6 - Les programmes de satellites
6.2 - Les satellites de télécommunication
Les premières idées
L'idée d'assurer la diffusion de programmes de télévision
par satellites naît au début des années soixante. Ses
perspectives de mise en oeuvre sont alors limitées par la capacité
des lanceurs disponibles.
Les puissances d'alimentation électrique nécessaires à
bord des satellites entraînent pour ces derniers des masses très
supérieures aux capacités d'emport des lanceurs de l'époque.
À CSF, dès 1963, Guy Plottin propose de tourner la difficulté
en mettant en orbite un réflecteur passif formé d'un cataphote
en forme de trièdre trirectangle, reportant ainsi le problème
de la puissance d'émission vers un émetteur placé
au sol. En 1966, à titre de contribution aux études organisées
par le groupement d'industriels européens Eurospace, il propose
une version améliorée du cataphote qui revêt, cette
fois, une forme bisphérique. Ce cataphote est constitué de
deux calottes sphériques concentriques, le diamètre de la
calotte extérieure (20 mètres) étant supérieur
à celui de la calotte intérieure (4,50 mètres).
L'ensemble peut être réalisé au moyen de structures
lenticulaires gonflables ayant chacune une surface transparente et une
surface réfléchissante.
Après deux réflexions sur la face concave du grand miroir,
séparées par une réflexion sur la face convexe du
petit miroir, le rayon émergent est parallèle au rayon incident
quand le petit réflecteur est placé dans le plan focal du
grand.
Un tel système peut assurer la diffusion d'un assez grand nombre
de programmes sur une ou plusieurs zones, le centre de chaque zone desservie
étant défini par la position de l'émetteur au sol
qui lui est affecté.
Étant donné la puissance importante nécessaire
pour l'émission à partir du sol, la diffusion peut difficilement
toucher des récepteurs du type grand public. Il est envisagé
d'assurer seulement la distribution ou la diffusion dite communautaire
à destination de petites stations de réception collectives
alimentant des réémetteurs locaux.
L'organisation Eurospace, mise en place par les industriels pour assurer
la promotion des activités spatiales, est très active, durant
la seconde moitié des années soixante, pour étudier
les possibilités des satellites dans le domaine de la diffusion
de programmes de télévision.
Thomson, CSF, puis Thomson-CSF participent à un groupe de travail
affecté à ces études. Pendant plusieurs années,
Jacques Chaumeron, de Thomson, en sera le Président.
Dans l'optique d'un lancement par le lanceur européen Europa
II ou par d'éventuelles versions améliorées, le
groupe passe en revue les possibilités techniques et économiques
de systèmes de diffusion communautaire pouvant être suivis,
au fur et à mesure des progrès techniques, de systèmes
de diffusion vers des récepteurs individuels.
En 1967, un premier rapport, consacré à la fois aux télécommunications
et à la télévision par satellites dans le cadre européen,
passe en revue diverses solutions allant de satellites d'une masse en orbite
de 150 à 200 kilos, lancés par Europa II et équipés
chacun de deux répéteurs pouvant assurer une diffusion communautaire,
jusqu'à des satellites de 400 kilos, mis en orbite par un futur
lanceur que l'on espère devoir être disponible vers 1973-74,
et capables d'assurer, en modulation de fréquence, une diffusion
vers des récepteurs individuels d'un prix raisonnable.
Les études d'Eurospace dans le domaine se poursuivent pendant
les années soixante-dix, tenant compte, progressivement, des progrès
réalisés ou prévisibles dans l'ensemble des techniques
spatiales. Henri Brun sera le principal participant délégué
par Thomson-CSF au cours de ces années.
Les premiers contrats d'études
Dans le courant des années soixante-dix, le CNES et l'ESRO,
puis l'ESA, font effectuer par l'industrie des études de faisabilité
de systèmes de diffusion de télévision par satellites.
Au début de 1972, un bureau de programme pour les télécommunications
est créé à l'ESTEC, centre technique de l'ESRO.
Dès le mois de mai 1972, le Service Systèmes du Département
ESA de Thomson-CSF obtient de cette organisation un marché pour
«l'étude
de l'adaptation du satellite européen de télécommunications
à la télévision directe».
Le CNES n'est pas en reste et, en 1973 et 1974, le même Service
Systèmes fait, pour cet organisme, une «étude paramétrique
d'une charge utile pour satellite de télévision éducative».
À partir de 1976, certains événements se précipitent.
L'Aérospatiale, au nom du consortium Cosmos, remet à l'ESA
une proposition non sollicitée pour l'étude et la réalisation
d'un satellite de diffusion directe de télévision, baptisé
Heavy-Sat,
ou, plus brièvement, H-Sat. Ce satellite, d'une masse au
lancement de 1 500 kilos, doit disposer d'une puissance d'alimentation
proche de 2 kilowatts permettant d'alimenter quatre émetteurs de
200 watts chacun. La bande Ku est envisagée et l'émission
à partir du satellite doit se faire en modulation de fréquence.
Ces deux dernières caractéristiques techniques correspondent
à ce que l'on connaît à l'époque des préparatifs
en cours pour la Conférence Administrative Mondiale des Radiocommunications
(CAMR ou WARC).
Tenue en 1977, cette conférence attribue aux pays européens
des positions orbitales et des canaux de fréquences dans la bande
17,3-18,1 GHz pour les liaisons montantes et dans la bande 11,7-12,5 GHz
pour les liaisons descendantes. C'est ainsi que la France et l'Allemagne
obtiennent la position orbitale à 19° ouest avec chacune cinq
canaux. À la différence des satellites de télécommunications,
la diffusion, sur la liaison descendante, est prévue, pour des raisons
pratiques évidentes, en polarisation circulaire.
Suite à la proposition de l'Aérospatiale, qui suggère
que le satellite H-Sat soit lancé avec le quatrième
tir de qualification de la fusée Ariane, l'ESA fait effectuer
quelques études préparatoires.
Le Département DSP participe à ces études et réalise
un avant-projet de charge utile à trois canaux équipés
chacun d'un tube à ondes progressives Thomson-CSF de 230 watts.
Une maquette «en bois» de cette charge utile est exposée
au Salon de l'aéronautique et de l'espace au Bourget en 1979.
Fin 1976, l'ESA lance un appel d'offres pour la réalisation du
satellite. En juillet 1977, le consortium Cosmos est retenu pour cette
réalisation.
Cependant, également dans le courant de l'année 1977,
on apprend que le gouvernement allemand, fortement soutenu par ses industriels
nationaux et en particulier par MBB, envisage de faire cavalier seul pour
la réalisation d'un satellite national de diffusion de télévision.
Les raisons politiques de cette attitude sont, selon toute probabilité,
qu'un tel satellite, sous contrôle national, pourrait diffuser des
programmes à destination de l'Allemagne de l'Est.
Avant que ce programme n'ait reçu un nom officiel, certains l'ont
baptisé «Die grosse Platform».
Le programme TV-Sat-TDF 1 - L'accord franco-allemand
En 1979, l'Allemagne annonce son refus de participer au financement
du programme
H-Sat de l'ESA. Étant donné l'importance
de la contribution qui est attendue de ce pays, cette annonce signifie
la mort du programme, qui sera repris par la suite avec des participations
différentes, dont les plus importantes seront celles du Royaume-Uni
et de l'Italie, sous le nom d'Olympus, satellite expérimental
qui sera lancé en 1990.
L'Allemagne ayant proposé à la France une association
pour réaliser son programme, cette dernière accepte en octobre
1979.
C'est le 29 avril 1980 qu'est signée, entre les gouvernements
français et allemand, la convention, publiée au Journal
officiel du 20 avril 1982, instituant une coopération entre
les deux pays en matière de satellites de radiodiffusion.
Cette coopération porte sur «la mise au point, la réalisation
et la mise à poste ainsi que l'expérimentation préopérationnelle
de deux satellites de radiodiffusion», un français et
un allemand, de conceptions identiques.
Chaque satellite doit être exploité à 19° ouest
avec trois canaux de radiodiffusion et doté d'une réserve
suffisante, l'un étant conçu pour le territoire de la RFA
et l'autre pour le territoire français, de manière à
répondre aux décisions prises par la CAMR de 1977.
La convention donne en outre des précisions sur ce que doit être
l'organisation industrielle chargée de réaliser les satellites.
Les satellites doivent être commandés à un prix
forfaitaire avec intéressement à un consortium industriel
franco-allemand dont le siège doit se trouver en RFA.
La coordination du projet de satellite dans son ensemble doit être
assurée par un groupe intégré franco-allemand sous
la direction d'une entreprise allemande, et celle des deux charges utiles
par un groupe intégré franco-allemand sous la direction d'une
entreprise française.
Les travaux doivent être répartis entre des entreprises
allemandes et françaises sur la base d'un retour financier de 54
% pour l'Allemagne et de 46 % pour la France.
Du côté du client, la supervision du programme doit être
assurée par un comité de direction de quatre membres, deux
Allemands et deux Français, prenant ses décisions à
l'unanimité, et présidé alternativement par un Français
et un Allemand. Ce comité doit désigner un secrétariat
exécutif, basé à Munich, présidé par
un Français ayant pour adjoint un Allemand et chargé de la
gestion courante du programme.
La convention précise également que, pour des satellites
opérationnels réalisés ultérieurement soit
pour les besoins français ou allemands, soit pour l'exportation,
l'organisation industrielle commune sera fondée sur la parité
(rapport 50-50), pour les montants financiers, des quotes-parts respectives
des travaux et des risques financiers.
Un échange de lettres datées du 22 septembre 1981 entre
les deux gouvernements donne plus de détails sur les modalités
de cette coopération ultérieure qui sera mise en oeuvre pour
les modèles supplémentaires TV-Sat 2 pour l'Allemagne
et TDF 2 pour la France, ainsi que pour le satellite TELE X
réalisé pour la «Swedish Space Corporation».
Une annexe technique à la convention précise diverses
données telles que, entre autres, les canaux de fréquences,
les polarisations, les zones de couverture et les puissances isotropes
rayonnées équivalentes (PIRE).
Quant à l'annexe financière, elle fixe les montants totaux
plafonds des contrats forfaitaires à conclure:
- le gouvernement français prend à sa charge 555 millions
de francs français destinés à son industrie, plus
les 4/54 du montant des travaux effectués par l'industrie allemande,
dans la limite de 4/54 de 281 millions de deutsche Mark;
- le gouvernement allemand prend à sa charge les 50/54 du montant
des travaux effectués par son industrie, dans la limite de 50/54
de 281 millions de deutsche Mark.
Il va sans dire que ce partage étant basé sur la parité
franc français-deutsche Mark au moment de la signature de l'accord,
les dévaluations du franc français qui ont lieu à
partir de 1982 amèneront quelques perturbations dans la rigueur
du partage.
La coopération prévue, comme l'indique le préambule
de la convention, doit faire suite à celle mise en oeuvre pour le
programme Symphonie et, pour cette raison, on peut constater une
certaine symétrie par rapport à ce programme: par exemple,
le consortium industriel CIFAS, qui a construit Symphonie, ayant
son siège en France, celui qui sera chargé du programme TV-Sat-TDF
1 devra avoir son siège en Allemagne. La même symétrie
est respectée pour la direction et l'implantation géographique
des groupes de projet industriels.
Les premières opérations chez les industriels
Dès 1979, alors que la convention franco-allemande est encore
en négociation, le CNES et TDF consultent les industriels français
pour la réalisation du satellite TDF 1.
En novembre 1979, Aérospatiale et Thomson-CSF remettent des propositions,
respectivement pour le satellite et pour sa charge utile.
Le 3 avril 1980, le ministre français de l'Industrie, André
Giraud, envoie au Président de chacune des sociétés
une lettre lui annonçant que sa proposition est retenue et lui donnant
des instructions pour la future coopération franco-allemande, non
seulement dans la réalisation des premiers satellites dits «préopérationnels»,
mais aussi pour celle des satellites suivants dits «opérationnels»,
ainsi que d'éventuels satellites réalisés pour l'exportation.
Pendant ce temps, l'organisation industrielle se met en place.
Parmi les membres de l'ancien consortium CIFAS, la société
Siemens a décidé, vers la fin des années soixante-dix,
de ne plus s'intéresser au domaine des satellites. Parmi les autres
membres, l'Aérospatiale, déjà initiatrice du projet
H-Sat,
la société allemande MBB et la société belge
ETCA ont créé en 1979 une société à
responsabilité limitée de droit allemand (GmbH) baptisée
Eurosatellite.
Lorsque les perspectives d'un programme franco-allemand se précisent,
des pourparlers sont engagés avec les deux anciens partenaires électroniciens
du programme Symphonie: AEG-Telefunken et Thomson-CSF.
Ces pourparlers aboutissent à l'élargissement d'Eurosatellite
GmbH à ces deux nouveaux membres. Cette nouvelle organisation est
notifiée aux deux gouvernements en février 1980.
Les nouveaux statuts d'Eurosatellite sont signés en novembre
1980 avec les participations suivantes:
- AEG-Telefunken: 24 %
- Aérospatiale: 24 %
- MBB: 24 %
- Thomson-CSF: 24 %
- ETCA: 4 %
En cours de programme, ANT succède à AEG-Telefunken. Le
gérant (Geschäftsführer) d'Eurosatellite est Rolf Arnim
de MBB, assisté d'un représentant de chacune des principales
sociétés membres:
- M. Chognot (Aérospatiale), Directeur Technique;
- Roger Durand (Thomson-CSF), Directeur Commercial;
- M. Koerner (AEG), Directeur Administratif et Financier.
Rolf Arnim assurera la gérance jusqu'à la fin du programme
TELE
X qui constituera la dernière activité réelle
du groupement.
Les sociétés membres travaillent pendant une bonne partie
de l'année 1980 à mettre au point les détails de l'organisation
industrielle et une proposition d'ensemble pour les satellites français
et allemand conformément au cahier des charges reçu en août
1980.
Dès octobre 1980, une difficulté majeure survient: compte
tenu de spécifications particulièrement exigeantes, le devis
global annoncé par Eurosatellite s'élève à
environ 650 millions de deutsche Mark, alors que le budget prévu
par la convention franco-allemande est de 520 millions.
Après avoir annoncé ce chiffre aux organismes clients,
on recherche des économies. Pour Thomson-CSF, le principal problème
se trouve au niveau des émetteurs. Afin d'avoir des marges de puissance
confortables, et compte tenu des connaissances de l'époque sur les
tubes à ondes progressives, TDF a prévu l'utilisation, dans
chaque canal, de deux TOP en parallèle.
Une importante économie est possible en utilisant un seul TOP
par canal, au prix d'un certain effort de développement pour obtenir
une puissance de 260 watts par tube, ainsi qu'avec certaines autres améliorations
portant sur les antennes et les guides d'ondes.
Le problème de la longueur des guides d'ondes fait couler beaucoup
d'encre. Dans son projet initial de satellite, Aérospatiale a prévu
des antennes dont les réflecteurs occupent, pour le lancement, une
position plaquée sur les parois latérales du satellite et
se déploient en orbite selon une configuration dite «en oreilles
de lapin».
Cette configuration a la faveur de Thomson-CSF car elle permet de placer
les sources d'antennes sur les arêtes du parallélépipède
constituant le satellite, rendant ainsi minimales les longueurs de leurs
guides d'alimentation et réduisant les pertes de puissance.
Lors des premiers contacts techniques avec les industriels allemands
en vue d'aboutir à un projet commun, les représentants de
MBB proposent une configuration très différente. En orbite,
les réflecteurs d'antennes sont fixés sur la face du satellite
orientée vers la Terre, ce qui impose de placer les sources d'alimentation
au sommet d'une tour, allongeant ainsi les guides d'ondes de près
de deux mètres. Les représentants de Thomson-CSF font savoir
que si cette configuration peut satisfaire les mécaniciens, elle
sacrifie par contre les performances d'émission et de réception
de la charge utile, qui doit pourtant assurer la mission essentielle du
satellite.
Au cours d'une réunion très animée tenue à
Cannes, les représentants d'Aérospatiale finissent par accepter
la configuration proposée par MBB, qui est donc imposée par
les avionneurs malgré les protestations des responsables de la charge
utile. Cette décision, qui rend les spécifications de PIRE
beaucoup plus difficiles à tenir, sera la source de tensions et
de polémiques pendant toute la phase de définition du satellite
et ne facilitera pas l'exercice de réduction des coûts.
Après quelques semaines d'efforts, le 19 décembre 1980,
la proposition d'Eurosatellite, conforme aux objectifs de prix, est remise
aux organismes clients.
La charge utile du satellite doit toujours comprendre cinq canaux, quatre
d'entre eux sont équipés d'un seul TOP, le cinquième
de deux TOP en redondance afin de tester le dispositif de commutation sur
le tube de secours. Trois canaux doivent pouvoir fonctionner simultanément.
Une autre difficulté survient alors. La proposition du 19 novembre
1980 indique des délais de réalisation très supérieurs
à ceux qui ont été annoncés dans un document
préliminaire remis en mars de la même année. Il en
résulte de nouvelles négociations qui retardent l'engagement
que les clients ont promis de prendre pour permettre le lancement des approvisionnements
à longs délais.
Finalement, le travail des industriels peut commencer officiellement
à la réception d'une lettre d'intention adressée à
Eurosatellite le 24 mars 1981.
Le 17 août, un précontrat est signé sur la phase
de définition qui aboutit, le 17 novembre, à la remise par
Eurosatellite d'une seconde proposition révisée et conforme
à l'objectif de prix de 520 millions de deutsche Mark.
Les 16 et 17 novembre, à Munich, a lieu la «System Preliminary
Design Review» (PDR) au cours de laquelle les représentants
du groupe de projet industriel (IPT, Integrated Project Team), dirigé
par Kuno Schneider de MBB, présentent la conception du satellite
à un jury (board) composé de six représentants des
administrations clientes et deux représentants de l'industrie, dont
Jacques Chaumeron pour Thomson-CSF.
Cette cérémonie, qui réunit cent cinq personnes,
et à la suite de laquelle cent trente-deux questions écrites
demandant des justifications sont posées à l'IPT, ne fait
grâce d'aucun détail, au point que l'un des participants demande
s'il ne devient pas nécessaire de «remonter à la loi
d'Ohm» pour justifier certaines solutions.
En quelques semaines, l'IPT répond de façon satisfaisante
à la plupart des questions, et la préparation du contrat
final peut se poursuivre.
Ce dernier est signé par les diverses parties prenantes le 15
juillet 1982 en Allemagne et le 18 juillet en France.
La vie du projet à DSP
En 1979, lorsque les perspectives du programme qui sera appelé
TDF
1, puis TV-Sat-TDF 1, se précisent, le Département
DSP est en pleine expansion car il a fallu, à partir d'effectifs
devenus «squelettiques» au cours de la «traversée
du désert», recruter et former aux techniques spatiales de
nouveaux ingénieurs et techniciens pour s'attaquer au programme
Telecom
1. Si
TDF 1 est le bienvenu, car il promet d'assurer la vie
du Département au-delà de Telecom 1, il aurait été
cependant souhaitable, afin de «lisser» la courbe d'effectifs,
qu'il arrivât au moins un an plus tard.
Les premiers travaux techniques de préparation des propositions
sont exécutés par le Service Systèmes SS1 dirigé
par Maurice Dumas.
Il faut ensuite constituer un groupe de projet particulier au programme.
Sa direction est confiée à Jean-François Primard,
jusque-là adjoint de Marcel Palazo à la tête du Service
Hyperfréquences (HY). Jean-François Primard, qui a été
dix ans plus tôt responsable à DSP du programme
Helios,
satellite scientifique allemand, a ainsi l'occasion de réutiliser
son expérience des relations avec les sociétés allemandes.
Le manque d'effectifs et la priorité allouée par la Direction
de la Division DFH au programme Telecom 1 rendent très difficile
la constitution du groupe de projet.
En septembre 1980, l'IPT, groupe de projet intersociétés,
est constitué à Munich, et Thomson-CSF doit y être
représentée. Aucun volontaire ne se présente parmi
l'effectif de DSP.
Deux «volontaires» sont finalement désignés
successivement, à titre provisoire: Georges Blondin dans l'équipe
technique, avec le titre de «Deputy Project Manager», auquel
succédera Daniel Samsoen pendant quelque temps, avant l'arrivée
de Pierre de Château-Thierry, qui assurera la fonction à titre
permanent de janvier 1983 à fin septembre 1985. Marcel Palazo prendra
ensuite la relève jusqu'à la fin. Jean-Louis Morand renforcera
l'équipe de juillet 1983 à septembre 1985. Par contre, dans
l'équipe «qualité», Hubert de Pavlowsky séjournera
à l'IPT beaucoup plus longtemps, de février 1982 à
la fin du programme en juin 1986.
Les responsabilités de DSP et, à partir de 1982, de la
Division Espace (DES), puis d'ATES à partir de 1984, sont les suivantes:
- coordination de la conception des charges utiles française
et allemande;
- développement, fabrication et intégration de la charge
utile française;
- développement, fabrication, intégration du sous-système
télémesure-télécommande pour tous les satellites.
La fabrication d'une partie des équipements est sous-traitée
à des sociétés suédoises (SAAB et Ericsson),
belge (ETCA) ainsi qu'à ANT pour une partie des répéteurs
et à l'Aérospatiale pour les réflecteurs d'antennes.
D'autre part, DSP fournit certains équipements à ANT pour
la charge utile de TV-Sat.
L'approvisionnement des TOP de puissance pour les émetteurs donne
lieu à diverses péripéties car la Division Tubes de
Thomson-CSF s'y trouve en concurrence avec la société allemande
AEG-Telefunken.
Pour les satellites allemands, une puissance de 150 watts est suffisante
pour obtenir la PIRE demandée. Par contre, pour le satellite français,
on arrive aux limites de ce que la technologie de l'époque peut
obtenir. Alors qu'AEG déclare être prête à s'engager
sur une puissance de 260 watts, Thomson-CSF refuse, à juste raison,
de promettre une puissance supérieure à 230 watts.
Cette position est à l'origine de sévères discussions
avec les représentants de l'administration cliente TDF qui souhaite
obtenir une PIRE la plus proche possible du maximum autorisé par
la CAMR de Stockholm. Thomson-CSF s'efforce de justifier sa position
par une certaine prudence devant les risques inhérents à
la mise en oeuvre de tubes entièrement nouveaux, prudence qui devrait
être largement compensée à brève échéance
par les progrès très rapides attendus des performances des
matériels de réception au sol.
La validité de cette position sera, par la suite, largement démontrée:
les tubes de puissance, quelle que soit leur origine, auront quelques problèmes
en orbite, et les satellites européens de diffusion de télévision
de la génération suivante rempliront leurs missions sans
difficulté avec des tubes d'environ 100 watts.
L'utilisation pour les cinq canaux de tubes de forte puissance, dont
quatre peuvent fonctionner simultanément, pose de nouveaux problèmes
pour le contrôle thermique du satellite. Ces problèmes sont
résolus par l'utilisation de caloducs très performants.
La fourniture des TOP est également répartie entre AEG
et Thomson-CSF, leurs alimentations étant toutes fournies par ANT.
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ATOP de 230 Watts (Thomson-CSF) en bas et de 260 Watts (AEG) en
haut et alimentations (ANT) à droite.
|
Le sous-système répéteurs assure les fonctions
suivantes:
- séparation, à 17-18 GHz, des signaux de télévision
et des signaux de télécommande, et conversion des signaux
des cinq canaux TV à 12 GHz;
- séparation et amplification des cinq canaux TV;
-
amplification de puissance des signaux de chacun des cinq canaux par des
ATOP à collecteurs rayonnants délivrant 230 watts (Thomson-CSF)
ou 260 watts (AEG), et association des signaux à ceux de télémesure.
Six ATOP sont installés, dont l'un devant être utilisé
en redondance froide sur un canal.
Le sous-système antennes comprend deux antennes à réflecteurs
en fibres de carbone assurant, l'une la réception des signaux de
TV et de télécommande dans la bande des 17-18 GHz, l'autre
l'émission des signaux de TV et de télémesure dans
la bande des 12 GHz.
Afin d'optimiser la répartition de la puissance émise
sur la zone à couvrir, l'antenne d'émission fournit un faisceau
formé au moyen d'une source multiple et d'un réflecteur elliptique.
Le sous-système assure également la réception, à
11,2 GHz, du signal d'une balise terrestre utilisé pour la correction
automatique du pointage des antennes.
Comme il a été dit plus haut, les sources d'alimentation
des antennes sont placées au sommet d'un pylône érigé
sur la face du satellite orientée vers la Terre, et les réflecteurs,
plaqués le long du pylône lors du lancement du satellite,
sont ensuite déployés sur cette face de manière à
orienter leurs faisceaux vers la Terre.
Le sous-système TM-TC utilise un transpondeur en bande S et une
antenne omnidirectionnelle pendant les opérations de mise en orbite,
ainsi que pour la localisation et le maintien en station. Lorsque le satellite
est en station, les signaux de TM-TC sont acheminés via les
répéteurs.
Sous l'égide du groupe de projet dirigé initialement par
Jean-François Primard, tous les services techniques de DSP participent
au programme:
- le Service Hyperfréquences (Pierre de Bayser puis Pierre Fraise);
- le Service Antennes (Bruno Vidal Saint-André);
- les services EN (Michel Hayard) et TC (Jacques d'Hollander).
Le transfert de DSP à Toulouse amène quelques perturbations
dans le déroulement des travaux. En particulier, le chef de projet,
Jean-François Primard, qui préfère rester en région
parisienne, doit être remplacé en 1982 par Daniel Samsoen
puis par Jean-Louis Lacaze jusqu'en 1985.
Quant à la réalisation de TDF 2, elle est dirigée
à partir de 1984 par Jean-François Gambart, auquel succéderont
Xavier Rozec, de novembre 1987 au milieu de 1988, puis Marcel Barre jusqu'au
lancement.
Afin de limiter les perturbations, il est décidé que,
dès leur début, les travaux d'intégration de la charge
utile de TDF 1 seront effectués à Toulouse.
C'est donc ce programme qui, avec SPOT, inaugure la salle d'intégration
de Toulouse. La charge utile de Telecom 1, dont l'intégration
a commencé en région parisienne puis au CNES, n'y sera transférée
que plus tard.
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L'équipe d'intégration de TDF 1 devant la charge
utile et derrière une maquette du satellite
|
Les difficultés rencontrées
Les principales difficultés techniques rencontrées
au cours du développement portent, comme on pouvait s'y attendre,
sur les circuits opérant avec des puissances élevées,
les TOP, leurs alimentations, ainsi que des circuits auxiliaires tels que
les isolateurs.
Par contre, la technologie des réflecteurs d'antennes en fibres
de carbone, et de leurs supports, qui a été mise au point
pour Telecom 1 avec quelques difficultés, ne pose aucun problème
pour TDF-TV-Sat.
Mais il faut très vite faire face à une impossibilité
pour la Division Espace de tenir le calendrier prévu. En effet,
les perturbations liées au déménagement à Toulouse,
à la pénurie de techniciens compétents et aux conséquences
de la priorité donnée à Telecom 1 amènent
au constat qu'il faudra un an de plus que prévu. Gérard Coffinet
décide, sur la proposition du chef du groupe de projet, Daniel Samsoen,
de suivre le calendrier réaliste mais de tout faire pour ne pas
glisser davantage.
Finalement, les délais officiels annoncés par Eurosatellite
glisseront également en raison des difficultés rencontrées
par les autres sociétés et, à la fin, Alcatel Espace,
qui aura respecté son programme, sera en avance sur les autres.
L'organisation complexe du management de ce projet est, sans doute,
une raison essentielle au glissement d'ensemble du calendrier. Malgré
le dynamisme de Pierre Madon, de l'Aérospatiale, qui anime Eurosatellite,
et la bonne volonté du Directeur du projet, Kuno Schneider, Eurosatellite
se heurte à une équipe cliente de trente-cinq personnes françaises
et allemandes (IPT) qui ne peut prendre de décision importante sans
l'accord unanime de quatre administrations (TDF et CNES pour la France,
DFVLR et Deutsche Telekom pour l'Allemagne). De plus, cela rend très
difficile la négociation du moindre avenant, en particulier lorsque
les coûts augmentent, ce qui est une conséquence inéluctable
de l'allongement du programme.
Enfin, lorsqu'en 1984 DSP pense avoir, grâce à l'amélioration
de la situation industrielle pilotée par Michel Chaussedoux, maîtrisé
la réalisation, la situation des TOP de Thomson-CSF et d'AEG-Telefunken
devient de plus en plus préoccupante, d'autant plus que les alimentations
fournies par ANT, devant s'adapter à deux tubes assez différents,
n'arrivent pas à être mises au point. C'est seulement en 1985
qu'un accord entre Gérard Coffinet et Jacques Caumartin, Directeur
de la Division Tubes de Thomson-CSF, permet de régler le contentieux
entre les deux entités, les tubes de Thomson-CSF, qui ont failli
être retirés du programme au profit de ceux d'AEG-Telefunken,
montrant en définitive, après beaucoup d'efforts, qu'ils
sont au moins aussi bons, sinon meilleurs, que les tubes allemands. Les
problèmes des TOP sont la raison essentielle des résultats
encore négatifs de la Division en 1984 car il faut faire des provisions
substantielles.
Il faut également noter que l'absence de décision gouvernementale
sur TDF 2 en 1985 est la deuxième cause essentielle, après
l'abandon d'Athos, du lancement du plan social d'ATES. Il faut à
ce sujet remercier le maire de Toulouse, Dominique Baudis, qui soutiendra
toujours Alcatel Espace dans cette période difficile et adressera
une lettre à Laurent Fabius, alors Premier ministre. Mais le changement
de Gouvernement, début 1986, retardera encore la décision,
prise enfin par Jacques Chirac en 1987 (voir Tevespace).
Les péripéties des lancements
Du côté français, le programme TDF 1-TDF
2 a été dirigé par le CNES et par TDF, ces deux
administrations ayant associé leurs compétences et TDF étant
l'utilisateur final. La motivation initiale a été de permettre,
en premier lieu, la couverture à 100 % du territoire français
par les chaînes existantes: cette couverture, réalisée
jusque-là avec des faisceaux hertziens et des réémetteurs,
n'est en effet pas complète et ne pourrait le devenir qu'au prix
de l'installation d'un nombre prohibitif de réémetteurs dans
des zones à faible densité de population. Une autre motivation,
qui voit de nos jours son plein développement, est de pouvoir pallier,
grâce aux satellites, la saturation du plan de fréquences
des moyens terrestres et pouvoir ainsi diffuser de nouvelles chaînes.
Sous l'impulsion de la DGT (Direction Générale des Télécommunications),
qui a toujours manifesté des réserves vis-à-vis du
programme, le ministère des PTT, dès la fin de 1981, annonce
sa préférence pour la diffusion par câble, qui pourrait
se développer rapidement grâce à la mise en oeuvre des
fibres optiques.
D'après certains organes de presse, cette décision sonne
le glas, en France, de la diffusion par satellites, d'autant plus que TDF
est désormais sous le contrôle du ministère des PTT.
Pour les industriels d'Eurosatellite, et surtout pour les industriels
français, une question essentielle se pose: TDF 1 et TDF
2, à supposer que leur construction se poursuive jusqu'au bout,
seront-ils jamais lancés ?
Cette polémique, largement reprise par la presse pendant plusieurs
années, ne contribuera pas à soutenir le moral des équipes
de DSP affectées au programme. Elles ont malgré tout le réconfort
de constater que ce genre de controverse n'existe pas du côté
allemand, où les motivations sont très différentes.
Une autre polémique vient s'ajouter à la première
lorsqu'on commence à discuter des standards à utiliser pour
une future télévision à haute définition (standard
japonais, américain ou européen ?). Ce nouveau débat
fournit quelques arguments aux partisans des satellites qui doivent, dans
leur esprit, aider à promouvoir le standard D2 Mac, proposé
pour l'Europe.
Finalement, le satellite allemand TV-Sat 1 est mis en orbite
le 20 novembre 1987. Malheureusement, l'un de ses panneaux solaires ne
se déploie pas et provoque une fin prématurée de la
mission.
Avant le lancement suivant qui doit être celui de TDF 1,
on passe quelques mois à analyser le défaut afin d'éviter
qu'il ne se reproduise.
TDF 1 est enfin lancé le 28 octobre 1988 et recetté
en orbite vers la fin de la même année. TV-Sat 2 est
mis en orbite le 9 août 1989.
Il reste à décider du lancement, ou non, de TDF 2,
et là encore surviennent quelques péripéties.
Si, à l'origine, les autorités françaises ont défini
le programme comme devant aboutir à des satellites expérimentaux,
l'idée d'en faire un système opérationnel, dont le
fonctionnement serait garanti par la présence en orbite de deux
satellites, a fait son chemin. Bien que cette orientation risque d'aboutir
à des exigences allant au-delà de celles définies
par le contrat passé aux industriels, ces derniers ne voient que
des avantages à l'existence d'un système opérationnel
qui permettrait de mettre en oeuvre une télévision aux normes
européennes.
Dès juillet 1986, la FIEE (Fédération des Industries
Électriques et Électroniques) est intervenue auprès
du Premier ministre pour insister sur l'importance d'un système
national de diffusion par satellites.
Après le lancement de TDF 1, on organise une nouvelle
campagne pour obtenir le lancement de TDF 2.
Le Gouvernement décide alors, début 1987, de transférer
le contrat TDF 2 au bénéfice d'une société
de commercialisation qui exploiterait les satellites TDF 1 et TDF
2 et dont le capital de 600 millions serait détenu pour moitié
par les industriels et TDF, et pour l'autre moitié par divers opérateurs.
La participation d'Alcatel Espace serait de 30 millions, comprise dans
les 70 millions qu'apporteraient les industriels d'Eurosatellite. Un projet
de société est élaboré courant mars 1987, dont
les buts sont les suivants:
Exposé du projet Tevespace:
«L'opérateur technique a été chargé
par le gouvernement français de mettre en place, avec la collaboration
du CNES, l'ensemble des moyens nécessaires à l'exploitation
d'un service de radiodiffusion directe par satellite [
]»
«Il est projeté de constituer une société
Tevespace, en vue de l'exploitation de la ressource de diffusion disponible
sur les deux premiers satellites du système de radiodiffusion directe
dénommés TDF 1 et
TDF 2 [
]»
«TDF 2 sera de conception identique à TDF
1, et ce de manière à pouvoir assurer la redondance de
TDF
1 en orbite.»
«L'opérateur technique doit mettre gratuitement à
la disposition de Tevespace la ressource de diffusion disponible sur le
premier satellite français de radiodiffusion directe par satellite.»
«Tevespace aura notamment pour mission de rassembler les concours
techniques et financiers nécessaires à la réalisation,
au lancement et à la promotion de TDF 2.»
«La mise en oeuvre de la stratégie et la réalisation
des objectifs nécessitent l'octroi à la société
de capitaux propres de 600 millions de francs et de ressources financières,
sous forme de prêts, de 1 200 millions de francs [
]»
«Le parfait aboutissement est conditionné par la promulgation
du décret imposant la norme D2 Mac Paquet et son utilisation sur
les satellites TDF 1 et TDF 2 [
]»
Ce projet étant a priori «franco-français»,
tous les partenaires européens d'Eurosatellite ne veulent pas y
participer. Cette difficulté supplémentaire est levée
par la constitution d'une société dénommée
Eurosatellite France, au capital de laquelle doivent essentiellement participer
l'Aérospatiale et Alcatel.
Ce montage volera en éclats quelques mois après; TDF
2 est définitivement commandé à la suite d'un
arbitrage favorable au projet pris par le Premier ministre de l'époque,
Michel Rocard. Le lancement du satellite ne peut intervenir que le 24 juillet
1990 par suite des incidents qu'avait connus Ariane en 1989. Ce
retard, puis les incidents techniques décrits ci-dessus, sonne le
glas pour cette génération de satellites de forte puissance
et pour la norme D2 Mac Paquet.
Au cours de la vie des trois satellites TDF 1, TV-Sat 2 et TDF
2, quelques canaux sont perdus à cause de pannes des TOP. Ces
incidents font grand bruit dans la presse. Il convient de préciser
que, cependant, les obligations contractuelles des industriels, qui spécifient
que chaque satellite doit être capable de fournir trois canaux en
fonctionnement simultané, restent satisfaites. Chaque satellite
est, en fait, utilisé pour une mission dépassant celle qui
a été précisée aux industriels dans le cahier
des charges initial. Par exemple, plus de trois canaux sont utilisés
simultanément, et la zone de couverture est élargie. Par
contre, l'utilisation de fortes puissances ne permet pas d'émettre
en période d'éclipse, c'est-à-dire vers 3 heures du
matin dans la zone desservie, ce qui a été considéré,
à l'époque de la conception, comme un inconvénient
mineur.
TELE X
Depuis 1979, les membres d'Eurosatellite suivent de très près
les intentions des autorités suédoises en matière
de satellites de télécommunications et de télévision.
Sous le nom de Nordsat, on parle beaucoup d'un futur satellite
envisagé par l'administration suédoise des PTT avec l'éventuelle
participation d'autres pays scandinaves.
Après diverses péripéties, l'action énergique
du principal promoteur de l'idée, Fredrik Engstrom, aboutit en 1982
à la création d'une société nationale, sous
tutelle ministérielle, la «Swedish Space Corporation»
(SSC) qui est chargée d'exécuter le programme.
Plus tard, en 1983, un accord sera signé entre la Suède,
la Norvège et la Finlande pour une participation de ces deux derniers
pays au programme. Au titre de cet accord, les participations financières
respectives seront de 82 %, 15 % et 3 %.
Il est prévu de lancer, tout au moins dans une première
phase, un satellite expérimental, baptisé TELE X,
sous la forme d'un prototype de vol (protoflight).
Le satellite doit fournir, sur une zone couvrant les pays scandinaves,
un service de diffusion directe de télévision en accord avec
les résolutions de la CAMR de 1977, ainsi qu'un service de transmissions
de données et de vidéo.
Les industriels suédois SAAB et Ericsson, qui ont participé
au programme TV-Sat-TDF 1 avec Eurosatellite, ont joué un
rôle important dans la promotion du programme TELE X.
Eurosatellite, où Aérospatiale doit jouer le rôle
de maître d'oeuvre, soumet sa proposition à la SSC en juin
1982, et le travail peut commencer après la réception d'une
lettre d'intention du client en octobre de la même année.
Après une revue préliminaire de la conception du satellite
(PDR), tenue en juin-juillet 1983, le contrat principal est signé
en août 1983.
Par rapport à la répartition des travaux adoptée
dans TV-Sat-TDF 1, de plus grandes responsabilités
ont été données, dans TELE X, aux industriels
suédois. ATES, quoi que conservant à peu près la même
part des travaux que dans TDF 1 dans les répéteurs,
a dû partager la responsabilité de la charge utile avec Ericsson,
laisser à cette dernière société le sous-système
antennes et devenir sous-traitant de SAAB pour les matériels de
télémesure-télécommande, en fournissant essentiellement
le transpondeur en bande S.
Le contrat entre Aérospatiale et Ericsson pour la charge utile
ayant été signé le 13 avril 1984, celui entre Ericsson
et ATES pour la participation d'ATES est signé le 20 avril de la
même année. Le contrat entre SAAB et ATES pour la participation
au sous-système TM-TC est signé le 22 novembre 1984.
Un
groupe de projet est constitué à ATES sous la direction de
Jean Guéranger, qui accomplira cette mission jusqu'en avril 1986.
Jean Ramis lui succédera jusqu'à la fin du programme.
Dans la charge utile qui est différente de celle de TDF 1,
ATES assure la conception de l'ensemble des répéteurs.
Le sous-système répéteurs comprend six canaux,
répartis comme suit:
- trois canaux, dont deux ou trois peuvent être activés
simultanément, pour la diffusion de télévision;
- trois canaux équipés de linéariseurs destinés
à compenser la distorsion introduite par les TOP, et dont deux peuvent
être activés simultanément pour la transmission de
données et de vidéo (un canal à large bande et un
canal à bande étroite).
Le mode de fonctionnement nominal du sous-système est prévu
pour quatre canaux simultanés, c'est-à-dire soit deux de
TV plus deux de données, soit, si nécessaire, trois de TV
plus un de données.
ATES y fournit l'ensemble de la partie réception à large
bande jusqu'au démultiplexeur d'entrée, alors qu'ANT fournit
les amplificateurs de canaux, les multiplexeurs de sortie et les amplificateurs
à TOP, dont la totalité des tubes de 230 watts sont fournis
par AEG-Telefunken. ATES étudie et réalise en plus les dispositifs
linéariseurs de TOP qui s'avèrent nécessaires dans
les canaux affectés aux transmissions de données.
Le sous-système antennes est entièrement étudié
et fourni par Ericsson, les réflecteurs étant sous-traités
à l'Aérospatiale.
TELE X doit desservir des régions situées à
des latitudes élevées d'où le satellite est vu sous
un faible angle d'élévation par rapport à l'horizon.
La «chasse aux dixièmes de décibels» dans le
bilan des liaisons descendantes y est donc beaucoup plus indispensable
que dans le cas de TDF 1. C'est l'une des raisons pour lesquelles,
afin de raccourcir les guides d'alimentation des sources d'antennes, Ericsson
choisit de développer et réaliser des antennes du type «Cassegrain».
L'intégration du sous-système répéteurs est
exécutée par ATES à Toulouse. Le transpondeur en bande
S fourni par ATES pour le sous-système TM-TC est un modèle
de série identique à ceux réalisés pour les
autres programmes de la même époque (SPOT, Telecom 1,
etc.).
L'ensemble des travaux de développement, de fabrication, d'intégration
et d'essais exécutés à ATES ne donne lieu à
aucun incident majeur.
TELE X est lancé le 2 avril 1989 et remplit intégralement
la mission qui lui est assignée. |