6 - Les programmes de satellites
6.2 - Les satellites de télécommunication
L'activité
commerciale visant un programme de satellites de télécommunications
couvrant les pays membres de la Ligue arabe commence à Thomson-CSF
au début de l'année 1974. Hughes Aircraft, sous l'impulsion
de Paul Visher, mène alors une action auprès de certains
pays arabes pour promouvoir l'idée d'un tel système.
À cette époque, la Division Internationale de Thomson-CSF,
dirigée par Gérald Cauvin, possède de très
bons contacts dans plusieurs de ces pays, ce qui incite Hughes, alors en
très bonnes relations avec Thomson-CSF, à rechercher son
soutien dans son action commerciale.
La contrepartie doit être, bien entendu, une participation de
Thomson-CSF à un éventuel programme de réalisation.
Au cours des années 1974 à 1976, les réunions et
les actions commerciales se succèdent. La Direction du Département
DSP participe à certaines d'entre elles.
En 1977, une coopération tripartite voit le jour entre Hughes,
Thomson-CSF et NEC (Nippon Electric Company), ce dernier étant particulièrement
intéressé par les stations terriennes.
Au début de 1978, un accord est mis sur pied entre les trois
compagnies, qui stipule que les satellites seront fournis par Hughes, Thomson-CSF
et NEC se partageant la fourniture des stations terriennes. Cet accord
est valable uniquement dans le cas d'un seul appel d'offres groupant les
satellites et les stations. Une clause prévoit que Hughes s'efforcera
de sous-traiter des équipements des satellites à Thomson-CSF
et à NEC.
Au cours de cette année, les événements s'accélèrent
du côté de l'organisme client. L'organisation intergouvernementale
Arabsat lance un appel d'offres pour des services de consultant pour la
définition du système. C'est la société semi-gouvernementale
américaine Comsat qui obtient le marché au début de
mars 1978.
Les deux fournisseurs français de satellites Aérospatiale
et MATRA sont, bien entendu, très intéressés par le
programme Arabsat. À la même époque, ils se
préparent tous deux à la compétition pour le satellite
français Telecom 1 où Thomson-CSF est le seul fournisseur
possible pour la charge utile. Tous deux sollicitent donc Thomson-CSF pour
la fourniture de la charge utile d'Arabsat, qui doit comporter des
répéteurs en bande C pour les télécommunications
et un répéteur en bande S pour la diffusion de télévision.
Sollicité par trois maîtres d'oeuvre potentiels, Thomson-CSF
doit faire un choix. Il apparaît assez rapidement que seul le satellite
fera l'objet de l'appel d'offres de l'organisation Arabsat, les stations
terriennes devant être achetées individuellement par les différents
pays sur la base des spécifications établies par Comsat.
L'éventualité d'une telle configuration change considérablement
les données du problème en ce qui concerne les chances du
Département DSP de participer d'une manière substantielle
à la réalisation des satellites.
D'un côté, Hughes doit seulement «s'efforcer»
de sous-traiter quelques équipements du satellite, de l'autre les
deux maîtres d'oeuvre français potentiels doivent confier à
DSP la maîtrise d'oeuvre de la charge utile.
De plus, dans le sillage de Telecom 1, on peut s'attendre à
un très fort soutien «politique» des autorités
françaises si une solution entièrement française est
proposée.
Thomson-CSF décide donc de s'orienter vers une participation
à une offre, soit de MATRA, soit d'Aérospatiale. Ces deux
sociétés, qui s'affrontaient déjà pour Telecom
1, sont également prêtes à «en découdre»
pour Arabsat, et le choix à effectuer par Thomson-CSF s'avère
particulièrement délicat.
La Direction de DSP et celle de sa Division mère DFH se trouvent
en première ligne pour prendre la décision.
Au début de l'été 1979, une profonde analyse des
situations technique et commerciale fait pencher la balance en direction
d'Aérospatiale qui semble la mieux placée pour gagner l'affaire,
et la coopération avec cette société s'intensifie.
Le choix du maître d'oeuvre de Telecom 1 en faveur de MATRA
est annoncé le 21 septembre 1979.
C'est alors que la DAII (Direction des Affaires Industrielles et Internationales),
qui fait partie de la DGT (Direction Générale des Télécommunications)
de l'administration des Postes et Télécommunications, fait
savoir à Thomson-CSF qu'elle n'admet pas que, dans le programme
Arabsat,
Thomson-CSF s'associe à un maître d'oeuvre autre que celui
qui a été choisi pour Telecom 1. Une telle pression
de la part d'un très important client ne peut être qu'irrésistible,
et DSP doit mettre fin à sa coopération avec Aérospatiale
et s'associer à MATRA.
La «raison d'État» a anéanti les résultats
d'une étude technico-commerciale particulièrement sérieuse.
La proposition de DSP pour la charge utile d'Arabsat est remise
à MATRA le 7 décembre 1979 et c'est en mai 1981, après
un temps d'évaluation particulièrement long, que l'organisation
Arabsat annonce l'attribution du contrat à Aérospatiale,
qui a confié à l'américain Ford Aerospace la réalisation
de la charge utile.
La Direction de DSP, très désappointée d'avoir
subi la «raison d'État» qui lui a fait perdre un marché
qu'elle aurait dû gagner, aura, par la suite, quelques motifs de
consolation:
- le gain d'Arabsat aurait considérablement aggravé
les problèmes de surcharge industrielle provoqués par l'arrivée
d'importants programmes (Telecom 1, SPOT, TDF 1) et le transfert
à Toulouse;
- l'affaire Arabsat s'avère finalement désastreuse
pour Aérospatiale sur le plan financier, en raison de nombreux contentieux
qui n'auraient certainement pas épargné Thomson-CSF si elle
avait participé à l'affaire.
Après de nombreuses péripéties, l'Aérospatiale
livre, le 29 novembre 1984, son premier modèle de vol qui est lancé
par Ariane le 8 février 1985. Le second est mis en orbite
par la navette américaine le 17 juin 1985. |