6 - Les programmes de satellites
6.4 - Les programmes militaires
Les caractéristiques générales de SYRACUSE II
La définition des satellites Telecom 1 s'est faite
sur la base d'une durée de vie de sept années. Il était
donc nécessaire, pour assurer la continuité du service, de
prévoir des satellites destinés à succéder
aux satellites Telecom 1 à partir de fin 1991.
Du côté militaire, les études lancées en
1983 permettent d'explorer plusieurs solutions techniques débouchant
sur SYRACUSE II qui sera approuvé par le ministère
de la Défense le 20 janvier 1987, dans le cadre des études,
du développement et de la réalisation de trois satellites
Telecom
2. Il s'agit de satellites mixtes DGT-DGA comprenant chacun, comme
les précédents, une charge utile civile et une charge utile
militaire.
Cependant, pendant l'année 1986, beaucoup d'efforts sont nécessaires
pour qu'il y ait un véritable système militaire, avec en
particulier une charge utile complète (coût de l'ordre de
1,5 milliard de francs), au lieu de simplement remplacer Telecom 1
à l'identique. L'amiral Louzeau, alors chef d'État-Major
des armées, l'amiral Berges, chargé des programmes, et l'amiral
Roitel sont les moteurs pendant cette période.
Gérard Coffinet, avant de quitter Alcatel Espace, mène
toute cette période critique de négociation, en particulier
avec la Direction des Engins et Missiles (chargée de l'espace),
l'IGA Delaye, puis l'IGA Castellan. Un transfert des responsabilités
entre la DEM et la DEI amène le STEI à diriger les travaux
d'étude de SYRACUSE II.
La continuité du service de SYRACUSE I est assurée
et l'accroissement du nombre des correspondants est permis par l'augmentation
du nombre des répéteurs d'une part, et par l'introduction
de raccordements en automatique avec l'ensemble des réseaux d'infrastructure
militaires ainsi qu'avec certains réseaux civils d'autre part.
Une plus grande protection du système contre les agressions est
prise en compte au niveau des satellites, ce qui nécessite la mise
en place d'une voie de télécommande spécialisée
permettant le bon fonctionnement de SYRACUSE II en cas de non-fonctionnement
de la voie prévue pour les télécommunications civiles,
et une balise distribuant l'heure du réseau à tous les utilisateurs
du système.
La nécessité de régler le problème de l'interconnexion
automatique entre SYRACUSE et le réseau de commandement Telemac
conduit au concept de réseau de circuits SYRACUSE II, afin
de banaliser les accès. La durée de vie des satellites est
programmée pour dix années au lieu de sept.
L'organisation étatique
Au plan de l'organisation, le schéma SYRACUSE I a
sensiblement été reconduit du côté étatique,
l'ingénieur en chef de l'armement du Chené succédant
à l'ICA Dages.
Une Direction de Programme est mise en place au STEI, sous la responsabilité
de l'ICA du Chené. Au cours du programme, cette responsabilité
sera assumée successivement par l'IPA Chenet, l'IPA Janichewsky,
l'ICETA Tousten, l'IPA Lemeur et l'IA Faucoup.
Un comité directeur, responsable de l'ensemble du programme,
et assisté du Directeur de Programme et de l'officier de programme,
assure le pilotage des groupes techniques et opérationnels pour
les composantes système, spatiale et sol.
Une douzaine de groupes de travail réunissent les états-majors,
les futurs exploitants, la maîtrise d'oeuvre et la Direction de Programme
sur les différents sujets mettant en jeu la conception du système
(simulation, raccordements, services offerts
). Cela permet de mettre en
lumière l'importance de l'assurance qualité du système.
Alcatel Espace peut ainsi mettre en oeuvre des méthodes qui aboutiront
à l'obtention par la société de la certification RAQ-1.
Le programme SYRACUSE II
Le programme militaire SYRACUSE II comprend donc la définition
fine des spécifications techniques d'ensemble du système
et de la charge utile correspondante, et le développement et la
réalisation d'une centaine de stations terriennes.
Le coût prévisionnel du programme est de l'ordre de 8 milliards
de francs, le système et le sol représentant environ 75 %
de ce montant.
La charge utile militaire
La charge utile militaire comprend cinq répéteurs transparents
réservés au trafic auxquels sont associées différentes
couvertures (globale en émission et réception pour la continuité
de SYRACUSE I ; métropole vers globale et réciproquement
pour les nouveaux services ; spot mobile pour une utilisation tactique,
et enfin métropole/centre Europe), ainsi qu'une fonction de régénération
à bord permettant la réception des télécommandes
protégées, la diffusion des messages horaires à l'ensemble
des stations depuis le satellite, et la diffusion de messages protégés
depuis la métropole à l'ensemble des stations.
L'ensemble de ces nouvelles fonctionnalités, fondamentales pour
le système, fait évoluer le segment sol vers une technicité
nouvelle et très sophistiquée.
Basée au départ sur trois satellites dont un en réserve
au sol, la nécessité de réaliser un quatrième
satellite apparaît à France Telecom dès 1992, sachant
que le système SYRACUSE est dimensionné pour un seul
satellite opérationnel.
Le segment sol
Le segment sol de SYRACUSE II comprend l'ensemble des stations
SYRACUSE
I, certaines étant aménagées pour assurer la nouvelle
capacité du système ainsi que les nouveaux services offerts
par SYRACUSE II, des stations supplémentaires du type SYRACUSE
I, des stations de types nouveaux, un centre de contrôle du réseau
destiné à gérer le trafic des communications, qu'elles
soient établies manuellement ou automatiquement, et à permettre
le raccordement aux différents réseaux tant métropolitains
que distants (réseaux mobiles).
Les stations prévues au titre du programme sont d'environ une
centaine, tous types confondus. Les caractéristiques de deux des
stations métropolitaines sont grandement améliorées
par l'étude, le développement et la réalisation de
trois antennes de 18 mètres de diamètre.
Les stations mobiles sont plus légères, maniables et discrètes,
leurs performances se caractérisent par de faibles puissances émises
et des aériens de petites dimensions (0,4 et 0,9 mètre de
diamètre) ; elles présentent une faible probabilité
d'interception.
Les liaisons possibles avec SYRACUSE II sont :
- des liaisons télégraphiques à des débits
compris entre 50 et 2 400 bits/s ;
- des liaisons téléphoniques cryptées au débit
de 2 400 bits/s et en téléphonie delta au débit de
16 000 bits/s ;
- des liaisons de transmission de données à 2 400 et 16
000 bit/s en X25 ;
- des liaisons à n x 64 000 bit/s entre 64 kbits/s et 2 Mbits/s
dites liaisons transparentes.
Les possibilités supplémentaires par rapport à
SYRACUSE
I permettent :
- la transmission de messages télégraphiques entre SYRACUSE
et les réseaux télégraphiques militaires (Carsec,
Antinéa, RTMM) via les réseaux de données des
armées ;
- l'établissement de communications téléphoniques
en automatique avec des abonnés équipés de terminaux
compatibles reliés aux réseaux téléphoniques
des armées (vers des usagers Ritter, RA70/90, Artemis) ;
- l'établissement de communications de données par paquets
avec les réseaux de données des armées (Réséda,
Rétinat, RTDM) ;
- des liaisons interstations métropolitaines à haut débit
ainsi qu'avec des stations terrestres lourdes, ce qui permettra l'interconnexion
avec des usagers RITA déportés sur les théâtres
interopérations extérieurs.
L'organisation du programme
Une maîtrise d'oeuvre (MOSS) placée chez Alcatel Espace
est initiée sous la responsabilité de Bruno Blachier, puis
dirigée successivement par Claude Roche, Pierre Houzelot et Louis
Le Gall. Pierre Houzelot ayant pris la direction en 1988, il assurera la
responsabilité d'Alcatel Système de Défense (ASD)
et mènera le programme jusqu'en 1994. Cette maîtrise d'oeuvre
composée au départ de personnel d'Alcatel Espace et Alcatel
Telspace, sera, en 1988, concentrée uniquement sur Alcatel Espace,
puis sur ASD jusqu'en 1994. L'ensemble du programme est ensuite dirigé
par Serge Bertrand.
Par ailleurs, dès le démarrage du programme, une maîtrise
d'oeuvre de la composante sol (MOCOS) est confiée à Pierre
Luginbuhl qui dirige une équipe intégrée Alcatel Espace/Alcatel
Telspace. Cette maîtrise d'oeuvre sera dirigée dès 1986
par Louis Le Gall.
En parallèle, une équipe intégrée Thomson/Alcatel,
dénommée PIST (Pilote Industriel SYRACUSE Télémac),
s'occupe du raccordement Télémac/SYRACUSE, en s'appuyant
sur les études menées en commun depuis 1984, qui ont par
la suite donné naissance au réseau de circuits sur lequel
s'appuie SYRACUSE II.
Pour la composante spatiale, les études et la phase de définition
des satellites Telecom 2 s'achèvent fin septembre 1987 par
la remise à l'Administration de deux propositions, l'une de MATRA
et l'autre de l'Aérospatiale, chacun des deux industriels
étant associé à Alcatel Espace, pour la charge utile,
au titre d'un accord de cotraitance.
Le choix du client se porte en novembre 1987 sur la proposition MATRA/Alcatel
Espace sur plate-forme Eurostar 2000 de MATRA.
Le segment sol SYRACUSE II est négocié par Patrick
Mollat du Jourdin, ancien officier de programme SYRACUSE I, assisté
de Michel Pissarello.
Le centre militaire de contrôle des satellites est réalisé
par le CNES, une partie étant sous-traitée au GIE Sat Control
(CNES-Aérospatiale-MATRA).
Les lancements des satellites sont assurés par Arianespace, en
décembre 1991 pour le premier, Telecom 2A, en avril 1992
pour le deuxième, Telecom 2B, le troisième, Telecom
2C restant initialement au sol en réserve. Telecom 2C
sera, en définitive, lancé en décembre 1995, la décision
de réaliser Telecom 2D étant prise à la même
époque.
Un aménagement des besoins est alors exprimé par les opérationnels,
ce qui fait l'objet d'un séminaire en avril-mai 1994, séminaire
auquel participent tous les partenaires (Direction de Programme, utilisateurs,
industriels
). Il aboutit à une nouvelle définition des besoins
tant en services qu'en ressources, ce qui conduit les industriels à
repenser certaines fonctions de base du système (essentiellement
le dimensionnement en ressources pour chacun des services, ce qui amène
à revoir l'ensemble des fonctions de supervision du système).
En définitive, la dernière version de SYRACUSE II
devient opérationnelle dans le courant du second semestre 1997,
après intégration par Alcatel Espace et de très nombreuses
mesures de calibration et de recette système effectuées sur
les différents sites.
Avec les nouveaux types de stations, le service est maintenant assuré
à partir de véhicules légers de type 4 x 4, de navires
de la Marine nationale de plus faible tonnage (une seule antenne de moindre
diamètre), et de sous-marins en plongée périscopique
(antenne installée sous un radôme étanche, le tout
monté sur un mât hissable). Ce dernier type de transmission
a été obtenu en première mondiale, dans cette bande
de fréquence, dès novembre 1990, c'est-à-dire sur
les premiers satellites Telecom 1, plus d'une année avant
la mise en orbite de Telecom 2.
L'inauguration à France-Sud en novembre 1991 de la première
liaison SHF opérationnelle avec un sous-marin, sous la présidence
de Pierre Joxe, alors ministre de la Défense, vient concrétiser
les travaux effectués.
Les contrats
C'est à la fin de 1987, à l'issue de nombreux études
et développements démarrés en 1983, qu'est signé
le contrat par lequel le client DGA donne à Alcatel Espace la maîtrise
d'oeuvre du programme SYRACUSE II (composantes système et
sol), d'un coût de plus de 5 milliards de francs de l'époque.
Les évolutions du système SYRACUSE II
Plus que tout autre programme, un système de télécommunications
militaire doit rester performant. Il y est poussé d'abord par sa
finalité, mais aussi par l'évolution technologique, beaucoup
plus rapide dans le domaine des télécommunications que dans
d'autres secteurs de l'armement. Cette évolution doit d'ailleurs
être gérée intelligemment pour suivre celle du besoin
opérationnel, sans constituer une trop lourde hypothèque
sur la ressource financière du client. Les recettes de ce défi
sont connues et efficaces : optimisation permanente du matériel
existant, aide diligente des équipes de maîtrise d'oeuvre apportée
au client pour la redéfinition de son besoin, utilisation judicieuse
des technologies civiles quand apparaît une synergie possible au
niveau des applications.
Cette méthodologie, acceptée par tous les partenaires
dès la signature du contrat, va se révéler fructueuse
et se traduire concrètement dans la période 1990-1996 par
des décisions et des actions significatives, à savoir :
- en décembre 1995, lancement du troisième satellite (Telecom
2C), initialement stocké au sol pour parer à un incident
(qui ne s'est pas produit) ;
- lancement programmé en 1996 d'un quatrième satellite
(Telecom
2D), colocalisé avec le satellite Telecom 2B, et exploitation
simultanée au niveau système de deux satellites, nécessitée
par l'établissement de liaisons à haut débit pour
les nouveaux systèmes de commandement (SIC, RITA, AIDCOMAIR, STRIDA
),
ces deux dernières dispositions étant destinées à
faire vivre le segment spatial jusqu'aux environs de 2005 ;
- développement de capacités de secours mutuel entre les
réseaux SYRACUSE (français) et Skynet (britannique),
tant il est vrai que l'interopérabilité entre alliés
est devenue une nécessité dans la gestion des crises régionales
en Europe ou outre-mer. Ce développement inclut l'extension de la
couverture géographique du système satellite dont l'intérêt
opérationnel est évident ;
- mise en service dès 1996 d'une «passerelle» (à
partir de la station de France-Sud) permettant aux bâtiments français
utilisant SYRACUSE de travailler avec les bâtiments de l'US
Navy utilisant le système Fleetsatcom en UHF. D'autres services
sont développés, comme l'augmentation du débit de
l'information pour les petites stations et le raccordement du système
SYRACUSE
aux autres réseaux de transmissions interarmées ;
- concrétisation courant 1996 des diverses propositions visant
à regrouper l'ensemble des différents services de téléphonie
et de données X25 dans une seule unité de raccordement. Il
s'agit du programme COSYS, dont l'objectif est le raccordement de
SYRACUSE
à SOCRATE.
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L'équipe Syracuse II de Toulouse
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Les successeurs de SYRACUSE II
Fin 1995, l'équipe Alcatel, qui travaille sur le futur, bâtit
ses hypothèses sur trois «certitudes» :
- le système SYRACUSE II cessera d'être opérationnel
en 2005 (fin de durée de vie du segment spatial) ;
- il y a tout lieu de penser que le nouveau réseau sera multinational
(au moins européen) pour d'évidentes raisons d'économies
et d'interopérabilité ;
- l'expérience a montré que dix années ne sont
pas de trop pour développer et mettre en service un nouveau réseau
de communications militaires par satellite.
Plusieurs scénarios de coopération ont été
imaginés et mis en oeuvre depuis plusieurs années :
- Emilsatcom : coopération impliquant la majorité
des grands pays européens ;
- Inmilsatcom : coopération entre les États-Unis,
le Royaume-Uni et la France ;
- Bimilsatcom : coopération entre le Royaume-Uni et la
France ;
- Gefmilsatcom : coopération entre l'Allemagne et la France.
Ces scénarios ont fait l'objet d'études techniques diverses.
Aujourd'hui, la décision de coopération s'est portée
sur Trimilsatcom, une cinquième possibilité regroupant
l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la France.
Deux études de définition doivent être menées
en parallèle :
- l'une pilotée par MMS avec DASA et LOGICA ;
- l'autre pilotée par Alcatel Espace (intégrant Aérospatiale
Cannes), avec SEL, BOSCH Telecom, BAE Defense System, Alcatel Telspace
et Thomson-CSF. Alcatel Espace joue de nouveau, ici, son rôle de
leader.
En parallèle, il convient de réfléchir à
un système purement français, successeur de SYRACUSE II,
palliatif en cas de retard ou de difficultés de Trimilsatcom.
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L'équipe Syracuse II de Nanterre
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