5 - Les techniques et les technologies
La conception et la fabrication de tout équipement de télécommunication
nécessitent la maîtrise de plusieurs techniques complémentaires
: électronique, mécanique, technologie, etc.
La technologie est la technique relative aux matériaux
et aux procédés de fabrication. Elle en définit les
caractéristiques ainsi que les conditions de mise en oeuvre et d'emploi.
Une
technologie (ou filière technologique) est l'ensemble des matériaux
et procédés permettant de réaliser une pièce
ou un ensemble.
La règle de sécurité pour un équipement
embarqué dans un satellite est que toute nouvelle technologie utilisée
doit avoir fait la preuve de son aptitude à un vol spatial, c'est-à-dire
:
- à un long stockage au sol avec risque d'humidité (risque
de corrosion);
- à de fortes vibrations pendant le lancement (risque de casse);
- à une longue durée de vie en orbite (sans possibilité
de dépannage), sous vide (c'est-à-dire sans possibilité
de transmission de chaleur par convexion) et avec de très nombreuses
et diverses variations cycliques de température, liées à
la position du satellite par rapport au soleil et à la position
de l'équipement dans ou sur le satellite, ainsi qu'aux «arrêt-marche»
des équipements dissipatifs (c'est-à-dire avec des dilatations
thermiques déformant les pièces ou créant des contraintes
répétées susceptibles de causer des ruptures par fatigue).
D'autres considérations conditionnent les choix technologiques,
telles que le poids minimal, lié à la capacité limitée
du lanceur, l'absence de dégazage risquant de polluer les optiques
et d'intoxiquer les équipages, etc.
La caractérisation d'un matériau, ou du résultat
d'un procédé, est effectuée par des technologues avec
les moyens de mesure, d'analyse et d'essai du Laboratoire de Physico-chimie.
La vérification de l'aptitude au vol spatial d'une technologie fait
l'objet d'une qualification formelle, avec des pièces représentatives
de ses limites, soumises à des essais accélérés
représentatifs d'un vol, sous contrôle du Service Qualité.
Au début de l'activité spatiale il n'y avait pas de service
interne spécialisé en technologie. Le Bureau d'Études
et le Service Méthodes-Fabrication en assuraient la fonction. Un
Service à part entière a été créé
très tôt à la demande du CNES.
Ce Service a reçu pour mission :
- de proposer des matériaux et procédés selon les
besoins exprimés par les concepteurs;
- de caractériser chacun d'eux par une spécification de
définition;
- d'en établir les règles d'emploi (spécification
de conception);
- d'assister les services de fabrication pour la mise en place des moyens
de production associés (choix et installation des machines, instructions
de fabrication et formation du personnel);
- d'établir et de conduire les programmes aboutissant à
leur qualification;
- d'assister les services concernés en cas de difficulté
d'utilisation ultérieure.
Jusqu'en 1997, plus de huit cents spécifications technologiques
ont été rédigées. Il serait fastidieux de raconter
ici l'histoire de chacune. Seules les principales technologies sont évoquées
en indiquant les raisons de leur choix, de leur évolution, et éventuellement
de leur abandon. Les pièces mécaniques et les assemblages
électroniques sont considérés séparément.
Les pièces et assemblages mécaniques
Il s'agit des antennes, guides d'ondes, structures, coffrets d'électronique,
et de toutes les pièces réalisées par les ateliers
de mécanique, de galvanoplastie et de plasturgie.
Les principaux matériaux utilisés
La recherche du poids minimal a conduit au choix, pour les pièces
très ouvragées, d'un métal léger, facile à
usiner et peu coûteux tel que l'aluminium, ou plutôt un de
ses alliages à bonne tenue mécanique. Les pièces structurales,
généralement formées et de grandes dimensions, sont
conçues de préférence en matériau composite
en fibres (unidirectionnelles ou tissées) imprégnées
de résine thermodurcissable.
Mais des contraintes spécifiques ont imposé d'autres choix
:
- les pertes minimales d'énergie sont obtenues avec des métaux
à haute conductibilité électrique tels que l'argent
ou l'or (pour revêtements de surface);
- la régulation thermique «par conduction» est favorisée
par des métaux à haute conductibilité thermique tels
que l'argent ou ses alliages (pour cales thermiques);
- le besoin de grande stabilité dimensionnelle est satisfait
avec des matériaux à coefficient de dilatation thermique
quasi nul tels que l'Invar (Fe-Ni) ou un composite à base de fibres
de carbone;
- le brasage d'une céramique sur un support métallique
nécessite le choix de métaux à coefficients de dilatation
thermique adaptés tels que le Kovar (Fe-Ni-Co) pour l'alumine ou
le titane pour les ferrites;
- les petites pièces usinées au tour sont en bronze au
béryllium;
- les guides d'ondes souples sont réalisés en alliage
de cuivre, les blindages magnétiques en Mumétal (Ni-Cu-Co),
les pièces de visserie en acier inox ou en titane plus léger,
etc.
Les procédés de mise en forme des pièces métalliques
À l'origine les pièces métalliques étaient
usinées avec les moyens traditionnels de mécanique par fraisage
dans la masse (ex. : boîtiers), par tournage (ex. : sources coniques),
par mortaisage pour obtenir des angles vifs (ex. : filtres hyperfréquences),
par emboutissage ou matriçage ou extrusion (ex. : corps de guides
d'ondes), ou en tôlerie (ex. : cornets à ailettes en aluminium
repoussé pour Telecom 1).
Ces procédés ont évolué par la suite pour
des raisons techniques et économiques :
- le fraisage a été effectué par des machines à
commande numérique de plus en plus performantes en manipulation
des pièces, en vitesse et en précision d'usinage;
- l'amincissement local de parois, pour alléger les pièces,
a été obtenu sans déformation par une gravure chimique
moins brutale que le fraisage;
- le mortaisage a été remplacé par l'électroérosion
par enfoncement;
- l'emboutissage a été remplacé par la découpe
par électroérosion à fil ou par faisceau laser;
- le détourage de toutes sortes de matériaux est aussi
effectué par découpe au laser ou par découpe au jet
d'eau à très haute pression dans le cas des matériaux
mous (joints hyper).
Certaines pièces de forme complexe ne peuvent pas être
obtenues directement par ces procédés. La solution habituelle
est de les décomposer en pièces élémentaires
simples, usinables, qui sont ensuite assemblées par vis ou par brasage.
Ce n'est pas toujours possible car, pour certaines formes, il faudrait
un nombre infini d'éléments. Cependant, de telles pièces
ont pu être réalisées directement par moulage. Ainsi
les guides «Twist» (pour Eutelsat 2) ont été
obtenus en fonderie d'aluminium à cire perdue. Cette technologie
très économique a été étendue à
toutes sortes de guides et cornets.
Un autre procédé a été utilisé exceptionnellement
pour réaliser des pièces de forme interne complexe; c'est
la fabrication par électroformage.
Les traitements de surface et revêtements des pièces
L'amélioration de la conductibilité superficielle
des pièces, de leur brasabilité ou simplement de leur protection
contre la corrosion a nécessité dès l'origine la mise
en place de moyens spécifiques de traitements de surface par galvanoplastie.
L'argentage a été le traitement le plus utilisé
en hyperfréquences (conduction par «effet de peau»).
Déposé par voie électrolytique, il impose quelques
contraintes :
- une sous-couche de nickel (ou de cuivre) est nécessaire avec
des pièces en aluminium ou en métal ferreux. Son but est
de réduire la différence de potentiel de contact entre couches
voisines et de supprimer ainsi le risque de corrosion par couple galvanique
en présence d'humidité;
- le nickel, métal ferromagnétique, est à éviter
pour des raisons de compatibilité électromagnétique
dans les équipements sensibles au magnétisme, tels que le
magnétomètre embarqué à bord de la sonde Giotto;
- le dépôt électrolytique d'argent n'est pas naturellement
uniforme (comme le dépôt chimique du nickel). Il est plus
épais sur les parties saillantes des pièces par «effet
de pointe» et plus mince dans les creux, voire nul dans les parties
cachées. Ce défaut est en partie corrigé en adaptant
la forme de l'anode à celle de la pièce à revêtir.
Ce n'est pas toujours facile, le mieux étant de concevoir les pièces
«ouvertes»;
- enfin, l'argent finit par noircir après une longue exposition
à l'air. Il doit être passivé.
C'est pour éviter ce noircissement que le dorage de toutes les
pièces a été demandé pour la fourniture en
sous-traitance de soixante récepteurs pour le satellite TDRSS
en 1975-1976. Cette fabrication a reçu les félicitations
du client (TRW pour le compte de la NASA) pour le respect de la qualité
et des délais
Par la suite la dorure, très coûteuse, n'a plus été
utilisée que dans les cas spéciaux. Le noircissement de l'argenture
a été très atténué par l'amélioration
de la passivation de l'argent - chromatation chimique - et par le rappel
à tous les intervenants de l'obligation du port de gants. Aujourd'hui,
la dorure est redevenue le traitement le plus utilisé.
Pour les pièces métalliques ne jouant aucun rôle
électrique, un simple traitement de protection contre la corrosion
suffit, tel que l'oxydation anodique ou la chromatation chimique «Alodine»
pour l'aluminium.
Des petites pièces de forme interne très complexe ont
été réalisées par électroformage. Il
s'agit d'un dépôt électrolytique épais de cuivre
sur une cathode en aluminium, usinée selon la forme à obtenir.
L'aluminium est ensuite dissous dans la soude pour ne laisser que la pièce
en cuivre. Ce procédé convient surtout pour de petites pièces,
compte tenu de la densité élevée du cuivre, (minicornet
corrugué fonctionnant à 90 GHz pour un projet de sondeur
météo).
Enfin, les parties externes des équipements sont peintes. La
peinture joue un rôle de protection et de régulation thermique,
soit par absorption (peinture noire), soit par réflexion (peinture
blanche). Ces peintures doivent avoir des caractéristiques de tenue
aux rayons ultraviolets. Elles ont été qualifiées
sous contrôle du CNES, ainsi que leur mode d'application (sous-traitée).
Les procédés de métallisation des matériaux
non métalliques seront vus dans les paragraphes sur la plasturgie,
les couches minces et les couches épaisses.
Les assemblages de pièces mécaniques
Le mode d'assemblage le plus commode est assurément l'assemblage
par vis, mais avec deux inconvénients :
- le premier, d'ordre mécanique, est l'augmentation de masse
due aux collerettes et brides nécessaires ainsi qu'aux vis elles-mêmes;
- le second, d'ordre électronique, est lié aux discontinuités
locales de forme et de contact des surfaces assemblées, qui perturbent
la propagation des ondes hyperfréquences (surfaces non planes et/ou
désalignées dues aux tolérances d'usinage et de montage).
L'assemblage sans «fuite électrique» de pièces
en tôlerie mince d'aluminium a été réalisé
par rivetage et collage conducteur électrique pour les sources d'antennes
de Symphonie.
Dans le cas d'émission de forte puissance et avec des antennes
à la fois d'émission et de réception, la présence
de discontinuités dans les guides crée des IMP (en français,
Produits d'Intermodulations Passives ou PIMP), gênants pour la réception.
Ce défaut a été très atténué
par la création d'une architecture spéciale de brides à
lèvres, dites «anti-PIMP» (pour Eutelsat 2).
Le remplacement de la visserie par le soudage, lorsqu'il est possible,
supprime ces inconvénients. Le brasage au bain de sel de pièces
en alliage d'aluminium a été utilisé très tôt
(ex. : ajout de guides). Ce brasage délicat est effectué
avec une préforme d'aluminium à point de fusion proche de
celui des pièces, au voisinage de 600 °C. Il doit être
contrôlé au degré Celsius près car les pièces,
maintenues par pression, sont ramollies et peuvent se déformer.
Totalement recuites, elles doivent ensuite être durcies par traitement
thermique de revenu. Il existe aussi un risque de débordement (coulure)
de la préforme ou, à l'inverse, de manque de métal,
et dans ce cas un risque d'inclusion de sel dans le joint.
Pour réduire ces risques, le calibrage et le positionnement précis
de la préforme peuvent être obtenus à l'aide d'un colaminé
: tôle mince en aluminium à bas point de fusion, plaquée
sur une tôle en alliage d'aluminium classique. La préforme
est obtenue in situ par fraisage superficiel du colaminé.
Ainsi, des diviseurs de puissance d'Eutelsat 2 ont été
réalisés en deux parties :
- l'une est un monobloc d'alliage classique fraisé pour former
les trois côtés de tous les guides;
- l'autre est un colaminé plat, fraisé en surface (programme
d'usinage inverse), formant le quatrième côté. Ces
pièces sont argentées après brasage. Mais leur forme
complexe et «quasi fermée» rend difficile la régularité
de l'argenture.
Pour réduire l'effet des discontinuités dans les plans
d'assemblage, une autre solution a consisté à réaliser
ceux-ci sur la ligne à champ électrique nul des guides. Ainsi
le répartiteur du dernier modèle de vol d'Eutelsat 2
a-t-il été réalisé en deux demi-coquilles exactement
symétriques, faciles à usiner et à argenter, qu'il
a suffi d'assembler par vis.
Un autre type de brasage a également été pratiqué
en utilisant la soudabilité des revêtements d'or ou d'argent
des pièces en aluminium (ou autre). Ce procédé est
surtout utilisé pour des reports de petites pièces (ex. :
doigts dans des filtres, obturation d'ouvertures, etc.), mais avec quelques
contraintes :
- brasage à basse température (< 300 °C) pour ne
pas décoller le revêtement (cloques);
- compatibilité entre brasure et revêtements (en vieillissement,
risque de formation avec l'or de composés intermétalliques
fragiles dans le joint);
- absence de brillanteur organique dans le revêtement, se décomposant
à ces températures.
Une variante de ce procédé dit «brasage eutectique»
consiste à utiliser le revêtement lui-même comme brasure.
Ainsi, des pièces en tôle d'Invar revêtues de cuivre
et d'argent ont été brasées dans un four à
vide, avec pour brasure le cuivre-argent déposé (ex. : filtres
de multiplexeur de sortie).
Par ailleurs toutes sortes de collages souples, semi-rigides ou rigides
ont été mis au point pour assembler toutes sortes de pièces
avec des colles conductrices (électriques et/ou thermiques) ou isolantes,
ou avec des rubans adhésifs. Les colles et collages ont été
qualifiés en précisant la durée de vie des produits
et les compatibilités des matériaux. (ex. : collage de miroir
de calibrage sur une pièce en aluminium argenté avec une
colle semi-rigide).
Des assemblages démontables de pièces très légères
ont été réalisés à l'aide de bandes
Velcro dégrafables, collées sur les pièces (ex. :
fixation d'écran thermique).
Les procédés de plasturgie
Les pièces en composite sont obtenues à partir de
feuilles constituées de fibres (unidirectionnelles ou tissées)
imprégnées de résine prépolymérisée.
Ces feuilles sont découpées selon la pièce, puis drapées
en plusieurs couches sur un moule métallique usiné spécialement
selon la forme à obtenir (plate, parabolique ou autre). L'ensemble
est dégazé, puis polymérisé à chaud
et sous pression dans un autoclave.
Dans le cas de pièces trop grandes pour entrer dans l'autoclave,
la pièce et le moule sont enfermés dans une «chaussette»
dans laquelle on fait le vide; la pression exercée par la chaussette
est alors la pression atmosphérique.
Enfin, lorsque la précision l'exige, le moule doit être
sans retrait après retour à la température ambiante.
Pour cela, il est réalisé en Invar.
Certaines pièces, même en composite conducteur (fibre de
carbone), ont été demandées métallisées
:
- un réflecteur parabolique d'antenne de Symphonie a été
métallisé par simple collage d'une mince feuille d'aluminium;
- les filtres à cavités et les guides d'ondes pour Telecom
1 ont été réalisés comme suit : la métallisation
interne de la pièce est effectuée en premier lieu par un
dépôt électrolytique peu adhérent de cuivre
sur un noyau en acier inoxydable (représentant l'intérieur
de la pièce). Le cuivre est ensuite traité pour obtenir une
bonne adhérence du composite en fibres de carbone. Celles-ci sont
drapées sur le cuivre. L'ensemble est mis à polymériser
en autoclave. La pièce est ensuite décollée du noyau,
à basse température. Elle est terminée par un argentage
du cuivre des faces internes, puis par un étanchement de la résine
externe, sensible à l'humidité. Cette technologie dérive
d'une fabrication de cornets hexagonaux dorés pour une maquette
d'antenne destinée à Brazilsat réalisée
au cours de l'étude CUFA (Charge Utile Franco-Allemande).
La rigidification des grandes pièces, qui doivent rester légères,
est obtenue par une architecture spéciale, constituée par
assemblage de deux minces «peaux» en composite collées
sur une structure épaisse en nid d'abeille dite «NIDA».
Un réflecteur d'antenne du satellite Symphonie, et beaucoup
de suivants, ont été réalisés avec un NIDA-
aluminium collé entre deux peaux-fibres de carbone formées
et polymérisées sur un moule parabolique en Invar.
Toutes sortes de pièces fonctionnelles ou de structures ont été
réalisées avec des NIDA en matériaux conducteurs ou
isolants divers (alu, papier-Nomex, Kevlar
) et avec des peaux elles aussi
en matériaux divers (aluminium, fibres de carbone, fibres de verre,
Kevlar
).
Pour réduire le cycle de fabrication, ces pièces peuvent
être réalisées en deux opérations (voire une
seule) au lieu de trois, en effectuant simultanément la polymérisation
d'une peau (voire des deux peaux) en même temps que le collage du
NIDA.
Exemple d'évolution des filtres de multiplexeur de canaux
Les premiers filtres multipôles étaient constitués
de pièces en Invar, usinées dans la masse, ensuite argentées,
puis assemblées par vis. Ils étaient lourds (densité
de l'Invar > 8).
Or, la partie utile de ces filtres, du point de vue hyperfréquences,
est l'argenture (effet de peau). Le remplacement du support Invar par un
composite à fibres de carbone ne modifie pas ses caractérisques
mais permet son allègement. Le gain de poids pour les filtres 4
et 6 GHz de Telecom 1 a été d'un facteur 4. Toutefois,
le cycle de fabrication est long et coûteux.
Les filtres suivants ont été réalisés en
partant de pièces élémentaires (cylindres et disques
à iris) en tôle mince d'Invar, assemblées par brasage
au cuivre-argent dans un four à vide. Le gain de poids par rapport
à la solution initiale est encore appréciable (facteur 2
pour les filtres 12 et 14 GHz). Mais ce procédé délicat
n'autorise pas de retouche; si une seule cellule du filtre n'est pas conforme
c'est tout le filtre qui est mis au rebut.
Par la suite, des filtres ont été réalisés
à partir de cavités en Invar, taillées et amincies
par usinage, et de cloisons (avec iris) découpées dans de
la tôle mince d'Invar. Après argentage, ces pièces
sont assemblées par vis. Cette technologie, un peu plus lourde,
permet néanmoins d'obtenir un argentage plus régulier sur
des pièces plus simples et de réaliser des filtres adaptables
par simple substitution d'iris.
Évolution des technologies et architectures des antennes
Les antennes classiques comportent trois parties : une source dirigée
vers un réflecteur, un réflecteur dirigé vers la Terre,
et une structure qui les maintient en position. L'antenne du satellite
Symphonie
avait pour source un cornet en aluminium, et pour réflecteur une
coque épaisse parabolique constituée d'un NIDA-alu collé
entre deux peaux.
L'antenne en bande C pour le satellite Telecom 1 devait concentrer
son rayonnement sur une zone terrestre de forme allongée. Pour cela
son réflecteur était comme ci-dessus, mais sa source était
constituée de cinq hélices alimentées par un répartiteur
de puissance en guides.
Les antennes des satellites de télévision de grande puissance
de la famille TDF avaient une constitution similaire, mais la raison d'être
de la multisource (ici des cornets) était de contrôler l'illumination
du réflecteur avec un minimum de pertes plutôt que de former
un contour spécial.
Pour doubler le nombre de canaux, les antennes (bande Ku) des satellites
suivants, Eutelsat 2 et Telecom 2, étaient composées
d'un réflecteur bigrille et d'une multisource (à polarisations
croisées, avec des canaux entrelacés). Le réflecteur
comportait deux coques :
- la coque avant était en NIDA-Kevlar collé entre deux
peaux en Kevlar-cuivré-une-face. La face extérieure des peaux,
seule cuivrée, était ensuite gravée pour former une
grille (minces bandes de cuivre);
- la coque arrière était une parabole classique en NIDA-alu
et peaux-fibres de carbone;
- les deux coques étaient maintenues espacées par un raidisseur
périphérique lui aussi en NIDA et peaux similaires.
Le besoin de protéger du soleil la coque bigrille a nécessité
la création d'un écran thermique original. Celui-ci était
constitué d'un patchwork de feuilles de kapton traitées en
surface :
- la face interne, dirigée vers le réflecteur, comportait
des pastilles d'aluminium, destinées à renvoyer une grande
partie des rayons solaires reçus, tout en restant transparentes
aux ondes hertziennes;
- la face externe, exposée au soleil, était recouverte
d'une mince couche semi-conductrice de germanium dont le rôle était
d'écouler les charges électrostatiques accumulées
et d'éviter ainsi des claquages, générateurs de parasites
ou destructeurs.
Le répartiteur de la multisource de Telecom 2 (bande C)
n'a pas été réalisé en guides à éléments
séparés, mais en structure triplaque dite «bar-line»
:
- les conducteurs centraux étaient découpés dans
de la tôle de cuivre;
- ils étaient maintenus en place entre deux couches isolantes
de NIDA en papier Nomex;
- les plaques de masse extérieures étaient constituées
en NIDA-alu entre deux peaux-alu.
Le répartiteur du dernier modèle de vol d'Eutelsat
2 a été réalisé dans une architecture en
guide, plus compacte et plane. Il s'agissait de deux demi-coquilles symétriques,
fraisées dans l'aluminium, puis argentées et vissées
ensemble, intégrant tous les guides formant le répartiteur.
Le besoin de modifier à la demande la direction du pinceau rayonné
a été satisfait par solution mécanique (lente) ou
électronique (instantanée). L'antenne «spot mobile»,
en bande Ku, de Telecom 2 avait une source fixe et un réflecteur
orientable de ± 5° sur deux axes, commandé par un mécanisme
motorisé pouvant ainsi modifier le pinceau réfléchi
de ± 10° sur chaque axe. L'antenne de Turksat était
fixe, mais la source avait un rayonnement à contour configurable
(à deux positions) par commande électronique de déphaseurs.
Le rayonnement à contour configuré fixe de l'antenne Arabsat
a été obtenu d'une autre manière. La source est un
simple cornet corrugué, réputé pour sa bonne symétrie
de diagramme et sa grande pureté de polarisation. Par contre, le
réflecteur n'est plus parabolique, mais il est formé à
la demande, pour obtenir la configuration radioélectrique souhaitée.
Cela impose d'usiner un moule spécial pour chaque application, inutilisable
pour les suivantes.
D'autres améliorations ont été apportées
ou sont en étude :
- gain de poids de 20 % avec des coques et des raidisseurs amincis;
- gain de place sur le satellite avec double réflexion (antennes
«grégoriennes» globalement plus courtes);
- meilleur contrôle thermique et transmission de puissance supérieure
avec de nouvelles formes géométriques.
Les futures antennes orientables et reconfigurables électroniquement
auront une archirecture totalement différente. Elles seront plates,
de grandes dimensions et en composite isolant revêtu d'une grande
quantité de petits motifs métalliques rayonnants, alimentés
par de petits modules émetteurs-récepteurs déphasables,
d'où leur nom d'»antennes actives».
Les assemblages de composants électroniques
Compte tenu de la grande fiabilité demandée aux équipements
et de leur miniaturisation, leur câblage doit être effectué
dans une salle blanche. La première salle blanche industrielle (classe
100 000) a été ouverte en fin d'année 1968 à
Vélizy avec une vingtaine de câbleuses provenant des centres
de Bagneux et de Bezons. Les premiers équipements fabriqués
étaient destinés aux satellites de la série Diamant
et au satellite Eole pour le CNES. Ils ont été suivis
en 1969 d'équipements fabriqués en sous-traitance de Hughes
pour le satellite Intelsat IV.
Les codeurs et les décodeurs étaient réalisés
en deux technologies :
- l'une appelée MICAM aux États-Unis, MGM en France (modules
à grilles multiples);
- l'autre, cordwood ou circuit fagot.
Les modules à grilles multiples (MGM)
L'architecture MGM était la suivante :
- les composants électroniques étaient collés sur
une plaque d'aluminium jouant le rôle de support mécanique
et de drain thermique;
- les interconnexions étaient réalisées par des
grilles métalliques obtenues par gravure chimique de tôle
mince de nickel. Ces grilles étaient empilées et isolées
entre elles par des feuilles préimprégnées de résine.
La «galette» obtenue était mise sous pression et polymérisée
à chaud;
- les queues nickelées ou dorées des composants étaient
ensuite soudées électriquement sur les parties des grilles
apparaissant dans les fenêtres, à l'aide d'un poste de soudure
à électrodes opposées.
Les circuits fagots
Les circuits fagots, utilisés lorsque la dissipation thermique
était faible, étaient construits comme suit :
- les queues des composants étaient piquées entre deux
feuilles isolantes souples;
- leurs liaisons étaient réalisées à l'aide
de rubans de nickel posés sur les feuilles isolantes et soudés
électriquement sur les extrémités des queues des composants
comme ci-dessus;
- le tout était enrobé dans une mousse ne laissant dépasser
que les sorties utiles.
Les MGM et les circuits fagots étaient boulonnés sur une
structure servant de radiateur mère. Leurs sorties étaient
interconnectées par des rubans de nickel soudés électriquement.
Le tout était enrobé dans une mousse assurant une bonne tenue
mécanique de l'ensemble mais posant le difficile problème
des réparations (piochage en aveugle dans la mousse).
Le wrap-around
À l'époque, les soudures électriques (technologie
issue de la fabrication des tubes à vide) avaient une bien meilleure
réputation de fiabilité que les brasures à l'étain-plomb.
Mais à l'usage cette technologie a présenté plusieurs
inconvénients :
- la diversité des queues de composants imposait de fréquents
changements de réglage du poste de soudure électrique;
- la qualité des soudures électriques est très
sensible à la propreté des surfaces. Or, les composants à
usage spatial subissent de nombreux tests de fiabilité qui affectent
les surfaces;
- toute reprise de soudure, pour réparation ou modification,
était une opération à risques;
- enfin, certaines liaisons étaient impossibles à réaliser
par soudure électrique (câbles coax).
La généralisation de la soudure à l'étain-plomb
avec résine décapante était finalement préférable.
La première technologie totalement brasée a été
le «wrap-around», construit comme suit :
- les composants étaient interconnectés sur une structure
en tôle d'aluminium, dorée ou nickelée et équipée
de traversées isolantes;
- les extrémités des queues des composants et des fils
de connexion étaient crochetées autour des plots des traversées
sur lesquels elles étaient brasées;
- les composants lourds et/ou dissipatifs étaient collés
sur la tôle servant de support et de drain thermique.
La forme des «crochets» et celle des soudures étaient
définies par des consignes très strictes. Une autre exigence
de ce temps-là était un souci extrêmement pointilleux
de «traçabilité». Chaque composant devait être
numéroté et associé à une fiche mécanographique
retraçant son histoire. Le contrôle qualité vérifiait
non seulement la conformité de sa place et de son câblage
mais aussi celle de son numéro de série inscrit dans la documentation.
Cette contrainte, de peu d'intérêt pratique, fut abandonnée
par la suite.
Les circuits imprimés
Les premiers «circuits imprimés», d'emploi plus
aisé que les assemblages ci-dessus, ont été réalisés
en 1972 pour le satellite Symphonie. Il s'agissait de substrats
en verre époxy, métallisés double face, percés
de trous non métallisés destinés à recevoir
des composants piqués. Les pistes métalliques, obtenues par
gravure chimique des faces cuivrées, étaient revêtues
d'or, sauf sur les zones à braser où elles étaient
revêtues d'étain-plomb.
Les premiers circuits imprimés multicouches à trous métallisés
et revêtus uniquement d'étain-plomb ont été
mis au point avec le sous-traitant Systronic en 1976 pour Spacelab.
Il s'agissait d'un équipement pour vol habité (console de
visualisation avec clavier de commande).
Ces circuits comportaient trois à six couches conductrices en
cuivre et donc deux à cinq couches isolantes de verre époxy.
Ils étaient livrés équipés d'une plaque en
aluminium anodisée noire et ajourée par gravure chimique
(pour éviter les contacts avec les sorties des composants). Cette
plaque collée sur le circuit imprimé servait à la
fois de cadre-support et de drain thermique sur lequel les composants dissipatifs
étaient collés.
Le sertissage
Le procédé d'interconnexion filaire souple, réalisé
au fer à souder, imposait un fastidieux dédorage et étamage
des connecteurs avant brasage. Il a été remplacé en
1980 sur le satellite SPOT 1 par le «sertissage» de
fils multibrins sur les sorties appropriées des connecteurs.
Le miniwrapping
Sur le même satellite SPOT 1, le câblage des
fonds de panier a été conçu en «miniwrapping».
Ce câblage consiste à relier les sorties des connecteurs de
circuits imprimés numériques avec un fil de cuivre monobrin,
isolé, dénudé aux extrémités, puis enroulé,
à l'aide d'un pistolet spécial, en plusieurs tours serrés
et jointifs autour des sorties des connecteurs. La tenue de l'enroulement
(non brasé) est liée à la forme des sorties à
section carrée et à arêtes vives.
Les MIC à couches épaisses
Les liaisons hyperfréquences peuvent être miniaturisées
sous forme de «microstrip-line» ou «biplaque» avec
un ruban conducteur et un plan de masse espacés par un diélectrique
à haute constante. Cette architecture permet de réaliser
des circuits de qualité et de faible encombrement appelés
MIC (Microwave Integrated Circuits).
La fourniture des soixante émetteurs-récepteurs pour le
satellite TDRSS (1978-1980) comportait de tels circuits, constitués
comme suit :
- le diélectrique est un substrat d'alumine pure, polycristalline
(constante diélectrique = 10) poli et rectifié deux faces,
puis découpé à la scie diamantée;
- les métallisations sont des couches d'or obtenues par dépôt
sérigraphié (pochoir) de pâte d'or (encre) séchée
puis cuite dans un four à passage. Les deux faces de l'alumine sont
métallisées et cuites séparément. La métallisation
est totale sur la face du plan de masse. Sur l'autre face, les lignes conductrices
seules sont déposées (au travers d'un écran de sérigraphie
enduit d'une résine photosensible, localement dissoute après
insolation au travers d'un cliché, image des lignes, et développement);
- des résistances sont obtenues de la même manière,
par dépôt local et cuisson d'encres résistives. Ces
résistances sont ensuite protégées par dépôt
et cuisson similaires d'une encre diélectrique, puis ajustées
par sablage (remplacé par découpe au laser à partir
de 1986);
- la face masse dorée du substrat est ensuite brasée à
l'or-étain sur un cadre métallique argenté ou doré,
prévu pour être vissé sur la structure de l'équipement
(entre deux transistors);
- l'ensemble est éventuellement équipé de microcomposants
passifs (chips), montés en surface par brasage à l'étain-plomb,
non pas directement sur l'or incompatible, mais sur une surcouche sérigraphiée
de platine-or;
- les interconnexions sont réalisées par fil d'or thermocompressé
sur couche d'or ou par ruban d'argent brasé à l'étain-plomb
sur couche de platine-or.
Les isolateurs hyperfréquences entre étages sont réalisés
selon les mêmes principes mais avec des substrats de ferrite (à
haute perméabilité magnétique) sérigraphiés,
brasés sur cadre puis équipés d'un (ou deux) aimant(s)
collé(s) après réglage fonctionnel.
Remarques sur les appellations :
- l'épaisseur des dépôts sérigraphiés
est > 10 µm. Elle a donné le nom de couches épaisses
par opposition aux couches déposées sous vide < 10 µm,
dites couches minces;
- avec l'ajout de composants discrets on ne devrait plus considérer
un MIC comme un vrai circuit intégré (c'est-à-dire
monolithique), mais comme un circuit hybride (mi-intégré,
mi-discret). Néanmoins le nom MIC est resté et s'est curieusement
féminisé en une MIC (peut-être pour s'accorder
avec la couche épaisse ?).
L'intérêt du procédé de sérigraphie
est la rapidité d'exécution des dépôts, convenant
à une production de série, et la possibilité de déposer
divers types d'encres :
- soit métalliques pour réaliser des lignes hyperfréquences
ou des zones soudables;
- soit résistives pour intégrer pratiquement toutes les
résistances;
- soit diélectriques, pour intégrer des croisements de
conducteurs isolés, ou pour réaliser des petits condensateurs,
ou pour constituer une couche protectrice des résistances ajustées.
Par contre, il présente certaines limites :
- l'imprécision des bords de piste (liée au maillage de
l'écran de sérigraphie et à l'affaissement du dépôt
après cuisson) devient critique lorsque les pistes doivent être
fines (inférieures à 200 µm);
- le grand nombre d'écrans à fabriquer, de couches à
déposer (certaines deux fois), puis à cuire successivement,
pour satisfaire tous les besoins, en font un procédé à
cycle assez long pour des MIC.
Les MIC à couches minces
Le besoin de réaliser des pistes précises, jusqu'à
dix fois plus fines (de l'ordre de 20 µm) pour les fréquences
élevées, a pu être satisfait à partir de 1973
pour les satellites OTS, MAROTS et MARECS à
l'aide de MIC en couches minces sur saphir.
Le diélectrique est un monocristal d'alumine ultrapure. Les conducteurs
sont déposés sur la totalité des deux faces des substrats
par évaporation sous vide, avec une couche d'accrochage de chrome,
et au-dessus la couche conductrice d'or : Cr/Au.
Les pistes d'or de la face active sont obtenues par gravure chimique.
Le brasage du substrat sur support et les interconnexions par fil d'or
thermocompressé sont inchangés. Les rubans d'argent et les
composants rapportés sont aussi brasés mais à l'indium-plomb
(au lieu de l'étain-plomb incompatible).
En 1983, un autre type de couches minces est imposé par le sous-traitant
(Hughes) pour le satellite Intelsat VI. La métallisation
est en cuivre (conductrice) revêtu d'or (protection) avec une sous-couche
de chrome (d'accrochage), Cr/Cu/Au, sur alumine pure polycristalline (moins
coûteuse que le saphir). L'architecture est identique, mais avec
les nouveautés suivantes :
- le brasage des substrats sur support est effectué à
l'étain-argent (96,5 %);
- les brasages sur les couches métalliques sont effectués
avec de l'étain-plomb (62,5 %);
- la soudure des rubans d'or ou d'argent sur ces métallisations
est effectuée par soudure électrique à électrodes
parallèles dite «parallel-gap» - plus rapide que la
thermocompression nécessitant un (lent) préchauffage du substrat.
En 1984, un troisième type de couches minces comportant une couche
résistive est proposé et qualifié par l'ESA pour les
satellites européens TDF, TELE X et TV-Sat. Le substrat
est aussi en alumine polycristalline. Par contre, les métallisations
sont déposées par pulvérisation cathodique sous vide
contrôlé, avec une couche d'accrochage de tungstène-titane,
une couche résistive de nitrure de tantale, et au-dessus la couche
conductrice d'or : WTi/Ta2N/Au. L'architecture est la même que ci-dessus
mais avec les nouveautés suivantes :
- gravure chimique sélective des conducteurs d'or et des résistances;
- ajustage des résistances par oxydation thermique ou par oxydation
anodique;
- retour au brasage à l'or-étain du substrat sur cadre
support en Kovar argenté ou doré;
- retour au brasage à l'indium-plomb des chips sur le substrat
mais conservation de la soudure parallel-gap très commode des rubans.
Deux écoles de technologie de brasage sur l'or des lignes hyperfréquences
s'opposent : pour Hughes et les Américains en général,
les soudures à l'indium-plomb recommandées par l'ESA ne sont
pas fiables; pour l'ESA, les soudures à l'étain-plomb recommandées
par Hughes présentent des risques de formation de composés
intermétalliques fragiles.
Une étude approfondie du Service Technologie montre la viabilité
des deux technologies :
- les brasures à l'indium-plomb sur l'or des couches WTi/Ta2N/Au
ne manifestent aucune détérioration tant qu'elles restent
à des températures inférieures à 85 °C
(ce qui est le cas général des équipements des charges
utiles);
- les brasures à l'étain-plomb sur les couches minces
Cr/Cu/Au dissolvent la couche d'or et s'accrochent sur la sous-couche de
cuivre sur laquelle elles sont très fiables.
Finalement, la caractéristique qui fait la différence
est l'absence de sous-couche résistive des métallisations
Cr/Cu/Au qui seront abandonnées par la suite.
À l'origine les substrats à couches minces étaient
achetés métallisés. Une machine de pulvérisation
cathodique a été installée et qualifiée pour
la production interne de couche WTi/Ta2N/Au en 1990 sur l'alumine, puis
en 1995 sur les ferrites.
Les circuits hybrides à couches épaisses
La recherche de miniaturisation a conduit à l'emploi de semi-conducteurs
(diodes, transistors et circuits intégrés) sous forme de
puces nues (c'est-à-dire sans boîtier) reportées et
câblées directement sur des circuits à couches épaisses.
L'adjonction de ces puces et de composants non sérigraphiables sous
forme de chips permettait de réaliser une grande diversité
de microcircuits. Cette technologie dite Hybrides à couches épaisses
à été qualifiée par Eutelsat en 1989, puis
par l'ESA en 1990.
Elle a nécessité l'acquisition du savoir-faire :
- de la sérigraphie multicouche avec plusieurs niveaux de croisements
de conducteurs;
- du collage conducteur ou isolant des puces et autres chips sur le
substrat;
- des liaisons puce/substrat par fil d'aluminium de 25 µm soudé
par ultrasons (ultrasonic-bonding);
- du collage du substrat, ainsi équipé, dans un boîtier
hermétique en Kovar doré avec des traversées par perles
de verre;
- des liaisons boîtier/substrat par fil d'or de 38 µm thermocompressé
(ball-bonding);
- de la fermeture électrique du boîtier «à
la molette» sous atmosphère neutre;
- et du marquage des couvercles des boîtiers par faisceau laser.
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Certification accordée par l'ESA pour la fabrication de
microcircuits hybrides à couches épaisses
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Les consignes de propreté imposaient que toutes ces opérations
(sauf le marquage) soient faites sous hottes à flux laminaire (classe
100) placées dans une salle blanche de qualité (classe 10
000) dix fois supérieure à celle du câblage traditionnel
(classe 100 000).
Les premiers circuits hybrides qualifiés ont été
des régulateurs de tension pour Eutelsat 2. La désignation
«hybrides» est désormais attachée aux circuits
actifs à puces nues.
Par la suite (années 1993-1997), plusieurs variantes de cette
technologie ont été développées, soit pour
assembler le plus possible de composants dans un même boîtier
de forme quelconque, soit pour supprimer les fils de câblage des
puces, soit pour supprimer le boîtier.
Le MCM (multichip module) est une variante de macrohybride à
couches épaisses pour basses fréquences. Le substrat est
un multicouche de feuilles d'alumine percées avant cuisson, sérigraphiées
«à cru», puis cocuites (ou cofrittées). Cette
architecture permet :
- de réaliser un grand nombre de liaisons sur plusieurs niveaux
avec un bon isolement;
- de recevoir par brasage un mur en Kovar sur lequel sera soudé
un couvercle à l'aide d'un faisceau laser perpendiculaire au couvercle.
Cela autorise des formes non parallélépipédiques de
boîtiers et la suppression des perles de verre.
La fabrication de tels substrats, cuits dans des fours spéciaux
à très haute température, a été sous-traitée
pour une application dans le satellite technologique Stentor.
La suppression des fils de câblage entre puces et substrat peut
être obtenue avec des puces «flip-chip». Il s'agit de
puces dont les plages métallisées des sorties sont épaissies
et revêtues d'une métallisation brasable. Ces minibossages
permettent de souder les sorties de la puce directement sur les métallisations
d'un substrat. Les avantages de cette solution sont un gain de temps de
câblage et des liaisons puce/substrat très courtes. L'inconvénient
est l'impossibilité du contrôle visuel des brasures et de
la face active de la puce, cachées par la puce retournée.
La fabrication de ces circuits est une spécialité d'IBM sous
l'appellation C4 (Controlled Collaps Chip Connection) à ce jour
en voie de qualification spatiale.
Le besoin de mémoires de masse nécessite un grand nombre
de circuits intégrés. Leur câblage dans le plan conduit
à des macrosubstrats disproportionnés. Une architecture en
volume avec superposition de substrats plus petits peut résoudre
ce problème. Une telle architecture a été réalisée
de la manière suivante :
- des substrats équipés de puces sont empilés,
puis moulés dans une résine;
- le parallélipipède obtenu est meulé sur toutes
les faces pour faire apparaître les métallisations de sorties
sur les tranches des substrats;
- l'ensemble est métallisé (or) sur toutes ses faces;
- les connexions entre substrats sont réalisées par gravure
laser des faces métallisées;
- les sorties du module sont rapportées, soit avant moulage,
soit après.
Cette technologie, appelée 3D (trois dimensions), en étude,
autorise une très grande densité de circuits intégrés.
Elle constitue une modernisation de l'architecture des premiers microcircuits
hybrides appelés «micromodules» (pour équipements
militaires portatifs 1960-1965).
Les hybrides à couches minces
L'autre intérêt des puces nues est la possibilité
de faire fonctionner les circuits au-delà de leur fréquence
maximale habituelle du fait de la disparition des éléments
parasites induits par les boîtiers individuels. Cette propriété
concerne en premier lieu les circuits hyperfréquences.
Les amplificateurs de canaux (C.AMP) pour Eutelsat 2 ont été
les premiers circuits réalisés en technologie Hybrides HF
sur couches minces permettant un important gain de poids et un moindre
coût de fabrication. Alcatel Espace a été la première
a obtenir la qualification spatiale ESA pour ce type de technologie.
Les nouveautés apportées par rapport aux couches minces
antérieures étaient les suivantes :
- perçage des substrats et gravure de haute précision;
- câblage des puces de transistors AsGa par thermocompression
de fil d'or de 17,5 µm (stitch-bonding);
- utilisation de puces «beam lead», munies de sorties en
microrubans d'or;
- emploi de nouvelles colles isolantes et conductrices en film;
- collage d'absorbant RF dans le boîtier.
Par la suite cette technologie a évolué comme suit :
- l'emploi de circuits intégrés hyperfréquences
ou MMIC (Monolithic Microwave Integrated Circuits) a permis de réaliser
des circuits plus complexes dans des boîtiers plus petits (satellite
AMOS
qualifié par l'ESA);
- les puces MMIC de puissance telles que les SSPA (Solid State Power
Amplifiers) ont nécessité le remplacement de leur collage
conducteur sur l'alumine par un brasage pour réduire la résistance
thermique du joint. Ce brasage à l'or-étain est effectué
par gaz neutre (satellite NILESAT qualifié par l'ESA).
Les cicuits à composants montés en surface (CMS)
En 1986 la complexité des équipements à nombre
croissant de composants discrets et de circuits intégrés
a posé le problème de l'évolution du câblage
: soit des hybrides vers les macrohybrides à boîtiers légers,
soit des circuits imprimés à composants piqués vers
les circuits imprimés à composants montés en surface
(CMS) sans queues de sorties.
Certes, les macrohybrides autorisaient la miniaturisation la plus poussée
et des caractéristiques thermiques et RF supérieures, mais
au prix d'un boîtier hermétique lourd et cher.
Par contre le montage en surface sur circuit imprimé offrait
un câblage automatique plus aisé, des réparations plus
faciles, la possibilité d'emploi de tous les composants classiques
piqués, non disponibles en technologie CMS, et ce sans boîtier
hermétique global. Cette technologie adaptée aux petites
séries a été préférée pour les
circuits BF et FI.
Le principal problème à résoudre était la
tenue des brasures (rigides) aux cycles thermiques, ou plus exactement
leur tenue à la fatigue liée à la dilatation inégale
des chips et du substrat.
Le choix du substrat ne pouvait résulter que d'un compromis :
- le traditionnel verre-époxy a été remplacé
par du verre-polyimide plus stable, utilisable jusqu'à 1 GHz et
à coefficient de dilatation thermique plus proche de celui des CMS;
- sa médiocre conductibilité thermique à été
améliorée en intégrant un drain thermique sous forme
de couche interne de cuivre plus épaisse que la normale.
- les possibilités d'interconnexions ont été accrues
par l'emploi de pistes deux fois moins larges et par une technique de réalisation
dite séquentielle. Le circuit imprimé final résulte
de la fabrication de circuits imprimés multicouches classiques,
peu épais, puis de leur assemblage comme pour un multicouche classique
mais avec possibilité de laisser des trous métallisés
partiellement ou totalement enterrés (non-débouchants).
Avec de tels substrats, la tenue aux cycles thermiques a imposé
une taille maximale de 5 mm aux CMS en céramique, directement soudés
à plat. Cette taille est suffisante pour couvrir la majorité
des besoins en composants discrets. Par contre, l'emploi des circuits intégrés
de l'époque, sous forme de chip-carriers en céramique supérieurs
à 5 mm, a nécessité l'ajout de colonnettes métalliques
sur leurs métallisations pour absorber les dilatations différentielles
composants/substrat (à la manière des sorties filaires des
composants piqués).
Le câblage du circuit imprimé était effectué
sur une machine d'aide à la pose des composants qui distribuait
des gouttes de colle de maintien et des gouttes de pâte à
braser, et qui permettait de visualiser la pose correcte du bon composant
au bon endroit, selon un programme préétabli. Le brasage
définitif des CMS par fusion de la pâte à braser était
réalisé collectivement en immergeant le circuit imprimé
dans la phase vapeur d'un liquide porté à ébullition.
Le premier équipement utilisant des CMS a été monté
sur le satellite d'observation-radar de la Terre ERS 1. La Compagnie
a été la première à obtenir la qualification
ESA pour le montage de surface.
Plusieurs améliorations et extensions ont été apportées
par la suite :
- remplacement des chip-carriers à colonnettes par des «flat-packs»
à sorties plates, formées pour réaliser des boucles
de relaxation (pas de 1,27 mm);
- emploi de grands chip-carriers ayant des sorties préformées
en J ou en L;
- emploi de très grands chip-carriers «fine pitches»
jusqu'à 250 sorties au pas de 0,6 ou 0,5 mm (satellites World
Star et Global Star);
- remplacement de la machine d'aide à la pose des CMS par une
machine totalement robotisée de pose de colle, de crème à
braser et de chips, pilotée à partir des données de
la conception assistée par ordinateur du circuit (CAO);
- remplacement du circuit imprimé verre-polyimide par d'autres
matériaux tels que le quartz polyimide, le TMM 10 ou le Téflon
à coefficient de dilatation thermique plus proche de celui des chips
et/ou pouvant fonctionner en hyperfréquences.
Évolution technologique des amplificateurs de canaux (C.AMP)
Le premier C.AMP en hybrides (Eutelsat) comportait, dans
une structure en aluminium, un hybride RF (16 transistors AsGa et 2 diodes
en puces) et un circuit imprimé classique sur lequel étaient
montés deux hybrides BF 5 (TM-TC et régulateur) et des composants
classiques.
La deuxième version (AMOS) comportait un circuit imprimé
verre-polyimide sur lequel étaient brasés des composants
montés en surface ainsi que 6 petits hybrides RF (comportant au
total 10 MMIC AsGa) et 3 hybrides BF (linéariseur, TM-TC et régulateur).
Le poids et le prix ont été divisés par deux.
La troisième version en étude comporte un substrat multicouche
céramique cocuit MCM collé sur une structure en aluminium
doré. Une face reçoit un hybride RF (10 MMIC) entre deux
isolateurs et un hybride BF (contenant des chips, des circuits intégrés
en puces dont un grand ASIC). L'autre face reçoit des CMS et une
PROM. Le poids et le prix ont encore été divisés par
deux.
Conclusion
À l'évidence, les premiers choix technologiques étaient
guidés par le souci de la meilleure assurance qualité possible
et de la meilleure performance technique possible. Les choix ultérieurs
ont aussi pris en compte le besoin de raccourcissement des cycles de fabrication
et de réduction des coûts. L'histoire des technologies est
également celle des architectures et des composants électroniques,
toute innovation dans une technique entraînant de nouvelles possibilités
dans les autres.
Tous les travaux technologiques n'ont pas été évoqués
ci-dessus. Trois méritent d'être cités :
- l'étude des alimentations des tubes à ondes progressives
et des circuits à haute tension (EPC);
- l'évolution des moyens du Laboratoire de Physico- chimie en
particulier en observation : microscopie optique, radio X, puis microscopie
électronique à balayage avec microanalyse X, puis microscopie
acoustique (détection des délaminages dans les composites);
- le changement des produits et des moyens de nettoyage des pièces
et circuits, suite à l'interdiction d'emploi des produits fluorocarbonés,
responsables de la dégradation de l'ozone des hautes couches de
l'atmosphère.
Une fois effectué les vérifications de validité
des principes, les phases de qualification formelles des technologies n'ont
pas présenté de difficultés techniques majeures. Le
seul point délicat à gérer était le décalage
dans le temps entre le développement des équipements et les
programmes d'étude et qualification des matériaux et procédés
(comportant des essais accélérés encore longs). Ce
décalage avait plusieurs causes : expression tardive des besoins
des concepteurs, indisponibilité chronique des moyens de fabrication
saturés (ce qui est plutôt un signe de bonne santé
!), découverte tardive de configurations nouvelles, non qualifiées,
dans les dossiers (l'imagination des concepteurs est inépuisable
!).
Par contre, les incidents de fabrication prenaient instantanément
des allures de «catastrophes nationales». Le plus souvent il
s'agissait de panne brutale de machine ou d'oubli de respect de consigne
rapidement détecté et corrigé. Mais certaines non-conformités
aléatoires ou certaines dérives erratiques se présentaient
parfois comme de véritables énigmes.
Tous ces défis passionnels, à traiter dans l'urgence,
ont été relevés. Pas une seule de ces énigmes
n'est restée sans explication de cause
et, par suite, sans solution
de correction.
Jusqu'à ce jour, les très rares pannes d'équipements
survenues en vol n'ont jamais interrompu une mission avant son terme prévu,
du fait de la redondance à bord. Mieux même, un transpondeur
pour le satellite Cluster tombé dans l'océan, lors
du lancement avorté de la première fusée Ariane
5, a été repêché et testé après
dessalage. Bien qu'un peu cabossé, il a été vérifié
en bon état de fonctionnement, ce qui, pour les uns, a été
la confirmation de l'excellente qualité des techniques utilisées
et, pour d'autres, a laissé entrevoir une possible «surqualité»
des équipements, et par suite de potentielles réductions
de coûts
!
Quel que soit le point de vue auquel on se place, ce fut un honneur
d'avoir participé à l'activité spatiale. Selon une
observation déjà entendue mais dont on ne se lasse pas, comment
oublier que des masses d'informations sont reçues par des quantités
de gens, notamment grâce à des fils et des métallisations
de quelques microns placés à 36 000 kilomètres au-dessus
de nos têtes ? ! |