel Espace !
La gestion des projets
La gestion des projets (plannings, gestion des tâches, suivi
des coûts, plan directeur équipements) est inexistante sur
le plan informatique au début de la société.
En septembre 1983, on fait appel à Arthur Andersen pour définir
les besoins, puis pour assister l'évaluation des produits du marché.
En février 1984, Artemis est choisi et on commence la constitution
des équipes informatiques ainsi que la formation.
L'implantation de l'application sous MVS IBM est faite en juillet 1984.
Bien que choisie essentiellement au départ pour la gestion des projets,
cette première implantation s'avère un échec dès
1985. L'absence de motivation de la plupart des chefs de projet et de leur
direction fait que le produit, contraignant à utiliser (renseignement
des tâches, indication des charges, etc.), ne sert que pour gérer
quelques diagrammes PERT, sans devenir l'outil de base du chef de projet.
Il apparaît par ailleurs que l'absence de données fiables
sur les plannings équipements rend de toutes façons l'utilisation
d'Artemis très aléatoire au niveau des projets.
La décision est alors prise en 1985 de focaliser l'utilisation
d'Artemis sur le plan directeur équipements et le suivi des équipements
en planning et en charges aux niveaux ensembles et sous-ensembles.
D'importants moyens de formation y sont consacrés. Il faudra
pratiquement deux ans de pressions fortes sur les personnels, accompagnées
d'aides spécialisées, pour arriver à une situation
globalement satisfaisante sur l'utilisation totale du produit (plus de
produits individuels de gestion parallèle, début et fin des
tâches correctement renseignés par l'utilisateur lui-même,
reconnaissance de l'outil comme moyen exclusif de fédération
des équipements entre eux et avec les projets).
Les difficultés rencontrées sont davantage d'ordre psychologique
que technique. L'utilisation de ce type de produit engendre une transparence
de l'information mal ressentie au début, ce qui nécessite
une adaptation des habitudes et de la méthodologie d'utilisation
(exemple : création d'un niveau zéro pouvant entre autres
servir de «brouillon» et inaccessible à d'autres personnes
sans l'accord de l'auteur).
La généralisation de l'utilisation d'Artemis au niveau
des Projets peut alors se faire, en particulier au niveau des applications
Telecom
sous l'impulsion du projet Telecom 2, grâce à la détermination
et à l'énergie du chef de projet, Robert Lainé, début
1987.
On peut affirmer que l'utilisation de ce type de produit de gestion
à l'affaire est maintenant entrée dans les moeurs, mais qu'elle
exige une volonté constante de la part de la Direction pour qu'aucun
laxisme ne vienne risquer d'altérer l'efficacité et la fiabilité
des résultats.
L'évolution des moyens
Il n'est pas d'applicatifs qui puissent fonctionner sans moyens
matériels et sans systèmes d'exploitation. Au-delà
des aspects anecdotiques des quelques mini-ordinateurs utilisés
avant 1984 (MITRA 225, HP 1000, HP 9845), au cours du premier semestre
1984 est définie une politique très affirmée d'utilisation
du système d'exploitation MVS sur IBM, cette politique devant assurer
l'homogénéité et la compatibilité système
entre les différentes applications qui vont être mises en
place.
Le choix des logiciels d'application est donc fait dans cette optique
restrictive. Une exception doit être faite en 1986 pour la CAO électronique
après l'échec de CBDS. Mais dès cette époque,
l'utilisation de l'informatique est suffisamment maitrisée pour
que le respect de la politique générale soit assuré.
Il en va de même de l'utilisation de VAX 8250 pour des études
spécifiques de logiciels dans le domaine de l'observation.
La disponibilité ultérieure d'UNIX sous tous les types
de machines permet d'assouplir nettement la politique initiale, tout en
gardant les compatibilités voulues au départ. Les quelques
chiffres suivants montrent la qualité de croissance des moyens.
TABLEAU
-------------------
La politique consiste à faire appel systématiquement au
marché de seconde main, permettant ainsi d'assurer la croissance
des besoins avec des investissements modérés.
On ne saurait être complet sans mentionner les deux premiers VAX
acquis en 1989 pour le traitement d'images et certaines applications scientifiques.
Machines arrêtées respectivement en 1994 et 1995 et remplacées
par un groupe de stations de travail DEC 3000 et 4000.
De même, la croissance du nombre de terminaux donne une bonne
idée de ce que fut l'évolution de l'utilisation de l'informatique
:
1984 |
50 terminaux
|
dont |
6 graphiques |
1985 |
120 terminaux
|
dont |
12 graphiques |
1986 |
300 terminaux
|
dont |
12 graphiques |
1987 |
450 terminaux
|
dont |
24 graphiques |
1988 |
700 terminaux
|
dont |
35 graphiques |
1989 |
900 terminaux
|
dont |
100 graphiques |
1990 |
1 000 terminaux
|
dont |
150 graphiques |
Stable au-delà. |
|
|
|
PC |
|
1985 : |
50 |
1995 : |
1 000 |
Conclusion
Le présent document ne constitue que le premier chapitre
d'une histoire de l'informatique d'Alcatel Espace que nous espérons
très loin d'être terminée.
Nous conclurons en disant que c'est par une parfaite connaissance du
niveau des applications utilisées chez nos compétiteurs,
et plus particulièrement les leaders, qu'il a été
possible de doter la société d'un outil la plaçant
au meilleur niveau. Mais nous ajouterons qu'aucune situation ne se conserve
sans l'existence d'une volonté forte et d'une vue d'ensemble au
niveau de la société. |