6 - Les programmes de satellites
6.3 - L'observation de la Terre
Caractéristiques générales
L'avant-projet, établi par le CNES, d'un satellite d'observation
de la Terre par radiométrie passive dans le spectre visible et infrarouge
date de 1977.
Les perspectives de coopérer avec la NASA, promoteur du programme
similaire Landsat, ou d'européaniser le projet alors que
l'ESA étudie un projet de satellite d'observation par radar n'aboutissent
à aucun résultat concret. SPOT est donc un programme
national.
Dans sa première définition, mise en oeuvre pour les trois
premiers modèles SPOT 1, 2 et 3, la charge utile est faite
de deux instruments optiques identiques à haute résolution
fonctionnant dans le spectre visible et le proche infrarouge (HRV) et de
matériels électroniques assurant la mise en forme des signaux,
leur stockage et leur transmission vers le sol.
Deux modes de fonctionnement des instruments HRV sont prévus,
un mode multispectral utilisant trois bandes, le vert (0,5-0,59 micromètre),
le rouge (0,61-0,68) et le proche infrarouge (0,79-0,89), avec une résolution
au sol de 20 mètres, et un mode panchromatique avec une bande s'étendant
de 0,53 à 0,73 micromètre et une résolution au sol
de 10 mètres.
L'organe sensible de chacun des télescopes est constitué
d'un dispositif à transfert de charges (CCD), technique relativement
nouvelle qui sera, plus tard, développée par Thomson-CSF.
À chaque orbite, les images représentent une bande de
terrain d'une largeur de 60 km avec la possibilité, en décalant
l'axe de visée, de réaliser des vues stéréoscopiques
à partir des images prises au cours d'orbites successives. Le cycle
de répétition des passages à la verticale d'un même
point du globe est de 26 jours. L'orbite étant héliosynchrone,
à une altitude de 832 km, l'heure locale de passage au noeud descendant
est fixe à 10 h 30.
Deux enregistreurs magnétiques sont prévus pour stocker
les images avant de les transmettre vers le sol pendant les passages du
satellite en visibilité des stations terriennes de réception.
La participation de DSP dans SPOT
1, 2 et 3
Dès que l'avant-projet établi par le CNES est connu,
la Direction du Département Espace-Satellites (DSP) de Thomson-CSF
entreprend des démarches, en vue de définir quelle pourrait
être sa participation dans le programme SPOT.
En janvier 1978, Jacques Chaumeron, Directeur de DSP, et Pierre Gautier,
chef du Service Commercial, examinent avec le Directeur Général
du CNES, Yves Sillard, les perspectives de participation au programme.
Au niveau technique, le pilotage de l'affaire est confié au Service
Systèmes SS2 dirigé par Jean-Claude Héraud, et Jean-Claude
Anne est désigné responsable au sein de ce service.
Après un certain nombre d'études, la participation de
DSP est définie comme devant porter sur :
- l'électronique de la charge utile ;
- le sous-système de télémesure et télécommande
de servitude.
L' électronique de la charge utile comprend deux sous-ensembles
:
- l'électronique HRV qui effectue l'acquisition des signaux images
fournis par les détecteurs à transfert de charges (CCD) des
instruments, leur numérisation et leur mise au format, ainsi que
les commandes de mise en oeuvre des divers mécanismes des instruments.
Cette électronique fait partie de l'ensemble HRV placé sous
la maîtrise d'oeuvre de MATRA. Sa masse est d'environ 30 kilos et
sa consommation d'environ 95 watts ;
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SPOT 1 - l'électronique HRV (Haute résolution
dans le visible)
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- la TMCU (télémesure charge utile), sous-ensemble dont
DSP assure la complète maîtrise d'oeuvre.
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SPOT 1 - la TMCU (télémesure charge utile)
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Cette dernière est constituée de trois parties principales
:
- une électronique de servitude assurant l'interface entre le
système de distribution des données et celui de conditionnement
de l'énergie ;
- une électronique vidéo assurant la mise au format, la
modulation, le séquencement et la commutation des signaux d'images
en provenance des HRV vers les différentes fonctions ;
- une électronique hyperfréquences assurant la génération
des fréquences porteuses et l'amplification de puissance.
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La TMCU surmontée des 2 enregistreurs magnétiques
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Les enregistreurs magnétiques, qui font partie de la TMCU, sont
approvisionnés par le CNES auprès de la société
américaine ODETICS.
L'ensemble de la TMCU, dont DSP assure l'intégration, représente
une masse d'équipements de 240 kilos dont 40 pour la structure sous-traitée
à l'Aérospatiale, 140 pour les deux enregistreurs et 60 pour
l'électronique. La consommation est proche de 170 watts. L'émission
des signaux est faite en modulation QPSK à 50 mégabits/seconde
au moyen de TOP de 20 watts fournis par Thomson-CSF et fonctionnant dans
la bande des 8 GHz. L'antenne est sous-traitée à Starec et
le module de gestion à Crouzet.
Pour
la première fois, DSP va diriger la réalisation d'une partie
de satellite quasi indépendante et comprenant une structure, des
convertisseurs d'alimentation et des matériels électroniques,
y compris le contrôle thermique de l'ensemble. C'est un pas en avant
dans l'acquisition des compétences qui pourraient, un jour, aboutir
à la maîtrise d'oeuvre de satellites complets.
Dans le sous-système télémesure-télécommande,
où l'essentiel du traitement des signaux est effectué par
l'ordinateur de bord fourni par la société suédoise
SAAB, DSP fournit le transpondeur cohérent en bande S, nouvellement
développé pour divers programmes.
Après une phase de propositions dans la première moitié
de 1979, le travail des phases B pour les différentes participations
commence à DSP au milieu de la même année.
Il faut ensuite préparer les propositions pour la phase C/D.
La réalisation des matériels commence vers avril 1980, par
anticipation, car les divers marchés sont en cours de négociation.
Ce n'est qu'au début de 1981 que le marché le plus important,
celui de la TMCU, est finalement notifié.
Les livraisons des matériels pour SPOT 1 se terminent
en 1984. Le dernier matériel livré est le transpondeur en
bande S qui a rencontré quelques difficultés de mise au point.
La plupart des matériels fournis par DSP dans l'électronique
HRV et la TMCU ont été définis par le service «Systèmes»
SS2 où le chef de projet, pour cette phase, est Jean-Claude Anne.
Ils sont ensuite étudiés, mis au point et testés par
le Service ES, sous la responsabilité de Michel Hayard, pour la
partie traitement des signaux, et par le Service HY, dirigé par
Marcel Palazo, puis par Pierre de Bayser et Pierre Fraise, pour la partie
hyperfréquences.
Le
Bureau d'Études et les services de fabrication ont commencé
leur travail sur SPOT 1 à Meudon sous la direction de Jean
Petrotchenko. Ils le poursuivent sous la direction de Roland Borchi pendant
et après le transfert à Toulouse de la Division Espace, devenue
ATES à partir de 1984. Guy Bertaud succède à Roland
Borchi.
Après intégration de l'ensemble des équipements
par le maître d'oeuvre MATRA, SPOT 1 est mis en orbite le 22
février 1986 par Ariane 1 à partir de Kourou.
Les deux modèles suivants de SPOT, baptisés SPOT
2 et SPOT 3, sont, en ce qui concerne les fournitures d'ATES,
pratiquement identiques à SPOT 1.
Les mêmes hommes sont responsables de leurs réalisations
qui aboutissent au lancement de SPOT 2 le 22 janvier 1990 et de
SPOT
3 le 26 septembre 1993.
Les chefs de projet successifs sont Guy Schang pour SPOT 1 et
2, puis Roger Saturnin pour SPOT 3.
SPOT 4
La mission de SPOT 4, programme financé par la France,
la Belgique et la Suède, comporte quelques améliorations
par rapport à celles des modèles précédents
avec, entre autres, des prises de vue dans l'infrarouge (1,58-1,75 micromètre).
Ce satellite doit emporter en plus divers «passagers» expérimentaux
: Doris (localisation), Végétation (surveillance de la végétation
et des océans), Pastel (transmissions laser interorbitales), Pastec
(environnement orbital), ESBT (transpondeur à spectre étalé
dont Alcatel Espace conduit l'étude et la réalisation).
Sa réalisation est menée en même temps, sous la
maîtrise d'oeuvre de MATRA, que celle du satellite d'observation militaire
Helios
1 et donne lieu à des développements communs.
La plate-forme, les enregistreurs magnétiques spatialisés
et la télémesure image sont les mêmes dans les deux
satellites.
Alors que SPOT 1, 2 et 3 avaient utilisé des enregistreurs
d'origine américaine, SPOT 4 et Helios 1 utilisent
des enregistreurs développés en France par Enertec, filiale
du groupe Schlumberger.
Les éléments de la télémesure image d'Helios
sont les mêmes que ceux utilisés dans la TMCU de SPOT 4.
Les responsabilités d'Alcatel Espace dans SPOT 4 et Helios
1 sont voisines de celles que la société avait eues dans
SPOT
1, 2 et 3 avec, cependant, une répartition différente des
sous-traitances. En effet, la participation de l'Italie et de l'Espagne
au financement d'Helios 1 conduit à sous-traiter des équipements
à des industriels de ces pays.
Un
contrat de phase B est notifié à Alcatel Espace par MATRA,
maître d'oeuvre du satellite, en octobre 1988. Cette étude
se termine à la fin du premier trimestre de 1989.
La phase C/D, démarrée dès le début de 1989
sur des couvertures financières du CNES, donne lieu à trois
contrats notifiés par MATRA durant le dernier trimestre de 1990
:
- un contrat pour la «case» SPOT 4 (équivalente
à la TMCU dans les satellites précédents) et la télémesure
image (TMI) d'Helios 1 avec sous-traitance :
- du modulateur SQPSK à la société italienne Siemens
Telecommunicazioni, remplaçant la société Selenia
qui a été éliminée durant la phase B,
- de l'amplificateur à TOP à Thomson-CSF Tubes Électroniques
qui en sous-traite l'alimentation à la société italienne
FIAR,
- de l'antenne à Starec,
- du module de gestion à Sextant Avionique (ex-Crouzet) ;
- un contrat pour le compresseur formateur (COFO) d'Helios 1
avec sous-traitance à la société italienne Laben du
convertisseur d'alimentation ;
- un contrat pour les transpondeurs en bande S pour les deux satellites
avec sous-traitance de la fabrication de certains éléments
et de l'intégration et des essais à la société
espagnole Alcatel Espacio.
Le chef de projet est Benoît Durand.
Le déroulement du programme souffrira de certains retards dont
les principaux, qui masqueront en fait les autres, seront causés
par les difficultés dans le développement des enregistreurs
magnétiques.
La structure compliquée de la répartition industrielle,
due aux financements apportés par divers pays, contribuera également
à l'allongement des délais.
Helios 1 est mis en orbite le 7 juillet 1995. SPOT 4,
qui subit également des retards dans le développement de
ses passagers Pastel et Végétation, n'a pas encore été
lancé quand ces lignes sont écrites. Le programme SPOT
5 est alors en préparation, tout comme Helios 2 avec
une phase A exécutée durant le premier semestre de 1994,
et une phase B se déroulant d'octobre 1994 à juillet 1995.
La définition de chacun de ces deux satellites doit comporter
d'importants perfectionnements par rapport aux modèles précédents
: trois instruments d'observation sur SPOT 5 au lieu de deux, remplacement
des enregistreurs magnétiques par des mémoires statiques
proposées par Alcatel Espace et jugées plus fiables, trois
canaux de transmission des données à 50 mégabits/seconde
chacun.
Les restrictions budgétaires affectant SPOT 5 aussi bien
que les avancées et reculades successives de la coopération
franco-allemande sur Helios 2 laissent prévoir, à
l'époque, une réduction des ambitions initiales ainsi que
d'importants retards par rapport aux premières prévisions. |