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Association Amicale des Anciens d'Alcatel Space
CHRONIQUES D'UN MÉTIER de 1963 à 1993
Table | Préf | Intro | 1 | 2 | 3 | 4 | 5 | 6 | 7 | 8 | 9

6 - Les programmes de satellites

6.4 - Les programmes militaires

SYRACUSE II

Les caractéristiques générales de SYRACUSE II


La définition des satellites Telecom 1 s'est faite sur la base d'une durée de vie de sept années. Il était donc nécessaire, pour assurer la continuité du service, de prévoir des satellites destinés à succéder aux satellites Telecom 1 à partir de fin 1991.

Du côté militaire, les études lancées en 1983 permettent d'explorer plusieurs solutions techniques débouchant sur SYRACUSE II qui sera approuvé par le ministère de la Défense le 20 janvier 1987, dans le cadre des études, du développement et de la réalisation de trois satellites Telecom 2. Il s'agit de satellites mixtes DGT-DGA comprenant chacun, comme les précédents, une charge utile civile et une charge utile militaire.

Cependant, pendant l'année 1986, beaucoup d'efforts sont nécessaires pour qu'il y ait un véritable système militaire, avec en particulier une charge utile complète (coût de l'ordre de 1,5 milliard de francs), au lieu de simplement remplacer Telecom 1 à l'identique. L'amiral Louzeau, alors chef d'État-Major des armées, l'amiral Berges, chargé des programmes, et l'amiral Roitel sont les moteurs pendant cette période.

Gérard Coffinet, avant de quitter Alcatel Espace, mène toute cette période critique de négociation, en particulier avec la Direction des Engins et Missiles (chargée de l'espace), l'IGA Delaye, puis l'IGA Castellan. Un transfert des responsabilités entre la DEM et la DEI amène le STEI à diriger les travaux d'étude de SYRACUSE II.

La continuité du service de SYRACUSE I est assurée et l'accroissement du nombre des correspondants est permis par l'augmentation du nombre des répéteurs d'une part, et par l'introduction de raccordements en automatique avec l'ensemble des réseaux d'infrastructure militaires ainsi qu'avec certains réseaux civils d'autre part.

Une plus grande protection du système contre les agressions est prise en compte au niveau des satellites, ce qui nécessite la mise en place d'une voie de télécommande spécialisée permettant le bon fonctionnement de SYRACUSE II en cas de non-fonctionnement de la voie prévue pour les télécommunications civiles, et une balise distribuant l'heure du réseau à tous les utilisateurs du système.

La nécessité de régler le problème de l'interconnexion automatique entre SYRACUSE et le réseau de commandement Telemac conduit au concept de réseau de circuits SYRACUSE II, afin de banaliser les accès. La durée de vie des satellites est programmée pour dix années au lieu de sept.
 

L'organisation étatique


Au plan de l'organisation, le schéma SYRACUSE I a sensiblement été reconduit du côté étatique, l'ingénieur en chef de l'armement du Chené succédant à l'ICA Dages.

Une Direction de Programme est mise en place au STEI, sous la responsabilité de l'ICA du Chené. Au cours du programme, cette responsabilité sera assumée successivement par l'IPA Chenet, l'IPA Janichewsky, l'ICETA Tousten, l'IPA Lemeur et l'IA Faucoup.

Un comité directeur, responsable de l'ensemble du programme, et assisté du Directeur de Programme et de l'officier de programme, assure le pilotage des groupes techniques et opérationnels pour les composantes système, spatiale et sol.

Une douzaine de groupes de travail réunissent les états-majors, les futurs exploitants, la maîtrise d'oeuvre et la Direction de Programme sur les différents sujets mettant en jeu la conception du système (simulation, raccordements, services offerts…). Cela permet de mettre en lumière l'importance de l'assurance qualité du système. Alcatel Espace peut ainsi mettre en oeuvre des méthodes qui aboutiront à l'obtention par la société de la certification RAQ-1.
 

Le programme SYRACUSE II


Le programme militaire SYRACUSE II comprend donc la définition fine des spécifications techniques d'ensemble du système et de la charge utile correspondante, et le développement et la réalisation d'une centaine de stations terriennes.

Le coût prévisionnel du programme est de l'ordre de 8 milliards de francs, le système et le sol représentant environ 75 % de ce montant. 
 
 

• La charge utile militaire

La charge utile militaire comprend cinq répéteurs transparents réservés au trafic auxquels sont associées différentes couvertures (globale en émission et réception pour la continuité de SYRACUSE I ; métropole vers globale et réciproquement pour les nouveaux services ; spot mobile pour une utilisation tactique, et enfin métropole/centre Europe), ainsi qu'une fonction de régénération à bord permettant la réception des télécommandes protégées, la diffusion des messages horaires à l'ensemble des stations depuis le satellite, et la diffusion de messages protégés depuis la métropole à l'ensemble des stations.

L'ensemble de ces nouvelles fonctionnalités, fondamentales pour le système, fait évoluer le segment sol vers une technicité nouvelle et très sophistiquée.

Basée au départ sur trois satellites dont un en réserve au sol, la nécessité de réaliser un quatrième satellite apparaît à France Telecom dès 1992, sachant que le système SYRACUSE est dimensionné pour un seul satellite opérationnel.
 
 

• Le segment sol

Le segment sol de SYRACUSE II comprend l'ensemble des stations SYRACUSE I, certaines étant aménagées pour assurer la nouvelle capacité du système ainsi que les nouveaux services offerts par SYRACUSE II, des stations supplémentaires du type SYRACUSE I, des stations de types nouveaux, un centre de contrôle du réseau destiné à gérer le trafic des communications, qu'elles soient établies manuellement ou automatiquement, et à permettre le raccordement aux différents réseaux tant métropolitains que distants (réseaux mobiles).

Les stations prévues au titre du programme sont d'environ une centaine, tous types confondus. Les caractéristiques de deux des stations métropolitaines sont grandement améliorées par l'étude, le développement et la réalisation de trois antennes de 18 mètres de diamètre.

Les stations mobiles sont plus légères, maniables et discrètes, leurs performances se caractérisent par de faibles puissances émises et des aériens de petites dimensions (0,4 et 0,9 mètre de diamètre) ; elles présentent une faible probabilité d'interception.

Les liaisons possibles avec SYRACUSE II sont :

- des liaisons télégraphiques à des débits compris entre 50 et 2 400 bits/s ;

- des liaisons téléphoniques cryptées au débit de 2 400 bits/s et en téléphonie delta au débit de 16 000 bits/s ;

- des liaisons de transmission de données à 2 400 et 16 000 bit/s en X25 ;

- des liaisons à n x 64 000 bit/s entre 64 kbits/s et 2 Mbits/s dites liaisons transparentes.
 
 

Les possibilités supplémentaires par rapport à SYRACUSE I permettent :

- la transmission de messages télégraphiques entre SYRACUSE et les réseaux télégraphiques militaires (Carsec, Antinéa, RTMM) via les réseaux de données des armées ;

- l'établissement de communications téléphoniques en automatique avec des abonnés équipés de terminaux compatibles reliés aux réseaux téléphoniques des armées (vers des usagers Ritter, RA70/90, Artemis) ;

- l'établissement de communications de données par paquets avec les réseaux de données des armées (Réséda, Rétinat, RTDM) ;

- des liaisons interstations métropolitaines à haut débit ainsi qu'avec des stations terrestres lourdes, ce qui permettra l'interconnexion avec des usagers RITA déportés sur les théâtres interopérations extérieurs.
 
 

• L'organisation du programme

Une maîtrise d'oeuvre (MOSS) placée chez Alcatel Espace est initiée sous la responsabilité de Bruno Blachier, puis dirigée successivement par Claude Roche, Pierre Houzelot et Louis Le Gall. Pierre Houzelot ayant pris la direction en 1988, il assurera la responsabilité d'Alcatel Système de Défense (ASD) et mènera le programme jusqu'en 1994. Cette maîtrise d'oeuvre composée au départ de personnel d'Alcatel Espace et Alcatel Telspace, sera, en 1988, concentrée uniquement sur Alcatel Espace, puis sur ASD jusqu'en 1994. L'ensemble du programme est ensuite dirigé par Serge Bertrand.

Par ailleurs, dès le démarrage du programme, une maîtrise d'oeuvre de la composante sol (MOCOS) est confiée à Pierre Luginbuhl qui dirige une équipe intégrée Alcatel Espace/Alcatel Telspace. Cette maîtrise d'oeuvre sera dirigée dès 1986 par Louis Le Gall.

En parallèle, une équipe intégrée Thomson/Alcatel, dénommée PIST (Pilote Industriel SYRACUSE Télémac), s'occupe du raccordement Télémac/SYRACUSE, en s'appuyant sur les études menées en commun depuis 1984, qui ont par la suite donné naissance au réseau de circuits sur lequel s'appuie SYRACUSE II.

Pour la composante spatiale, les études et la phase de définition des satellites Telecom 2 s'achèvent fin septembre 1987 par la remise à l'Administration de deux propositions, l'une de MATRA et l'autre de l'Aéro­spa­tiale, chacun des deux industriels étant associé à Alcatel Espace, pour la charge utile, au titre d'un accord de cotraitance.

Le choix du client se porte en novembre 1987 sur la proposition MATRA/Alcatel Espace sur plate-forme Eurostar 2000 de MATRA. 

Le segment sol SYRACUSE II est négocié par Patrick Mollat du Jourdin, ancien officier de programme SYRACUSE I, assisté de Michel Pissarello.

Le centre militaire de contrôle des satellites est réalisé par le CNES, une partie étant sous-traitée au GIE Sat Control (CNES-Aérospatiale-MATRA).

Les lancements des satellites sont assurés par Arianespace, en décembre 1991 pour le premier, Telecom 2A, en avril 1992 pour le deuxième, Telecom 2B, le troisième, Telecom 2C restant initialement au sol en réserve. Telecom 2C sera, en définitive, lancé en décembre 1995, la décision de réaliser Telecom 2D étant prise à la même époque.

Un aménagement des besoins est alors exprimé par les opérationnels, ce qui fait l'objet d'un séminaire en avril-mai 1994, séminaire auquel participent tous les partenaires (Direction de Programme, utilisateurs, industriels…). Il aboutit à une nouvelle définition des besoins tant en services qu'en ressources, ce qui conduit les industriels à repenser certaines fonctions de base du système (essentiellement le dimensionnement en ressources pour chacun des services, ce qui amène à revoir l'ensemble des fonctions de supervision du système).

En définitive, la dernière version de SYRACUSE II devient opérationnelle dans le courant du second semestre 1997, après intégration par Alcatel Espace et de très nombreuses mesures de calibration et de recette système effectuées sur les différents sites.

Avec les nouveaux types de stations, le service est maintenant assuré à partir de véhicules légers de type 4 x 4, de navires de la Marine nationale de plus faible tonnage (une seule antenne de moindre diamètre), et de sous-marins en plongée périscopique (antenne installée sous un radôme étanche, le tout monté sur un mât hissable). Ce dernier type de transmission a été obtenu en première mondiale, dans cette bande de fréquence, dès novembre 1990, c'est-à-dire sur les premiers satellites Telecom 1, plus d'une année avant la mise en orbite de Telecom 2.

L'inauguration à France-Sud en novembre 1991 de la première liaison SHF opérationnelle avec un sous-marin, sous la présidence de Pierre Joxe, alors ministre de la Défense, vient concrétiser les travaux effectués.
 
 

• Les contrats

C'est à la fin de 1987, à l'issue de nombreux études et développements démarrés en 1983, qu'est signé le contrat par lequel le client DGA donne à Alcatel Espace la maîtrise d'oeuvre du programme SYRACUSE II (composantes système et sol), d'un coût de plus de 5 milliards de francs de l'époque.
 

Les évolutions du système SYRACUSE II


Plus que tout autre programme, un système de télécommunications militaire doit rester performant. Il y est poussé d'abord par sa finalité, mais aussi par l'évolution technologique, beaucoup plus rapide dans le domaine des télécommunications que dans d'autres secteurs de l'armement. Cette évolution doit d'ailleurs être gérée intelligemment pour suivre celle du besoin opérationnel, sans constituer une trop lourde hypothèque sur la ressource financière du client. Les recettes de ce défi sont connues et efficaces : optimisation permanente du matériel existant, aide diligente des équipes de maîtrise d'oeuvre apportée au client pour la redéfinition de son besoin, utilisation judicieuse des technologies civiles quand apparaît une synergie possible au niveau des applications.

Cette méthodologie, acceptée par tous les partenaires dès la signature du contrat, va se révéler fructueuse et se traduire concrètement dans la période 1990-1996 par des décisions et des actions significatives, à savoir :

- en décembre 1995, lancement du troisième satellite (Telecom 2C), initialement stocké au sol pour parer à un incident (qui ne s'est pas produit) ;

- lancement programmé en 1996 d'un quatrième satellite (Telecom 2D), colocalisé avec le satellite Telecom 2B, et exploitation simultanée au niveau système de deux satellites, nécessitée par l'établissement de liaisons à haut débit pour les nouveaux systèmes de commandement (SIC, RITA, AIDCOMAIR, STRIDA…), ces deux dernières dispositions étant destinées à faire vivre le segment spatial jusqu'aux environs de 2005 ;

- développement de capacités de secours mutuel entre les réseaux SYRACUSE (français) et Skynet (britannique), tant il est vrai que l'interopérabilité entre alliés est devenue une nécessité dans la gestion des crises régionales en Europe ou outre-mer. Ce développement inclut l'extension de la couverture géographique du système satellite dont l'intérêt opérationnel est évident ;

- mise en service dès 1996 d'une «passerelle» (à partir de la station de France-Sud) permettant aux bâtiments français utilisant SYRACUSE de travailler avec les bâtiments de l'US Navy utilisant le système Fleetsatcom en UHF. D'autres services sont développés, comme l'augmentation du débit de l'information pour les petites stations et le raccordement du système SYRACUSE aux autres réseaux de transmissions interarmées ;

- concrétisation courant 1996 des diverses propositions visant à regrouper l'ensemble des différents services de téléphonie et de données X25 dans une seule unité de raccordement. Il s'agit du programme COSYS, dont l'objectif est le raccordement de SYRACUSE à SOCRATE.
 

L'équipe Syracuse II de Toulouse

Les successeurs de SYRACUSE II


Fin 1995, l'équipe Alcatel, qui travaille sur le futur, bâtit ses hypothèses sur trois «certitudes» :

- le système SYRACUSE II cessera d'être opérationnel en 2005 (fin de durée de vie du segment spatial) ;

- il y a tout lieu de penser que le nouveau réseau sera multinational (au moins européen) pour d'évidentes raisons d'économies et d'interopérabilité ;

- l'expérience a montré que dix années ne sont pas de trop pour développer et mettre en service un nouveau réseau de communications militaires par satellite.
 
 

Plusieurs scénarios de coopération ont été imaginés et mis en oeuvre depuis plusieurs années :

- Emilsatcom : coopération impliquant la majorité des grands pays européens ;

- Inmilsatcom : coopération entre les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ;

- Bimilsatcom : coopération entre le Royaume-Uni et la France ;

- Gefmilsatcom : coopération entre l'Allemagne et la France.
 
 

Ces scénarios ont fait l'objet d'études techniques diverses. Aujourd'hui, la décision de coopération s'est portée sur Trimilsatcom, une cinquième possibilité regroupant l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France.
 
 

Deux études de définition doivent être menées en parallèle :

- l'une pilotée par MMS avec DASA et LOGICA ;

- l'autre pilotée par Alcatel Espace (intégrant Aérospatiale Cannes), avec SEL, BOSCH Telecom, BAE Defense System, Alcatel Telspace et Thomson-CSF. Alcatel Espace joue de nouveau, ici, son rôle de leader.

En parallèle, il convient de réfléchir à un système purement français, successeur de SYRACUSE II, palliatif en cas de retard ou de difficultés de Trimilsatcom.
 

L'équipe Syracuse II de Nanterre

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