6 - Les programmes de satellites
6.1 - Les satellites scientifiques
Le
programme Eole a pour but l'étude et la
distribution des vents à haute altitude autour
du globe au moyen d'un satellite à défilement,
localisant des ballons dérivant au gré des
vents. Les ballons doivent évoluer à plafond
constant et transmettent au satellite les informations
de température et de pression.
Ce dernier interroge périodiquement chaque ballon, le localise
et enregistre les informations reçues afin de les retransmettre
au sol au moment du passage à portée de la station terrienne.
Deux services techniques participent à ce programme : le service
dirigé par Willy Martini à CSF-Corbeville et le service dirigé
par Roland Gosmand à Thomson-Gennevilliers.
Après une certaine concurrence sur les premiers marchés
d'étude concernant le programme Eole, chacun de ces services
obtient finalement une part de la réalisation du satellite.
Suite à l'appel d'offres n° 2020 du CNES, ce numéro
ayant été longtemps utilisé pour définir l'ensemble
de cette prestation, Willy Martini est chargé de réaliser,
comme sous-traitant de LCT (Laboratoire Central de Télécommunications),
les équipements d'émission et de réception en UHF
faisant partie du sous-système d'interrogation et de localisation
des ballons.
Ce sous-système a une triple mission :
- interrogation individuelle de chaque ballon (envoi d'un ordre de réponse
comprenant l'adresse du ballon) ;
- localisation du ballon interrogé, sa direction étant
définie par l'angle des directions du vecteur vitesse du satellite
et de l'axe satellite, et cet angle étant déterminé
par une mesure de l'effet Doppler sur la porteuse. La distance satellite-ballon
est fournie par une mesure de phase sur deux sous-porteuses à basse
fréquence ;
- décodage des informations aéronomiques fournies par
le ballon interrogé.
Les équipements UHF étudiés par l'équipe
de Willy Martini comprennent un émetteur à 464 MHz et un
récepteur à 401 MHz à détection cohérente.
Trois modèles de vol sont livrés à LCT.
L'équipe de Roland Gosmand obtient la maîtrise d'oeuvre
du sous-système télémesure-télécommande
du satellite, qui comprend :
- un récepteur de télécommande ;
- un duplexeur de couplage antenne émetteur-récepteur
;
- un émetteur de télémesure ;
- un codeur de télémesure ;
- un décodeur de télécommande ;
- un convertisseur d'alimentation.
Le
codeur de télémesure et le décodeur
de télécommande sont fournis par la société
Intertechnique et intégrés au sous-système
par Thomson.
L'émetteur et le récepteur fonctionnent dans la bande
VHF réservée à ces services, respectivement à
136 et 150 MHz.
Les deux équipes étant rassemblées à Vélizy
après la fusion de Thomson et de CSF, c'est dans ce nouveau centre
que se déroule la fabrication des modèles de vol.
Depuis les débuts de l'activité spatiale, qui a commencé
par les programmes Diamant, les services du client, le CNES, ont
élaboré progressivement une politique de qualité avec
des normes de plus en plus précises et contraignantes. Il reste
aux industriels à faire l'apprentissage de l'application de ces
normes.
Pour Thomson-CSF, le programme Eole en est l'occasion. Mais au
début, tout est loin d'être parfait. Francis Violet, responsable
de la fabrication spatiale à Vélizy, et Marcel Putz, responsable
de la qualité à cette époque, n'ont encore que peu
de moyens et de personnel convenablement formé pour ce genre de
travail.
Quelques échantillons technologiques de soudures et de bobinages
sont refusés par le CNES, et leur mise en conformité s'avère
longue et difficile. Les esprits s'échauffent de part et d'autre
jusqu'au point de déclencher, à la fin de 1969, une intervention
du Directeur Général du CNES auprès du Directeur Général
de Thomson-CSF.
Il y a lieu, à ce point, de préciser que, simultanément
à ce problème, un sérieux litige oppose le CNES et
les industriels du CIFAS, dont fait partie Thomson-CSF, dans la négociation
des prix du programme Symphonie, d'une part, et, d'autre part, des
difficultés de mise au point retardent la livraison au CNES des
récepteurs de télécommande de destruction qui font
partie du dispositif de sécurité de la base de lancement
de la fusée Europa II en Guyane (programme baptisé
RTG).
Finalement, après de louables efforts, tout rentre dans l'ordre.
Tous les matériels sont livrés et recettés. Et après
le lancement du satellite, le 16 août 1971, le programme est un succès.
Certaines mauvaises langues insistent même sur le fait que les
matériels de Thomson-CSF ont correctement fonctionné dans
toutes les conditions et transmis fidèlement tous les ordres, même
le jour où un ordre erroné d'autodestruction, transmis par
un opérateur, a abouti à la destruction de quelques dizaines
de ballons. Il y a lieu de rappeler que l'autodestruction des ballons est
normalement prévue lorsqu'ils s'approchent dangereusement des couloirs
réservés à la circulation des avions.
Il est nécessaire de signaler que l'équipe de Willy Martini
a également obtenu un marché d'étude et de réalisation
de prototypes d'un émetteur à 401 MHz et d'un récepteur
à 464 MHz à détection cohérente destinés
à être embarqués dans les nacelles des ballons.
Les ballons risquant d'évoluer dans le domaine de vol des lignes
aériennes, la technologie de réalisation doit répondre
à un ensemble de normes de «sécurité aérienne»
destinées à assurer la sécurité des aéronefs
en cas d'impact. Ces contraintes nouvelles et exceptionnelles posent un
certain nombre de problèmes.
Néanmoins, les prototypes sont livrés dans des conditions
satisfaisantes. Mais, finalement, le marché de fabrication en série
est gagné par une société concurrente. |